Le marché de la maison en bois explose. Selon les chiffres très récents de l’Association française des constructeurs bois – l’Afcobois est présidée par le Girondin Claude Daquin – il se construira en France cette année 9 800 maisons en bois contre 5 000 en 2000, une progression de 97 %.
En Aquitaine aussi, 6 à 7 % des particuliers qui font construire leur maison individuelle optent aujourd’hui pour le bois. Selon des sources concordantes, on devrait dépasser les 350 maisons en bois cette année. Mieux, les maîtres d’ouvrage publics s’y mettent. La construction du lycée de Mont-de-Marsan, l’extension du centre administratif de Parentis, les logements de saisonniers de la communauté d’agglomération du bassin d’Arcachon sud (Cobas) : tous en bois. Gironde Habitat, l’Opac du conseil général, travaille sur un projet de vingt logements individuels en bois à Captieux. Jean-Jacques Soulas est l’architecte de ce programme. Il est l’un des animateurs, aux côtés de Christian Maintrop, du mastère « concevoir et réaliser avec le bois » co-produit, depuis six ans, par l’école d’architecture et du paysage de Bordeaux et l’université de Bordeaux-I : « Il est impératif pour l’ensemble de la profession d’agir pour ne pas rater ce train », affirme Christian Maintrop. La filière bois aquitaine, pas toujours très coordonnée, se mobilise. Enfin, pourrait-on dire ! Car le marché est aujourd’hui tenu par les bois finlandais, brésiliens, baltes ou canadiens, qui arrivent moins cher en dépit des coûts de transport.
De vrais handicaps. Le pin maritime peuple 1 million d’hectares de forêt landaise, le plus gros massif d’Europe. Une gestion patrimoniale oriente traditionnellement la production vers l’industrie du papier, de la trituration (bois panneaux), de l’emballage et de la palette, à des prix immuables malgré la concurrence.
Star du massif, le pin maritime comporte de vrais handicaps. Il est composé de nœuds. Il n’est pas rectiligne, ce qui le prive d’une capacité d’industrialisation comparable aux bois du nord de l’Europe. Résultat, seulement 5 % de la production de pin maritime est utilisée comme bois d’œuvre dans la construction : « On doit pouvoir passer à 30 % dans le bardage et le revêtement extérieur notamment », est convaincu Claude Daquin, entrepreneur à Salles (Gironde). Trois solutions émergent aujourd’hui au sein de la profession qui s’est impliquée dans une démarche collective, très inhabituelle, en travaillant à l’élaboration du dossier pôle de compétitivité « Pin maritime du futur » qui donne aujourd’hui le tempo : la mutualisation, le marketing et l’innovation.
Se regrouper pour investir. Les 240 scieurs de la région (7 000 salariés) ont des commandes pour des charpentes traditionnelles qu’ils parviennent à satisfaire bon an mal an. Mais le boom de la demande contraint la profession à des changements d’échelles : « Nos entreprises qui comptent une vingtaine de salariés en moyenne doivent aujourd’hui se mettre en réseau pour pouvoir assumer des investissements leur permettant d’offrir au marché de vraies solutions constructives », explique Stéphane Latour, directeur de la Fédération des industries du bois d’Aquitaine (Fiba).
Les constructeurs, qui réalisent chacun une vingtaine de maisons par an, devront quant à eux se grouper aussi pour investir dans des centres d’usinage compétitifs qui diminuent le temps de pose ou d’assemblage leur permettant ainsi de répondre à la demande : « Il faut 1 million d’euros pour un équipement moderne », estime Claude Daquin.
Un projet d’unité industrielle. Lors du salon Innovapin qui s’est tenu à Riom (Landes), le mois dernier, l’Union des industries du rabotage de pin maritime était fière de présenter son catalogue de nouveautés. Pour gagner l’inégale bataille des prix face aux bois d’Europe du Nord ou d’Amérique du Sud, elle fait le choix de s’associer les services de l’architecte designer Christian Colvis pour affirmer le caractère très tendance du pin maritime dont les industriels aquitains des parquets et lambris sont les plus gros consommateurs : « C’est en innovant sur les couleurs, les textures, l’image de nos produits que nous gagnerons », estime Luc Rauscent, délégué général de cette union professionnelle pour qui la reconquête sur le marché du lambris passe par une offre commerciale groupée, dans un grand show room à créer auprès de la distribution spécialisée.
Bois massif reconstitué. Dernière piste et non la moindre, celle de la recherche et de l’innovation. Le laboratoire de rhéologie du bois de Bordeaux, qui regroupe le CNRS, l’université de Bordeaux- I et l’Inra, travaille sur ce thème avec les professionnels sur les bois d’ingénierie reconstitués : « L’avenir est au bois massif reconstitué comme le proposent aujourd’hui les Allemands et les Autrichiens », explique Pierre Morlier, qui anime ces équipes de recherche.
Un projet aquitain est sur le point de sortir : la construction d’une unité industrielle d’aboutage du bois vert. Il s’agit du collage, avant séchage (aboutage signifie emboîtage) de deux planches de bois purgées de leurs défauts les plus gênants. Le procédé permet un séchage droit et donc une production au kilomètre. Utile quand on sait que la courbure du pin maritime empêche de produire des bois plus longs que 2,40 mètres quand les concurrents en proposent de toutes les longueurs jusqu’à 14 mètres. L’investissement, de quelque 8 millions d’euros, associerait plusieurs scieurs de la région. Il attend un signal de l’Etat et des collectivités, au-delà de la signature de la charte régionale pour l’utilisation du bois annoncée au mois de janvier prochain.
