Interview

Appels d’offres à prix révisables : « Les promoteurs ne veulent pas être la variable d’ajustement du système », Pascal Boulanger (FPI)

Le président de la Fédération des promoteurs immobiliers, Pascal Boulanger, alerte sur une crise du logement à venir "au moins aussi importante que celle des gilets jaunes" et répond défavorablement à la demande des entreprises, qui en pleine crise des matériaux, demandent à ce que la maîtrise d'ouvrage publique et privée lancent des appels d'offres à prix révisables.

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Pascal Boulanger, président de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI)
Pascal Boulanger, président de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI)

Comment les promoteurs immobiliers appréhendent-ils les conséquences de la guerre en Ukraine, sur la flambée des prix des matériaux ?

Nos soucis sont moins importants que ceux des Ukrainiens : les nôtres sont d’ordre économique, les leurs vitaux. Ceci étant dit, nous vivons une situation inédite et il est un peu tôt pour en tirer des conclusions. Les prix évoluent dans tous les sens, les délais de livraisons ne sont plus assurés, et il y aura peut-être des arrêts de chantiers à cause de pénuries totales de matériaux. Je pense par exemple, à l’aluminium, à l’acier, au bois. Mais aussi au carrelage et aux briques. Presque tous les matériaux sont concernés. En parallèle, le coût des travaux augmentent puisque les engins de chantier consomment beaucoup d’énergie.

Les promoteurs sont-ils prêts à lancer des appels d’offre à prix révisables, comme le demandent les entreprises ?

Les entreprises, les fabricants, le négoce… travaillent en B to B. Nous travaillons en B to C. Directement avec le consommateur donc. Nous n’avons pas réellement la possibilité de majorer nos prix. Une fois qu’une vente est actée, nous pouvons réviser le prix de sortie à hauteur de 70% de l’indice BT01 à condition que ce soit prévu dans le contrat préalable signé avec le ménage et par l’acte authentique de vente. C’est ce que prévoit le droit. Dans les faits, il peut être compliqué pour les acquéreursde financer un logement, non pas à 350 000 € mais à 370 000 €.

Nous pouvons nous mettre autour de la table avec les entreprises pour travailler ensemble, mais nous ne voulons pas être la variable d’ajustement du système. Lancer des appels d’offre à prix révisables me semble difficile tant que nous n’avons pas trouvé de solutions techniques avec le système bancaire. Je rappelle que la banque ne finance pas le projet d’un promoteur immobilier s’il n’a pas une marge minimale. Elle oscille à un peu plus de 5% en moyenne après impôt. 50% du prix de revient d’une opération est représenté par le coût de construction. S’il prend 10%, la marge est nulle. Donc si nous acceptons de réviser nos prix, les établissements bancaires risquent de ne pas accorder les garanties financières d’achèvement. Et sans la confiance des banques, nous ne pourrons plus lancer d’opérations.

Des entreprises commencent déjà à dénoncer des contrats pour se désengager et ne pas participer au lancement de certains chantiers. Ces comportements, encore marginaux, inquiètent-ils les maîtres d’ouvrage que vous représentez ?

Des promoteurs m’ont déjà annoncé vouloir lever le pied, en ne lançant pas les opérations programmées. Je ne connais pas les fonds propres de chaque promoteur, mais si cela continue comme ça, il n’y en aura pas assez pour tout le monde.

En parallèle, un autre problème se dessine. Je ne cesse de dénoncer la réticence des maires à accorder des permis de construire. Nous sommes face à une crise du logement au moins égale à celle des gilets jaunes. Le prix des logements neufs risque d’augmenter. Tout comme ceux de l’existant. Il faut donc que les maires accordent les permis de construire, qu’ils nous permettent de construire la ville intense. Nous répondrons ainsi aux enjeux du zéro artificialisation nette et nous pourrons amortir nos coûts fixes.

Le gouvernement a lancé un plan de résilience à la mi-mars. Quelles aides complémentaires demandez-vous ?

Lorsqu’un acquéreur achète avec l’aide d’un prêt à taux zéro (PTZ) son logement doit être achevé au plus tard 36 mois suivant l’émission d’un PTZ. Pour un achat réalisé avec l’aide d’un dispositif Pinel, le délai est fixé à 30 mois après la date de la signature de l’acte authentique d’achat. J’ai demandé au gouvernement de suspendre ces délais.

J’ai également demandé une grande pause normative. Provisoire, elle permettrait de ralentir l’application de la RE 2020 et de décaler l’entrée en vigueur du Pinel +. Le ministère du Logement pourrait également inciter les bailleurs sociaux à réviser à la hausse le prix d’acquisition de nos logements.

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