Par temps clair, les journalistes du « Moniteur » peuvent, de leur salle de rédaction du septième étage, observer à loisir la tête penchée de la plus grande des tours Duo.
Distinguer un morceau de Paris depuis ces confins des Hauts-de-Seine constitue en soi une sacrée performance. Seule la masse sombre de la tour Montparnasse est en mesure de faire jeu égal.
L'érection de cette paire d'IGH s'est étalée sur plus de quatre ans, suivie au quotidien par les automobilistes roulant au pas sur le périph qui longe leur parcelle. Le résultat n'en constitue pas moins une rupture visuelle pour des millions de Franciliens. Depuis la banlieue autant - voire davantage -que depuis la capitale, les tours conçues par les Ateliers Jean Nouvel imposent leur immense stature dans le paysage et tranchent avec les gabarits environnants.
Non contentes de faire une percée dans la skyline parisienne, les Duo font aussi irruption dans les conversations. Chacun y va de son avis, parfois enthousiaste, parfois critique, souvent hésitant. Et pour cause : selon la face que l'on contemple, l'éloignement et même la couleur du ciel, l'ensemble change d'aspect : l'élégance succède à l'arrogance, une volumétrie écrasante se mue soudain en silhouette élancée. Rarement l'architecture aura autant été une question de points de vue.
Avec la tour Triangle d'Herzog et de Meuron, dont les travaux viennent de démarrer, et le tribunal de Paris signé Renzo Piano, elles doivent former un ensemble de repères urbains à l'altimétrie assumée. Situé aux limites de la capitale, ce réseau de phares du Grand Paris ne s'élargira pas : personne n'aurait aujourd'hui l'idée de proposer de tels ouvrages. Leur démesure ne s'accorde pas aux envies actuelles de « démétropolisation », si présente dans la campagne présidentielle. Pourtant, à notre époque, qui est aussi celle de la sobriété foncière, leur taille continue de nous interroger. Les tours qui dansent, totem de la ville dense.
