« Avec ses pièces qui célèbrent l’équilibre entre nature et développement urbain, cette troisième édition d’Annecy Paysages s’impose comme la plus nécessaire ». Salvador Garcia, directeur artistique de l’événement, savoure la victoire remportée par l’art urbain sur l’adversité du Covid-19, au bord du lac haut-savoyard.
Sauvetage in extremis
En attendant la grande ballade qui marquera l’inauguration officielle le 17 juillet - par groupe de 10 pour respecter les règles sanitaires - la pré-visite virtuelle atteint son but, ce 11 juin sous la conduite du directeur de Bonlieu, scène nationale d’Annecy : l’application Zoom ne fait pas écran au partage de l’émotion promise aux visiteurs de l’espace public métamorphosé par 20 installations.
Mobilisés in extremis après une pesante et démoralisante hésitation, les artistes ont capté l’air du temps pour le fixer au sol du 4 juillet au 27 septembre, grâce à la mobilisation des services municipaux, en particulier celui des espaces verts, de la biodiversité et de l’environnement.
« La crise sanitaire a révélé un énorme désir de décélérer. Le festival y répond par un nouveau rapport au temps et aux usages », poursuit Salvador Garcia. Le thème du rafraîchissement urbain illustre son propos : le letton Didzis Jauzens s’est est saisi avec une ombrière en bois dans les jardins de l’Europe, tout comme les français Caloni et Mouginot avec une série de bancs ombragés.
Totem lacustre
Sur un mode plus fun et techno grâce à l’aide du fab lab de la haute école d’architecture et de design de Barcelone, la britannique Anaisa Franco arrose le visiteur avec une fontaine qui se déclenche sur son passage en déployant les couleurs de l’arc-en-ciel.
Qualifié de totem du festival par Savador Garcia, la cabane lacustre Walden Raft d’Elise Robin et Florent Albinet tire parti en 2020 de ses déboires de 2019 : une tempête l’avait balayée au premier jour du festival. La ville a décidé de pérenniser l’œuvre qui célèbre l’américain Henri-David Thoreau, considéré comme un père de l’écologie politique.
« Entre poésie, essai et journal intime, son livre Walden ou la vie dans les bois célèbre sa vision non hiérarchique de la nature. Il l’a écrit près d’une cabane dont nous proposons une version navigable qui joue sur la transparence et l’opacité », décrypte Elise Robin.
Jardin en mutation
Provoqué par le festival, le dialogue entre l’éphémère et le permanent stimule la réflexion municipale sur l’évolution de l’espace public. Mise en œuvre à l’occasion de l’édition 2019 d’Annecy Paysages, la mutation du jardin de l’évêché en témoigne.
« A notre surprise, la population a plébiscité cette transformation qui rompt avec les codes d’un jardin figé dans l’imaginaire néoromantique d’une ville balnéaire du XIXème siècle. Au paysage de décoration et de contemplation, se superpose désormais un jardin qui interroge sur notre survie, énonce des possibles et incite à la participation », se réjouit Salvador Garcia.
Babel réinventée
Ce nouvel état d’esprit se diffuse jusqu’au service municipal de l’urbanisme, autour de l’idée d’associer Annecy Paysages à tous les projets de rénovation urbaine en cours. Pressenti avant la crise sanitaire pour expérimenter cette démarche dès 2020, le quartier des Trois fontaines a reculé pour mieux sauter : en 2021, le passage piéton en bois qui enjambera l’ancien domaine ferroviaire symbolisera ce test d’urbanisme provisoire.
Sans attendre, un vrai totem invitera à relire la ville, pour entrer dans la troisième édition, au forum de Bonlieu où siège la scène nationale qui orchestre le festival. « Avec cet objet de 6 m2 sur trois faces, j’ai condensé la ville dans une image fabriquée avec les photos de 60 bâtiments qui déclinent trois thèmes : le tourisme, les années 1930 et le patrimoine classique », résume le photographe plasticien Jean-François Rauzier, auteur de l’œuvre baptisée Babel 50 Annecy. Des flash code stimuleront l’invitation à la promenade dans le paysage urbain mis en mouvement par les artistes.