« Le récit fait le réel ». Pour présenter le plan paysage qu’il porte en sa qualité de président du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale de l’agglomération messine (Scotam), Henri Hasser part de cette formule. Depuis sa commune située à l’amont de Metz sur la rive gauche de la Moselle, le maire de Ban-Saint-Martin n’ignore rien des « tortures » subies par son territoire : « Les guerres, l’industrie, la France moche des périphéries commerciales », énumère l’élu.
Mise en récit par le concret
Pour sublimer cet héritage dans un récit auquel s’identifient les 415 630 habitants qu’il fédère au sein de 224 communes et sept intercommunalités, le Scotam avait besoin d’une conteuse ou d’un conteur. Rompue à cet exercice, mais dans des territoires plus modestes, l’agence Omnibus, implantée à Lille et Metz, a confié à son associée Anne-Cécile Jacquot le soin de relever le défi. Le neuvième Grand prix national du paysage récompense la démarche.
La valeur du plan tient d’abord dans un objet imprimé au titre choc : « Maintenant, agissons ! ». Edité en avril 2020 à 500 exemplaires en format A 4, le carton qui porte ce mot d’ordre enveloppe douze fascicules, destinés à ouvrir les chemins thématiques et méthodologiques. « Des mot simples comme l’eau, l’arbre ou la forêt facilitent la mise en récit, bien mieux que la notion abstraite d’unité paysagère », décrypte la paysagiste associée.
Les vertus du temps long
Pour donner vie à l’objet, un accord-cadre pérennise la mission de la maîtrise d’œuvre, tandis que le maître d’ouvrage renforce sa compétence par le recrutement d’une paysagiste en charge du suivi du plan. L’appropriation collective passe par des appels à manifestation d’intérêt. Sous le titre « Cassons la croûte », le premier d’entre eux a concerné la désimperméabilisation des cours d’écoles. Le Ban Saint-Martin en a montré l’exemple.
« Le paysage apaise et permet le temps long », se réjouit Henri Hasser. Les graines semées par le Scotam mûrissent : trois des sept intercommunalités qui le composent ont structuré leur plan local d’urbanisme en passant par le paysage. Metz métropole a suivi cette voie par une délibération du 3 juin. L’appropriation interne au Scotam cumule ses effets avec le consensus exprimé par les 36 Scot du Grand Est, sur l’entrée paysagère de leur planification, avec deux constantes : la désimperméabilisation et la protection des collines contre l’automobile.
Qualification européenne
Ces points marqués dans l’articulation des échelles et dans l’environnement quotidien des citoyens mettent le grand prix national 2024 en phase avec la convention européenne du paysage, qui s’ouvre par cette définition : « Une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».
Cette invitation à la mise en récit participative qualifie Anne-Cécile Jacquot et Henri Hasser pour représenter la France à la prochaine édition du grand prix européen du paysage, sous l’égide du conseil de l’Europe.