Après les bâtiments, c’est désormais aux sols et terrains nus d’être concernés par la recherche d’amiante avant travaux. Cette obligation provient de la loi du 8 août 2016, dite aussi Loi El Khomri (loi 2016-1088), puis du décret du 9 mai 2017 qui prévoit la création d’un vrai repérage d’amiante avant les travaux, y compris de l’amiante environnemental, à partir d’octobre 2020.
C’est dans ce contexte qu’a été publiée, le 20 novembre 2021, la norme NF P94-001 relative au repérage de l’amiante environnemental, à l’étude géologique des sols et des roches en place, ainsi qu’à la méthodologie pour l’identifier.
Elle définit l’état de l’art et devrait devenir obligatoire à l’occasion d’un nouveau décret dont la publication est attendue dans le courant de l'année 2022. Le texte devrait prévoir un délai pour permettre à tous les professionnels d’être prêts et de former les géologues spécialement.
Comme pour la recherche d’amiante dans les bâtiments, l’enjeu est de taille, selon Brice Sevin, docteur en géologie et fondateur de Bureau GDA, bureau d’études géologique spécialisé dans l’amiante environnemental : « Si le donneur d’ordres doit évaluer au préalable tous les risques liés à l’opération envisagée, l’entreprise ou l’artisan en charge des travaux doit aussi adapter en conséquence ses moyens humains, techniques et de prévention », détaille-t-il.
Prendre en compte les fibres endommagées par l’action humaine
D’autant plus que repérer l’amiante environnemental est encore plus complexe que son repérage dans les bâtiments, comme l’explique Didier Lahondère, docteur en géologie et directeur adjoint de la Direction des Géoressources du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). « Si le travail ne consistait qu’à rechercher des fibres de chrysotile, ce serait relativement simple car les géologues connaissent les zones et les roches qui en contiennent (Alpes, Haute-Corse…) et savent donc identifier les occurrences. Les principales difficultés sont en fait liées à quelques minéraux de la famille des amphiboles qui existent dans la nature sous des formes amiante et non amiante. La distinction entre ces deux formes peut être difficile, en particulier lorsque les roches contenant des cristaux non amiante sont soumises à des contraintes mécaniques. Ces derniers peuvent alors se fragmenter en particules fibriformes assimilables à des fibres d’amiante du fait de leur caractère inhalable au sens défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)».
Il poursuit : « Un cristal qui n’est pas asbestiforme à l’origine [non cristallisé sous une forme filamenteuse, NDLR] peut donc être brisé à l’occasion de travaux et produire des particules, qualifiées de fragments de clivages, potentiellement dangereuses. »
« Pour l’instant, nous ignorons quels seront les départements concernés par l’obligation dans le futur décret, certains pourraient être exemptés, comme le bassin parisien ou l’est de la France, reprend Brice Sevin. Mais d’autres régions, non concernées directement, peuvent compter des alluvions qui ont charrié des fibres d’amiante. Il peut s’agir de matériaux de toutes granulométrie, depuis le rocher jusqu’à la poussière. Et surtout, elles ne se trouvent pas nécessairement dans le lit d’un cours d’eau encore en fonctionnement, elles peuvent avoir été déposées par des cours d’eau très anciens ou même des bras disparus ».
A0, A1 ou A2 : les trois niveaux de recherche prévus par la norme
En attendant, la norme prévoit trois niveaux de recherche de l’amiante naturel pour les sols et les roches nus :
Niveau A0 : une recherche documentaire menée par un géologue suffit. « Ce niveau A0 sera souvent négatif et libérera le donneur d’ordres de ses obligations », souligne Vincent Perin, en charge du développement commercial de Bureau GDA.
En cas de doute lors de la recherche documentaire, il faudra mener des investigations plus poussées.
Au niveau A1, des analyses au microscope optique seront nécessaires. Si le doute subsiste, du fait de la présence de minéraux dont la forme est très proche de l’amiante, il faudra aller encore plus loin. « C’est le niveau A2 de la norme qui nécessite des analyses plus poussées par des laboratoires accrédités par le Cofrac. Ces analyses doivent elles-mêmes répondre à des normes strictes », poursuit Vincent Perin.
A priori, aucune exemption pour des questions de volume trop faible ne sont prévues dans le futur décret. En revanche, les carrières seront exclues car considérées comme conformes. Elles ne seront concernées qu’en cas de nouveaux sites ou d’élargissement d’une carrière existante.
Formation des géologues opérateurs de repérage
« L’identification des occurrences d’amiante dans l’environnement naturel est un problème géologique avant tout, reprend Didier Lahondère. La mise en œuvre prochaine des obligations de repérage d’amiante avant travaux dans les sols et roches en place oblige donc à former des géologues opérateurs de repérage. Notre expertise dans le domaine de l’amiante environnemental étant reconnue, la direction générale du Travail (DGT) nous a confié la construction du référentiel de formation à destination des futurs formateurs. Ce sont eux qui seront ensuite chargés de délivrer cette formation aux futurs géologues opérateurs de repérage. »
Côté calendrier, la formation devrait être prête au premier semestre 2022, testée sur la fin de l’année et opérationnelle pour le début de l’année 2023.