L’agriurbanisme entre dans la région nantaise par la grande porte : entre 2500 et 3000 nouveaux logements trouveront leur place autour de 15 ha de surfaces agricoles auparavant à l’abandon. Le quartier comprendra également 12 500 m2 d’équipements publics (école, centre de loisirs, multi-accueil petite enfance) et 7 500 m2 d’activités, commerce et services.
Retour aux sources
Sur un territoire de 180 ha, dont 100 ha d’espaces naturels protégés, le projet Doulon-Gohards fusionne urbanisme et agriculture. « Ce berceau du maraîchage nantais va renouer avec sa fonction initiale pour prouver qu’en ville, il est possible de cultiver bio et d’en vivre, tout en créant une dynamique sociale dans le quartier » explique Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole.
Autour du bourg du Vieux Doulon, cœur historique du quartier, l’architecte-urbaniste Pierrick Beillevaire de l’agence In Situ AC&V a concentré l’urbanisation sur cinq secteurs, appelés « Fragment(s)», identifiables chacun par sa situation, son environnement, son caractère.
Un bourg et cinq fragments de ville
Pour l’urbaniste, « chaque fragment est à développer comme un morceau de ville ». Ce principe s'applique dans la prolongation de l’existant par des formes urbaines variées et inventives, sur des bases juridiques inspirées du code napoléonien : bannissement des clôtures et stimulation des aménités.
Le premier fragment vient d’entrer dans sa phase opérationnelle au Vallon des Gohards, où 380 logements de hauteurs et formes variées se répartiront sur des îlots sans voitures, le stationnement étant regroupé dans des parkings silo de faible hauteur. Adossés à chacun d'entre eux, de petites constructions accueilleront des services partagés : conciergerie, atelier de réparation, salle commune...
Tout commence à l’école
Symboliquement, une école « bas carbone » suscite le premier chantier. L’architecte Epicuria livrera l’équipement en 2023. Déjà depuis 2018, une société coopérative d’intérêt collectif (la SCIC Nord Nantes) prépare d’anciennes terres maraîchères avant leur remise en culture, tandis que l’exploitation des serres maraîchères a démarré dès 2020.

Vue axonométrique de la ferme de la Louëtrie réhabilitée par Claas Architectes dans le quartier Goulon Dohards
Outre l’accès aux espaces naturels, le projet urbain s’organise autour des quatre anciennes fermes, pour retrouver la dimension nourricière du quartier en application du Projet Alimentaire Territorial (PAT) initié par Nantes Métropole en 2016. Sous la maîtrise d’ouvrage de Nantes Métropole Aménagement, Claas architectes a réhabilité trois fermes historiques du quartier (Saint-Médard, la Louëtrie et le Bois des Anses). Ce projet de 2,5 M€ a décroché le prix d’architecture PARI organisé par la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire.
Des pros plutôt que des bobos
A terme, Doulon-Gohards accueillera cinq fermes urbaines, chacune avec un modèle économique singulier. « Ce ne sont pas des associations de bobos, mais de vrais projets d’entreprises, montés par des pros qui créent de l’emploi » insiste Pierrick Beillevaire.
Ainsi, à la ferme de la Louëtrie, Gérald Cartaud dupliquera le système des micropousses qu’il a découvert aux Etats-Unis : récoltées au premier stade de développement de la plante, ces petites feuilles regorgent de nutriments. Toujours à la ferme de la Louëtrie, Simon Prévost et Cléments Amour, tous deux diplômés en agronomie, ont créé l’Alouette Rit, une exploitation de maraîchage diversifié, avec une gestion des espaces naturels et des activités pédagogiques.
De l’opéra à la ferme
Au Bois des Anses, Laura Guillemot, qui a travaillé 6 ans à l’Opéra de Paris avant de passer un BP de responsable d’exploitation en maraîchage bio, produit également des fruits et des légumes. Elle y ajoute des plantes aromatiques. « L’espace s’ouvrira au quartier via la cueillette libre et la vente à la ferme » précise-t-elle.
Enfin à Saint-Médard, Martin Lucas produira en partie pour le restaurant nantais tenu par sa compagne, et vendra le reste sur place. « Doulon est un quartier que j’apprécie et que j’ai fréquenté pendant ma formation agricole, témoigne-t-il. C’est un endroit parfait pour construire ma vie de famille et professionnelle ».
La Vache nantaise devient jardinière
Parmi les nouveaux habitants, il faut également compter la douzaine de vaches nantaises, une race locale rustique sélectionnée pendant des siècles par les paysans autour de Nantes pour son lait riche et la qualité de sa viande (au goût persillé) et qui a bien failli disparaître. Nantes Métropole Aménagement affecte ce troupeau urbain à l’entretien des prairies bocagères du Bois des Anses, sous la responsabilité de l’Association de la vache nantaise, initiatrice du projet. « L’étable nantaise » parie sur l'émergence d'une micro-filière bovine.
Signe du nouvel essor agricole, un concours d'architecture lance la brasserie artisanale bio Les Têtes Hautes, qui fabriquera la bière et cultivera le houblon. « Cela va générer une cinquantaine d’emplois » se réjouit Pierrick Beillevaire. A proximité des fermes, l'urbaniste a également imaginé la création de cours artisanales pour accueillir de petites entreprises spécialisées notamment dans la maintenance et la mécanique d’entretien d’engins agricoles.
Une vraie vie de bourg, avec ses fonctions résidentielles et productives et ses circuits courts. Et le tout à l’intérieur du périphérique nantais !