A la suite de trois appels à projets, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine a engagé la totalité des 34 millions d’euros réservés par l’Etat, dont 14 apportés par France Relance, au bénéfice de 100 projets de fermes urbaines réparties dans 140 quartiers.
Réseau en gestation
Des cultures en toiture aux champignonnières dans des parkings en sous-sol reconvertis en passant par l’écopâturage, l’Anru confirme la diversité des pratiques et des modèles économiques. L’agence d’Etat se félicite de l’engagement des collectivités, des bailleurs sociaux et des aménageurs publics comme Grand Paris Aménagement. « La consolidation passera par l’animation d’un réseau des acteurs de l’agriculture urbaine, auquel nous inviterons tous les professionnels qui contribuent à son émergence », annonce l’Anru.
Autre initiative publique marquante, les Parisculteurs présentent un bilan d’étape conforme aux attentes de la Ville de Paris : « Aux 30 hectares déjà exploités Intra-Muros, la quatrième saison en ajoutera une quinzaine, dont 12 extra-muros, soit sur du foncier appartenant à la ville de Paris, soit dans le cadre d’accords avec d’autres collectivités de la première couronne », annonce Audrey Pulvar, adjointe à la maire chargée de l’Alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts.
Parisculteurs hors-les-murs
Au fil des appels à projets, la ville affine sa méthode : « Des expertises en amont informent les candidats de la portance et des capacités des toitures ; la ville finance les appentis, les petits bureaux ou les cahutes. Enfin, le fonds Paris Sème accompagne les premiers pas des parisculteurs vers la rentabilité des exploitations », détaille l’adjointe.
Avant la cinquième saison dont le lancement interviendra mi 2023, la ville actualisera sa politique à la lecture d’une nouvelle étude de potentiel qu’elle prévoit de commander à son agence d’urbanisme (Apur). En 2018, cet organisme avait identifié un gisement foncier de 200 hectares, exploité à 10 % de ses capacités. A la fin 2022 et en comptant les projets privés et l’apport de la quatrième saison, les surfaces agricoles parisiennes occuperont 65 ha sur 278 sites, dont 121 issus des Parisculteurs. Les 300 emplois directs correspondent à une production de 74 t de fruits et légumes, 220 000 fleurs, et 6 t d’aromates.
Professionnalisation
La consolidation de la filière professionnelle a motivé les recommandations émises en mars dernier par le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Auteur du rapport remis à l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, Claude Bernhard, inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts, encourage le gouvernement à soutenir la professionnalisation du secteur, catalysée par l’Association française de l’agriculture urbaine professionnelle (Afaup).
A la faveur du plan de relance, cette dernière a déjà conquis un statut d’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, comme en atteste le « Livre blanc pour une alimentation saine, durable et solidaire » : l’association y synthétise le retour d’expériences de 100 lieux nourriciers, en réponse à une commande gouvernementale.
Un guide pour les maîtres d’ouvrage
La professionnalisation se manifeste également à travers le guide publié le 30 juin dernier à l’intention de la maîtrise d’ouvrage publique et privée, et présenté le même jour à des élus et agents de la métropole du Grand Paris : « Développer des projets d’agriculture urbaine avec la méthode Meth-Expau ». « Issue du travail engagé depuis 2015 sur l’agriculture urbaine par Christine Aubry, enseignante à AgroParisTech, cette publication répond à la demande croissante d’accompagnement exprimée par des acteurs démunis », décrypte la coordinatrice de la rédaction Giulia Giacchè, agronome et docteur en aménagement du territoire.
Egalement soulevée par l’Anru dans les Quartiers fertiles, la question de la coordination des calendriers fait partie des obstacles dont les trois auteures espèrent faciliter le franchissement : « Il faut anticiper et gérer les décalages entre le temps politique, celui du projet urbain et celui de l’agriculture urbaine », avertit Giulia Giacché. La rapidité des évolutions techniques et juridiques conduit les trois auteures à se maintenir en veille. En phase de test avec les collectivités qui ont suivi les formations à l’agriculture urbaines proposées par l’Inrae, une version en ligne facilitera l’actualisation du guide.
Un observatoire en projet
Face au foisonnement en cours, des discussions avec l’association française de normalisation visent à définir les contours de l’activité émergeante, et à en suivre les évolutions à travers un observatoire. A la convergence entre agriculture et aménagement, deux chantiers réglementaires identifiés par Claude Bernhard contribueraient à sécuriser les exploitants dans la durée : l’adaptation des baux ruraux et l’articulation entre la planification locale et les programmes alimentaires territoriaux.