Avec son ouverture longtemps restée incertaine, son organisation reportée d’un an et cette ambiance généralement cafardeuse liée à la crise sanitaire, la Biennale d’architecture de Venise qui se tiendra finalement du 22 mai au 21 novembre prochains, pourrait être attendue avec appréhension.
D’autant que le thème qui avait été retenu dès l’origine par le commissaire général de cette 17e Exposition internationale, Hashim Sarkis, «Comment vivrons nous ensemble ?» résonne étrangement.
Comment ne pas l’envisager avec un peu d’amertume quand on vient d’expérimenter une année à bonne distance les uns et des autres.
Mais c’est alors que l’architecte Christophe Hutin arrive fort à propos pour transmettre une dose d’optimisme.
Intelligence conjuguée
Le 3 mars, le commissaire désigné par la France pour prendre possession de son pavillon des Giardini pendant les six mois de la Biennale, a dévoilé son projet «Les communautés à l’œuvre».
Cette exposition fait ce pari que l’architecture n’est pas l’œuvre d’un seul au service des autres mais que c’est bien l’intelligence conjuguée de tous qui fabrique les beaux lieux, les plus confortables et les plus aimables.
Parce que «l’architecture n’est pas une fin en soi [mais] abrite la vie», Christophe Hutin, accompagné de ses confrères Daniel Estevez et Tiphaine Abenia, propose de raconter des histoires d’habitats façonnés au fil des décennies par leurs occupants, de m² grignotés l’air de rien pour élargir peu à peu les espaces de vie, de reconquête d’espaces plus ou moins publics et plus ou moins à l’abandon.
Aventure commune
L’exposition sera une invitation au voyage sur lescinq continents à la découverte d’une variété d’initiatives, au Vietnam, en Argentine ou en Afrique du Sud, tout autant de lieux connus et pratiqués par le commissaire et ses compagnons de Biennale. Alors évidemment l’itinéraire passera par la région de Bordeaux, où est installé Christophe Hutin et où il a notamment mené avec Anne Lacaton, Jean Philippe Vassal et Frédéric Druot la transformation de 530 logements de l’ensemble du Grand Parc.
La Biennale sera l’occasion de revenir sur cette aventure commune des architectes et des habitants pour agrandir et ouvrir les appartements, par la création de jardins d'hiver. L’opération est assez emblématique de la vision du commissaire : «il nous revient d’agir avec gentillesse, avec délicatesse. Sans démolir ni abîmer. Notre rôle est de permettre à la vie de s’installer.»
Plateforme numérique
«A Venise, il faut être capable de venir avec un propos et des valeurs universels, remarque l’architecte Philippe Madec qui présidait le jury de sélection du commissariat du pavillon français. Christophe Hutin a fait en sorte que le monde entier puisse se retrouver dans ses propositions.» Cette attention à tous les visiteurs se retrouvera d’ailleurs dans le média choisi : l’image en mouvement. Les espaces du pavillon seront transformés en salles de projection immersive.
Ce choix a par ailleurs le mérite de rendre l'exposition «très fluide dans sa capacité à être diffusée ailleurs», remarque Christophe Hutin, qui n’oublie pas que la crise est toujours là et que le chemin de la Biennale ne sera pas accessible à tous. Le pavillon français à Venise, en 2021, c’est d’ailleurs déjà une plateforme numérique : communautes-biennale.fr. Elle sera augmentée notamment d’extraits des films projetés sur place. «Dans l’ensemble, le contexte actuel nous a obligés à de nombreux changements, glisse au passage l'architecte. Mais jamais nous n’avons perdu le fil de notre propos.» Un constat qui suscite, lui aussi, un peu d’optimisme.