Il est de ces lieux secrets que les grandes villes savent receler. Dans le XVe arrondissement, à quelques pas de la gare Montparnasse, le musée Bourdelle est un rare îlot de paix, de temps suspendu que le public peut retrouver depuis ce mercredi 15 mars. Le petit établissement, tout entier dédié à l’œuvre du sculpteur Antoine Bourdelle était fermé depuis sept mois, phase ultime d’un chantier de deux ans essentiellement destiné à restaurer l’atelier du maître.
Cité d'artistes
En 1885, l’artiste, né en 1861 à Montauban, s’installait dans une des pièces de cette cité d’artistes. Le bâtiment construit sept ans auparavant était assez simple : une longue bâtisse à pans de bois et remplissage de briques, avec ses grandes fenêtres en hauteur pour profiter de la lumière du nord.
Sa notoriété et son carnet de commandes grandissant, le sculpteur avait petit à petit colonisé tout le site. Après sa mort, en 1929, sa femme Cléopâtre et sa fille Rhodia avaient continué à veiller sur les lieux, créé le musée ouvert en 1949 et fait procéder à diverses extensions. L’établissement fait aujourd’hui parti du réseau des musées de la Ville, Paris Musées.
«Importants désordres»
Mais c’est bien le lieu où tout a démarré - l’atelier et, ce faisant tout le bâtiment central - qui nécessitait une intervention. «Un tel bâtiment, avec sa structure en bois et ses fondations légères, n’avait pas été conçu pour durer. Il présentait d’importants désordres», explique Martin Dior, chef de projet au sein du service bâtiments de la direction technique de Paris Musées.

L’opération supposait donc une reprise importante des structures mais, insiste l’architecte Bertrand Naut, désigné en 2019 avec l’entreprise Lefèvre dans le cadre d’une consultation de conception-réalisation, «rien de ce que nous devions faire ne devait se voir. Nous sommes donc intervenus uniquement là où c’était nécessaire, en particulier pour que la pièce maîtresse, l’atelier de Bourdelle, reste dans son jus.»
Aujourd’hui dans cet espace joliment vieillot avec son parquet à chevrons, la délicate galerie sur laquelle Bourdelle dormait à l'origine et son accumulation de vieux meubles et de sculptures, de pierre à aiguiser et de poêle au tuyau brisé, on remarque à peine les traces du chantier. Pourtant l’atelier a été entièrement excavé, notamment pour permettre de procéder, par l’intérieur, à des injections de béton de comblement de carrières souterraines. Les fondations ont été reprises et une tranchée créée pour faire passer les réseaux.
«Respect des volumes»
Pour renforcer la structure, «nous avons été les seuls à proposer de l’acier plutôt que du bois, car cela permettait d’avoir des éléments de sections plus petites, remarque Bertrand Naut. Plutôt que d’user d’un matériau d’époque, nous avons privilégié le respect des volumes historiques». De fins IPN sont venus doubler, par l’intérieur, les poteaux de façades en bois. A ces éléments verticaux viennent s’ajouter ceux inclus dans le nouveau plancher du R+1, formant ainsi une série de portiques en L venant se raccrocher à l’extension sud du musée, et notamment la galerie couverte construite au XXe siècle.
À lire aussi
«La démolition de l’ancien plancher de l’étage et son remplacement par un nouveau s’explique par les nouveaux usages du niveau supérieur. Avant, il n’était pas accessible au public mais désormais il accueille un petit café-restaurant et son office, ainsi que la centrale de traitement d’air (CTA). Il fallait donc assurer une portance plus importante», note Bertrand Naut.
Jaune citron
L’espace de restauration est installé dans ce qui était l’appartement jaune citron de Rhodia, la fille de Bourdelle, et de son époux, le décorateur Michel Dufet, et a été réagencé par le studio d’architecture Same. «Tout cela n’a pas vraiment pas été une opération spectaculaire, plutôt de la dentelle, conclut Bertrand Naut. Je crois que nous ne nous en sommes pas trop mal tirés. » Le public peut donc retrouver avec bonheur ce lieu au charme inchangé.
Fiche technique
Maîtrise d’ouvrage : Paris Musées.
Maîtrise d’ouvrage déléguée : Ville de Paris/ DCPA - Samo – secteur culture.
Groupement de conception-réalisation : Lefèvre (entreprise générale mandataire), ABN (architectes, mandataires maîtrise d’œuvre), APGO (architectes du patrimoine, associés). BET : SECC (structure), Pouget (fluides et SSI), Cabinet Grandfils (économiste), Renofors (rénovation, confortation structure bois).
Calendrier : consultation, 2018-2019 ; études, 2020 ; chantier, janvier 2021-mars 2023.
Surface : 450 m² SU.
Montant des travaux : 2 401 600 € HT.