Finies les pistes de danses cachées derrière les façades ambiance Toutânkhamon de la Dérobade puis du Mégatown, le célèbre cinéma de Barbès retrouve enfin sa vocation première, celle de salle de projection. Conçu en 1920 par l’architecte Henri Zipcy et le céramiste Tiberti pour le compte du groupe Lutétia-Wagram et exploité jusqu’en 1983, laissé à l’abandon depuis 1987 et la fermeture de la dernière boîte de nuit, le « Palais du cinéma » est racheté en 2003 par la Ville de Paris qui engage 25 millions d’euros dans sa restauration. Menés par l’architecte Philippe Pumain en association avec Xavier Fabre, Vincent Speller et l’architecte du patrimoine Christian Laporte, les travaux ont permis de retrouver l’aspect et le volume de la salle d’origine qui compte aujourd’hui 340 places et d’en créer deux nouvelles de 140 et 74 places.
Créer une boîte dans la boîte
« Nous souhaitions retrouver de la cohérence entre les façades et le décor intérieur, mais pour offrir des salles modernes et confortables, il fallait faire entrer la nouvelle technologie dans l’enveloppe historique », explique Philippe Pumain. Avant toute intervention, les architectes ont donc curé la construction des traces de ses occupations successives. Les façades, classées avec la toiture à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1981, ont été restaurées en l’état de 1921 grâce à la repose des grands marbres disparus dans les années 1940 et la restitution des mosaïques, des vitraux et des grands mâts égyptiens. À l’intérieur, la structure (portiques, plafonds à caissons et poutres-échelles) et les fondations existantes ont, pour l’essentiel, été conservées et renforcées. Pour ne pas réduire le volume retrouvé de la salle principale en lui en superposant d’autres, les architectes ont choisi d’installer les deux nouveaux espaces de projection dans les sous-sols de l’édifice. Enfin, l’application du principe de « boîte dans la boîte » permet d’assurer une bonne isolation acoustique à l’ensemble (les salles sont détachées des murs historiques de l’édifice et installées sur des ressorts chargés d’absorber les vibrations).
Retrouver le plaisir de la salle
Ce n’est donc pas le décor néo-égyptien d’origine qui est aujourd’hui visible dans la salle principale, mais une réplique fidèle de celui-ci peint sur les nouvelles parois du volume. À partir des photographies historiques et des restes mis à jour par les travaux, les entreprises ont pu reproduire précisément les motifs, les figures et les faux-marbres qui ornaient la salle dans les années 1920 (les dessins historiques sont bien sûr conservés derrière les parois de la boîte acoustique). Cependant, dans le porche, le hall et l’escalier principal, le décor de 1921 a été restauré et complété lorsque nécessaire. Un travail d’orfèvre mis en œuvre pour « retrouver le plaisir de la salle », espère Philippe Pumain, comme dans les cinémas des années 1930, conçus à l’époque avec la même richesse de décor que les salles de spectacles.