A Paris, la maternité laisse place aux plus grands

A Paris, un bâtiment de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul devient à la fois un groupe scolaire, une crèche et un gymnase, grâce à de conséquentes reprises en sous-œuvre.

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Crèche, école et gymnase occuperont l'espace de l'ancienne maternité structurée selon un plan en U autour d'une cour.

A plus de 90 ans, la maternité Adolphe-Pinard, du nom du fondateur de l'obstétrique moderne, va donner naissance à un nouvel équipement. Construit en 1934 par l'architecte Félix Dubat au sein de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris XIVe ), le bâtiment présente trois ailes en R + 1 et R + 2, disposées en U autour d'une cour centrale.

Son esthétique moderne, avec ses planchers en béton armé de type poutrelle/hourdis et ses façades porteuses en briques blondes apparentes, associée à son potentiel d'évolutivité grâce à ses vastes plateaux ouverts, en font la construction idéale pour accueillir un groupe scolaire, une crèche et un gymnase. Tandis qu'autour, le site hospitalier de 3,4 ha sera reconverti en un quartier de 600 logements.

Fondations sur 3,50 m de profondeur

A l'œuvre, l'entreprise Léon Grosse a entamé les travaux à l'été 2024 en vue d'une livraison deux ans plus tard. Première étape, qui a mobilisé une centaine de compagnons : les reprises en sous-œuvre. « Nous avons d'abord construit une galerie technique sous l'aile sud-est, qui accueillera le centre de loisirs et la bibliothèque », indique, plans à l'appui, Jean-Baptiste Mignard, chef de chantier pour Léon Grosse. Des voiles par passes qui reposent sur des semelles filantes ont été réalisées sous les fondations existantes sur 3,50 m de profondeur. Six puits blindés ont aussi été fondés au niveau des joints de dilatation entre les parties neuves et existantes.

Surtout, installé sous la future cour de l'école en lieu et place de ce qui était devenu un parc de stationnement, un gymnase semi-enterré est entièrement créé. Au cœur du projet, porté par l'agence d'architecture Chartier-Dalix, ce bâtiment a impliqué le terrassement de 10 000 m3 de terre et la réalisation de parois lutéciennes tirantées sur 5 m de profondeur. Les pieux, puis les voiles par passes qui les structurent sont liaisonnés en tête par une poutre de couronnement.

Sur cette enceinte de béton reposera un mur-rideau afin d'éclairer naturellement la salle polyvalente depuis des cours encaissées, dites cours anglaises. « Pendant la réalisation, la charpente en structure bois assurera des portées de 25 m de long. Dessus, un plancher bois-béton connecté permettra à l'ensemble de travailler en diaphragme, et d'affiner la structure des poteaux porteurs à une section de 600 x 300 mm, contre 900 x 600 mm », complète Jean-Baptiste Mignard. Sur l'empreinte d'une quatrième aile créée dans les années 1970 au nord de l'îlot, un bâtiment neuf offrira au gymnase une autre entrée tout en comblant le différentiel de niveau d'environ 3,50 m entre la cour et la rue. Son toit, couvert de 500 m² de jardins, portera la surface de la future cour d'école à 1 100 m².

Ajouter dix cages d'ascenseurs

En parallèle de ces opérations majeures, la superstructure existante est entièrement reprise. Plus particulièrement, la restructuration de l'aile principale fait l'objet d'un choix original, qui tient compte de la faible épaisseur du bâtiment de seulement 8 m : plutôt que d'être disposées le long d'un traditionnel couloir, les salles de classe seront toutes traversantes et séparées par des espaces communs afin de favoriser lumière et ventilation naturelle. Ce qui a aussi impliqué la réalisation de trémies pour ajouter dix cages d'ascenseurs, dont deux installées au sein des escaliers existants. Au deuxième étage, deux murs de contreventement ont également dû être démolis et reconstruits pour coller à la nouvelle trame spatiale. Au-dessus, la charpente a été reprise avant de pouvoir refaire à neuf la couverture, trop dégradée pour être conservée.

Sur les ailes latérales, les toits-terrasses d'origine - dénués d'équipements techniques qui prendront désormais place en sous-sol - seront redécouverts et transformés en toits-jardins. Enfin, aux extrémités, deux surélévations à ossature métallique largement vitrées et ouvertes redonneront accès à ces espaces végétalisés à la fois pédagogiques et ludiques.

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Réemploi : un habillage de 180 000 briques

Outre la conservation de 60 % des bâtiments de l'ancien hôpital, Paris & Métropole Aménagement a fait de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul un terrain d'expérimentation du réemploi à grande échelle.

La déconstruction et le curage du bâtiment Pinard ont ainsi permis de récupérer, hors granulats et béton concassé, environ 120 t de matériaux ou équipements, dont 90 t - soit 45 t d'équivalent CO2 - réemployées dans le projet lui-même. Ce volume, associé à la mise en œuvre d'éléments importés d'autres sites de déconstruction ou auprès de plateformes spécialisées, permettra au projet de compter 18 % de la masse de matériaux utilisés issus du réemploi, et de réduire ainsi de 8 % ses émissions carbone.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, la brique constitue un atout clé. Au total, 180 000 briques de seconde main habilleront façades et cour, soit une surface de 1 700 m².

Les 5 000 premières issues des travaux de démolition sur site, soit 70 m², remplaceront celles défectueuses en façade. S'y ajouteront 230 m² fournis par le belge Preserv.

Murs biodiversitaires

« Avant leur pose, leurs caractéristiques et performances ont été validées en laboratoire afin d'assurer leur conformité technique et assurantielle », précise Jean-Baptiste Mignard, chef de chantier pour Léon Grosse, pour qui la gestion d'un lot réemploi est une première. D'autres briques seront réutilisées pour les éléments de façades neufs, pour réaliser des murs dits biodiversitaires - constitués d'une paroi en béton, de terre, de briques disposées en moucharabieh, puis de végétaux -et pour le pavage de la cour centrale.

Autres éléments réemployés in situ, deux anciennes charpentes donneront vie à 500 m² d'habillage en lattis bois.

Et 335 m² de parquet découleront de la transformation de fenêtres en bois. Quant aux tuiles de terre cuite de la toiture, elles seront posées sur chant pour habiller le sol des cours anglaises.

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Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : Paris & Métropole Aménagement. Maîtrise d'œuvre : Chartier-Dalix (architecte). BET : Atelier Roberta (paysage), Zefco (environnement), R-Use (réemploi), EVP (structure), B52 (fluides), BMF (économie), Lasa Paris (acoustique), Atelier d'écologie urbaine (écologue), Sisco (curage). Entreprises principales : Léon Grosse, Batibo (briques), Rare (parquet), Astel (lattis bois). Certifications : Passivhaus (neuf), Enerphit (réhabilitation), BBCA, Biosourcé niveau 3. Montant des travaux : 25 M€ HT.

Passif, en neuf comme en réhabilitation

La transformation de la maternité en équipement public doit répondre aux objectifs environnementaux du quartier.

Les émissions de gaz à effet de serre sont donc limitées à 650 kg éq. CO2/ m², et la construction devra répondre aux critères du label Bâtiment bas carbone (BBCA). Cet objectif implique de prendre des mesures fortes, comme celle d'utiliser des matériaux biosourcés (label Bâtiment biosourcé niveau 3) et réemployés.

En exploitation, les bâtiments devront être passifs, selon les critères Passivhaus pour le gymnase neuf (avec une étanchéité à l'air de 0,6 volume par heure [norme n50]) et Enerphit pour les parties réhabilitées. Le chauffage et l'eau chaude sanitaire seront alimentés par une boucle valorisant la chaleur du réseau non potable. La gestion de la ressource fait l'objet d'une attention particulière. Ainsi, les eaux pluviales courantes seront intégralement gérées sur le site tandis que la collecte sélective des urines permettra de produire de l'engrais (crèche).

Une expérimentation inédite à l'échelle d'un quartier.

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