Sur le stand de Batimat, une affiche intrigante interpelle les visiteurs : "Vos déchets = une œuvre d’art". Ce projet, initié en 2024 par Sabrina Lucas, galeriste et conseillère artistique, met en relation fabricants et artistes pour donner une seconde vie aux matériaux recyclés comme l’aluminium, le bois, le PVC ou encore les textiles. Chaque déchet devient ainsi une source de créativité. En transformant les chutes de production en pièces uniques, l’initiative souligne la nécessité de redonner de la valeur à l’invisible tout en intégrant l’art au cœur des stratégies RSE des entreprises.
Sabrina Lucas sélectionne des artistes aux compétences variées pour exploiter au mieux les ressources disponibles. Le processus est simple mais exigeant : les artistes disposent de l’inventaire des déchets constitué par Sabrina et les industriels. Ils proposent ensuite une maquette de l’œuvre à réaliser. Après validation de cette maquette, l’artiste concrétise son projet, apportant une vision nouvelle sur des matériaux parfois considérés sans valeur. « L’entreprise valorise ainsi une image de marque et son engagement RSE », explique Sabrina Lucas. Les entreprises qui ont participé à cette édition de Batimat sont nombreuses : le Groupe Millet, Mariton Store, Leul Menuiseries, Corplex et Cupa Stone. Chacune d’entre elles a su redéfinir l’usage de ses chutes de production à travers des œuvres uniques.
Une démarche artistique au service des industriels
L'artiste Valentin Abad a par exemple réalisé un mur « mou » en utilisant des chutes de charpente. « J’ai voulu que les morceaux aient la même taille qu’une brique. C’est pourtant bien du bois. Je joue avec les perceptions. » Cette œuvre, baptisée Résilience, illustre la capacité d’un mur à absorber un choc, un concept inhabituel pour cet élément architectural généralement perçu comme rigide et solide.

Valentin Abad devant son « mur mou »
L'artiste a également sculpté une tête de Janus, le dieu romain à double visage, à partir de calcaire. La sculpture interroge sur notre rapport au passé et à l’avenir. L’œuvre rappelle que connaître les erreurs passées est essentiel pour mieux construire l’avenir. Pour Valentin Abad, cette initiative représente une opportunité inédite : « C’est une aubaine. Les entreprises du secteur privé, notamment le BTP, peuvent ainsi soutenir le secteur artistique, et nous permettre de nous concentrer sur notre production. » Pour les entreprises, l’intérêt est double : donner une seconde vie à des matériaux inutilisés tout en affirmant un positionnement éthique et durable. Les œuvres issues de ce projet ne se contentent pas d’être esthétiques. Elles racontent une histoire, celle de la rencontre entre le monde industriel et le monde artistique, où chaque déchet est perçu comme un élément créatif potentiel.

Valentin Abad à côté de sa tête de Janus