« En 2006, selon l'Insee, 5 millions de ménages étaient touchés par la précarité énergétique, soit 11 millions de personnes, a rappelé Christophe Robert, délégué général adjoint de la fondation Abbé Pierre, en ouverture de la deuxième journée des Rencontres de la performance énergétique des 5 et 6 novembre, consacrées à « la rénovation des bâtiments, comme moteur du modèle énergétique français ». "Et nous savons que le phénomène s'accélère, du fait d'une précarité générale qui augmente, du coût croissant des énergies et d'une mauvaise qualité thermique des logements".
Sensibilisés par ce constat, les intervenants de la première table ronde de la matinée, consacrée aux opportunités offertes par la dynamique RGE, ont pu faire un premier état des lieux de cette nouvelle qualification, deux mois après la mise en place de l'éco-conditionnalité pour l'accès à l'éco-PTZ et deux mois avant celle de l'éco-conditionnalité pour le crédit d'impôt transition énergétique (CITE). Ce dispositif, en pleine construction, est une véritable innovation dans le monde de la qualification du bâtiment : désormais, pour bénéficier des aides de l'Etat en matière de rénovation, il faudra que l'entreprise et artisan du BTP aient été qualifiés « Reconnu Garant de l'Environnement ». Si de nombreuses critiques ont été formulées depuis ses débuts, le processus est désormais enclenché et 23 000 entreprises du bâtiment sont aujourd'hui qualifiées RGE. « Et le rythme s'accélère de mois en mois, a assuré Alain Maugard, président de Qualibat, En septembre, les demandes avoisinaient les 2 000. En octobre, nous en avons enregistré 3 800 ! ».
Un annuaire d'entreprises
Pour Emmanuel Acchiardi, directeur adjoint de la direction Villes et Territoires Durables de l'Ademe, le RGE présente l'opportunité de constituer un annuaire, qui compte aujourd'hui 21 000 entreprises, « permettant au grand public de repérer les professionnels qualifiés, mais il induit également une montée en compétences des professionnels ». Cet annuaire permet par ailleurs de constater une répartition géographique relativement équilibrée des entreprises qualifiées, et une homogénéité dans les domaines de travaux. André Joffre, président de Qualit'EnR, organisme de qualification Energies Renouvelables, a profité de la table ronde pour saluer la mise en place « de cet arsenal, avec une autoconsommation qui se développe massivement et dont 60% se font avec des installateurs non qualifiés ».
Outre les opportunités créées par le label, les intervenants se sont également appliqués à souligner, si ce n'est les défauts, du moins les améliorations qu'il faudrait apporter au dispositif. Par exemple, la formation de trois jours, assurée par une centaine de personnes dans toute la France, étant parfois trop lourde à supporter pour des entreprises de petite taille, André Joffre a évoqué la possibilité de développer un enseignement à distance avec un présentiel exigé uniquement pour les travaux pratiques et les évaluations. Le témoignage de Nicolas Moucchnino, chargé de mission UFC Que Choisir, faisant écho à un article publié dans le magazine de l'association de consommateurs (notre article), a permis de rappeler le besoin de conseil au consommateur lors de la réalisation de travaux de rénovation : un artisan RGE ne suffit pas à garantir que les travaux réalisés permettront la performance énergétique globale... d'où la nécessité de travailler de concert avec d'autres corps de métier, comme les bureaux d'études et les architectes, qui ont une vision plus large du bâtiment.
Architectes et bureaux d'études, au service de la rénovation énergétique

Invités lors de la deuxième table ronde de la matinée, les représentants de ces métiers se sont tous accordés pour communiquer sur la nécessité de travailler de concert pour une rénovation énergétique réussie. « La rénovation est un marché de proximité et qui n'existe pas seul, a répété à l'envi André Pouget, dirigeant du bureau d'études Pouget Consultants. En 2017, les copropriétés auront pour obligation d'avoir effectué un audit sur leur performance thermique. C'est bien, mais la performance thermique n'est rien sans la performance globale : nous devons donc en premier lieu répondre aux attentes de rénovation, en travaillant de concert avec les architectes, et embarquer la rénovation énergétique ».
Des travaux mal orientés ou effectués sans une étude globale peuvent en effet être source de pathologies pour les habitants et de diminution de la valeur patrimoniale du bien. « Une isolation, si bien réalisée soit elle, si elle n'est pas faite avec une réflexion sur la ventilation, ne donnera pas les résultats escomptés, a complété Catherine Jacquot, présidente du CNOA, Conseil national de l'ordre des architectes. Même chose pour une étanchéité à l'air déficiente, des matériaux enfermés qui pourrissent... Sans être fragile, un bâtiment peut très vite se dégrader si les travaux réalisés ne sont pas appropriés ». De même, l'usage du bâtiment livré est à prendre en compte et il faut envisager un travail pédagogique à destination des habitants.
Mieux communiquer avec les artisans
D'après un sondage de l'Ifop, les Français attendent des architectes un travail sur la performance énergétique alors que la profession axe son discours sur le confort qu'il peut apporter, « ce qui est sans doute le meilleur argument déclencheur », a assuré Gilles Charbonnel, directeur et président d'Altais Ingénierie et de Cinov Construction. « Mais puisque d'après ce même sondage, les artisans sont considérés par les Français comme les interlocuteurs privilégiés pour répondre au mieux au confort des habitants et aux économies d'énergie, c'est peut-être à nous de revoir notre façon de travailler et de mieux communiquer avec les artisans ».
Pour chacune des personnes présentes, une offre globale dans les travaux de rénovation devient une évidence. Mais reste la question de la rémunération... Comment convaincre un particulier de choisir le devis qui comprend l'intervention d'un architecte et/ou d'un bureau d'études, étant donné le coût supplémentaire induit par cette prestation ? Selon Catherine Jacquot, si un travail pourrait également être fait sur des grilles tarifaires abordables pour les particuliers, la solution peut se trouver dans un simple message : « une rénovation énergétique est avant tout une rénovation ».