Les dés sont jetés. Depuis le 26 février 1999, un second accord de branche sur les 35 heures est étendu dans le BTP. Il s'agit de l'accord signé le 6 novembre dernier entre quatre fédérations patronales (FFB, FNTP, FNSCOP et FNEE) et trois syndicats (CFTC, CGC et FO). Le premier accord étendu est celui signé le 9 septembre 1998 entre la CAPEB et la CFDT, CFTC et FO. Il s'applique depuis le 1er novembre 1998 aux entreprises du bâtiment de moins de onze salariés.
Compte tenu de l'extension de l'accord CAPEB, les pouvoirs publics ne pouvaient pas étendre sur le même champ un second accord ayant le même objet, « sauf, comme le précise l'arrêté d'extension (*), à engendrer des contradictions entre les droits et obligations juridiques qui en découleraient ». Le ministère de l'Emploi opère une véritable partition entre les deux accords : l'accord CAPEB régit les entreprises du bâtiment de moins de onze salariés, l'accord FFB/FNTP toutes les entreprises des travaux publics et les seules entreprises du bâtiment de onze salariés et plus. La CAPEB est satisfaite de ce partage des rôles qui « conforte son accord ». La FFB le déplore car « il empêche 35 000 entreprises artisanales du bâtiment de se préparer structurellement à la mise en place des 35 heures, dès lors qu'elles ne sauraient appliquer un accord totalement déséquilibré » - en l'occurrence l'accord CAPEB, (lire ci-dessus les propos d'Alain Sionneau et de Robert Buguet).
Peu concernée par la querelle qui divise les deux fédérations patronales du bâtiment, la FNTP « salue positivement l'extension de l'accord du 6 novembre qui permet à toutes les entreprises de sa branche de moduler la durée hebdomadaire de 0 à 46 heures ».
Trois dispositions sont exclues
L'extension est assortie de plusieurs restrictions. Trois dispositions sont exclues, c'est-à-dire qu'elles sont en l'état de la législation inapplicables. D'autres sont assorties de réserves, le ministère signifiant ainsi que les dispositions visées sont applicables sous réserve du respect du Code du travail.
La principale exclusion concerne le forfait des cadres. L'accord donnait la possibilité au personnel d'encadrement d'opter pour un forfait correspondant à un nombre de jours annuels de travail. Disposition jugée illégale par le ministère de l'Emploi. La FNTP et la FFB souhaitent que la seconde loi sur les 35 heures rende possible un tel forfait. L'accord FFB/FNTP comporte par ailleurs un forfait sans référence à un horaire précis pour les cadres assumant une fonction de management. Le ministère rappelle que l'existence d'un tel forfait n'exonère pas l'employeur du respect des dispositions relatives aux heures supplémentaires.
Deux autres dispositions ont été exclues de l'extension. Elles concernent le compte épargne temps. Les pouvoirs publics interdisent d'affecter au compte épargne temps les repos compensateurs légaux qui ne sont pas de remplacement et les compléments de salaire de base. Les dispositions qui ont fait l'objet de réserves de la part des pouvoirs publics concernent pour l'essentiel l'annualisation du temps de travail (le calcul de l'horaire annualisé est opéré déduction faite des jours de congés légaux et conventionnels).
Une application directe dans l'entreprise
Ces réserves, estiment la FFB et la FNTP, n'altèrent en rien « l'équilibre de l'accord dont les dispositions les plus importantes ne sont pas dénaturées ». En l'occurrence, il s'agit des dispositions relatives à l'annualisation du temps de travail. Les deux fédérations patronales ont toujours clamé haut et fort qu'elles constituaient pour les entreprises une nécessaire contrepartie au passage aux 35 heures.
Les syndicats vont s'attacher à la mise en oeuvre de l'accord dans les entreprises. « Il s'agit d'un accord d'annualisation qui ne correspond pas à la loi Aubry, considère la CGT qui a adressé à Martine Aubry une lettre pour protester contre l'extension. Nous allons essayer de mobiliser pour que les accords d'entreprise remettent en cause l'accord de branche », précise-t-elle. La CGC, au contraire, se félicite de l'extension de l'accord.
Pour FO, « c'est un accord balai, un cadre à partir duquel négocier dans les entreprises ». La CFDT, non signataire de l'accord FFB/FNTP, est plus inquiète. « Nous espérons que la mise en oeuvre des 35 heures dans les entreprises ne se transformera pas en oukases patronaux.»
En cas d'échec des négociations dans l'entreprise, l'accord FFB/FNTP permet en effet à l'employeur de mettre en oeuvre directement l'accord de branche. La signature d'un accord d'entreprise ou le mandatement d'un salarié s'impose en revanche si l'entreprise souhaite bénéficier des aides publiques. C'est en partie ce qui distingue l'accord FFB/FNTP de l'accord CAPEB, qui s'inscrit, lui, pleinement dans le cadre de la loi Aubry. D'application directe dans l'entreprise, il permet à celle-ci de bénéficier sans autre formalité, des aides Aubry. « Cette simplicité de mise en oeuvre, précise la CFTC signataire des deux accords de branche, se justifie compte tenu du public visé, à savoir des PME. Nous ne voulons pas que l'accord CAPEB s'applique au-delà du seuil de dix salariés. Cela irait à l'encontre du mandatement syndical », prévient cette fédération syndicale.
Dorénavant, l'enjeu des 35 heures dans le BTP se situe au sein des entreprises. Avec une inconnue : quelle incidence les 35 heures auront sur l'emploi ? La FNTP et la FFB avaient annoncé la transformation de 22 500 emplois précaires en emplois permanents.
(*) Voir le cahier «Textes officiels» de ce numéro.