60 ans après la fin de la guerre, Berlin a inauguré, mardi 10 mai, le Mémorial de l'Holocauste. Conçu par l'architecte américain d'origine juive Peter Eisenman, ce monument constitué de 2.711 stèles de béton gris anthracite est dédié à la mémoire des six millions de juifs assassinés par le régime nazi.
Le Mémorial de l'Holocauste est un symbole sans précédent, puisque jamais une nation n'avait accepté de rappeler le plus grand de ses crimes par un monument en plein centre de sa capitale. Il est en effet situé dans le coeur historique de la capitale allemande, à la fois sur le tracé de l’ex-couloir de la mort derrière le Mur de Berlin, à deux pas de l'ancien bunker d'Hitler et tout près de la porte de Brandebourg qui symbolise la réunification allemande.
Larges de 95 centimètres et longues de 2,38 mètres, les stèles ont une hauteur variable pouvant atteindre jusqu'à 4,70 mètres et sont installées à 95 cm de distance les unes des autres. Ces dimensions n'ont pas de signification symbolique. "Beaucoup de gens ressentent le besoin de chercher à quoi cela ressemble. Pour ma part, je n'ai jamais vu des tombes comme ça. Quand vous marchez sur ce site, vous ne vous sentez pas dans un cimetière", a commenté Peter Eisenman. Volontairement très abstrait, ce monument est complété par un centre d'information situé sous une partie des stèles. Dans une des salles de cette crypte, les noms de chacune des victimes s'affichent un par un sur les murs.
Comme le rappelle le quotidien Libération, le projet a été initié en 1988 par la journaliste de télévision Lea Rosh. Le mémorial avait à l'origine pour but de rendre leurs noms aux victimes de la Shoah et le projet de Christine Jacob-Marks- une immense plaque de béton de cent mètres sur cent mètres avec les noms gravés des 4,2 millions de victimes identifiées par la fondation Yad Vashem à Jérusalem – avait été choisi.
L’idée avait été rejetée par le chancelier Kohl car l’artiste souhaitait utiliser des blocs de pierre de Massada, la forteresse israélienne où les Hébreux se suicidèrent collectivement en signe de résistance aux Romains. Un deuxième appel d'offre a finalement été lancé en 1997 et c’est le projet de Peter Eisenman qui a été retenu.
Alors que le chantier était bien avancé, un nouveau scandale éclata l'année dernière. Le fournisseur du revêtement antigraffiti appliqué sur les stèles n'est autre que la société Degussa qui avait produit du Zyklon B, gaz utilisé dans les camps d'extermination nazis. L’important travail de mémoire entreprit depuis la fin de la guerre par le chimiste a finalement eu raison de cette polémique.
J-P Defawe
