16 prix célèbrent le temps du paysage

Sponsor du second palmarès de la fédération française du paysage proclamé le 22 mars à Versailles, Philips France ne croyait pas si bien dire : « Votre quatrième dimension, c’est le temps », a rappelé le représentant du major de l’éclairage, pour évoquer la capacité de la profession à épouser l’histoire, les saisons et l’alternance entre jour et nuit. Chacun des 16 lauréats a illustré ce rapport au temps, fortement impacté par le défi climatique, mais aussi par l’actualité de la guerre.

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Henri Bava
Henri Bava, président de la fédération française du paysage, présente la seconde édition du palmarès du paysage, proclamée le 22 mars à Versailles.

L’écho des bombardements des villes d’Ukraine a résonné dans l’ancien amphithéâtre de l’école nationale supérieure du paysage de Versailles, au soir du 22 mars : « J’ai travaillé sur les morts en temps de guerre, le sujet le plus marquant de ma vie », a confié Eric Chabot au moment de recevoir l’un deux prix de la sous-catégorie Patrimoine. Son émotion contenue reflète « l’écriture tenue, géométrique et rythmée » de la Butte de La Maltière (Ille-et-Vilaine), ainsi décrite par Henri Bava, président du jury et de la fédération française du paysage (FFP).

Explorer les possibles

L’hommage du paysagiste aux 76 résistants fusillés entre 1940 et 1944 à Saint-Jacques de La Lande, dont 35 âgés de moins de 25 ans, adresse un message universel : ne pas oublier. En façonnant la butte, Eric Chabot a d’abord pensé aux promeneurs, aux lycéens et aux collégiens qui l’arpenteront. Les victimes de l’invasion ukrainienne rappellent l’actualité du devoir de mémoire.

Au fil des 16 proclamations, le rapport du paysage aux temps passé, présent et futur s’est imposé comme un fil conducteur de la cérémonie du 22 mars.

Nouveauté de cette seconde édition, le prix spécial récompense la capacité du paysagiste à ouvrir l’avenir : « Formuler des intentions, sans fermer les possibles, et en respectant l’équilibre entre les demandes de trois maîtres d’ouvrages : la ville, l’agglomération et le département », explicite Charly Monboisse, auteur de l’étude de programmation pour la requalification de la Pointe de la Fumée (Charente-Maritime). Son travail a préparé le terrain à la maîtrise d’œuvre conduite par Jacqueline Osty.

L’épopée séquanienne

L’exploration des possibles, l’école du paysage de Versailles s’y est employée dans un exercice pédagogique qui a conduit des groupes d’étudiants de Paris à Cherbourg, dans une épopée de six ans ponctuée par des « caravanes du paysage » et autres « ateliers  inter-écoles », dans le cadre du contrat de plan interrégional de la vallée de la Seine : « En vous lisant, on a envie de vous suivre », s’est exclamée Anne Vourc’h, conseillère auprès des Grands sites de France et membre du jury, au moment de remettre le prix dans la catégorie Recherche aux trois enseignants et à l’urbaniste, co-auteurs de « Plus grand que la Seine » aux éditions Parenthèses.

L’adaptation du littoral à la montée des eaux a inspiré deux lauréates, toutes deux issues de l’école de Blois, parmi les trois jeunes diplômés primés : « Un sujet de plus en plus perceptible au fur et à mesure des années », prévoit Flavie Jallet, récompensée pour son travail sur le marais breton vendéen. Sur le lido de Montpellier, Pauline Crévillers a écrit et dessiné un scénario de désartificialisation en trois étapes, jusqu’en 2100 : « Un projet à l’échelle d’une vie », commente la jeune paysagiste.

Désurbanisation record

Dans la vallée de l’Yerres à Villeneuve-Saint-Georges, le drame climatique du XXIème siècle a commencé dès février 2018, quand les eaux en crue ont submergé un quartier « construit dans les années 30 dans une zone humide qu’il n’aurait jamais fallu urbaniser », juge Bruno Garnerone, lauréat de la sous-catégorie Projets urbains. Son étude pré-opérationnelle ouvre la voie à la restauration écologique des 11 hectares, couplée à « l’un des plus gros sujets de désurbanisation de France », selon le paysagiste.

L’anticipation du futur climatique a justifié l’un des deux prix de la catégorie Recherche, grâce à une commande de maîtrise d’œuvre qui s’est transformée en expérimentation au long cours : « En interrogeant 80 entreprises, nous nous sommes rendu compte que la filière du vivant n’est pas prête à répondre au défi. D’où notre proposition adaptée à une friche où la température a déjà grimpé de 6°C par rapport à l’ère préindustrielle : expérimentons et voyons ce que ça donne sur un site test », explique Sylvanie Grée, de l’agence D’ici là, missionnée aux côtés de l’urbaniste Frédéric Bonnet pour la reconversion urbaine du quartier nantais de Pirmil-les-Isles.

La Cité idéale réinterprétée

Le temps court de projets de maîtrise d’œuvre plus traditionnels produit des effets spectaculaires : un après lumineux et vivant succède à un avant sombre et minéral, pour les riverains de trois parkings sur dalle métamorphosés à Saint-Etienne, Marseille ou Bordeaux, après les interventions d’In Situ, de l’atelier Roberta ou de l’agence Trouillot et Hermel. Il en va de même pour les habitants de Gript (Deux Sèvres), village dont la traversée est sortie de l’ère du tout-automobile après l’intervention de l’agence Scape.

Mais l’allégorie paysagère du temps trouve son illustration la plus aboutie dans le Cercle immense d’Arc-et-Senans (Doubs), un des deux  prix de la sous-catégorie Patrimoine : l’agence Mayot et Toussaint y a bouclé la composition circulaire commencée voici deux siècles-et-demi par Claude Nicolas Ledoux dans la saline royale conçue comme une cité idéale. L’architecte des lumières s’était arrêté au premier demi-cercle minéral, dédié à la production de l’or blanc.

L’école de la bonne nouvelle

L’aménagement du demi-cercle de l’or vert ouvre un terrain de jeu aux « oursons métis » chers à Gilles Clément. Partie prenante de l’équipe coordonnée par Mayot & Toussaint et invité du prochain festival des jardins d’Arc-et-Senans, le paysagiste livre sa réinterprétation de la cité idéale : « Comme l’a observé le philosophe Baptiste Morizot dans le grand nord canadien, les grizzlis et les ours polaires confrontés au réchauffement climatique donnent naissance à une nouvelle génération, prête à enseigner l’adaptation à ses parents. Nous espérons obtenir un résultat comparable avec les jeunes paysagistes qui réaliseront leurs œuvres dans le demi-cercle de l’or vert. Voilà pourquoi nous les avons appelés les oursons métis ».

Cette allégorie messianique du temps long du paysage, nulle mieux que l’hôtesse de la cérémonie ne l’a exprimée. Dans un mot d’accueil en forme de manifeste, la directrice de l’école de Versailles Alexandra Bonnet a d’emblée associé ses visiteurs à la "mission  évangélique" portée par la profession : « Opposé à la frontière, à la culture de l’enfermement, de l’entre soi et de l’exclusion, le paysage s’offre à tous. Soyez fiers du supplément d’âme et d’humanité que vous portez : vous êtes ici à l’école de la bonne nouvelle du paysage durable et désirable ».

Palmarès du paysage 2022

Jeunes diplômés, praticiens et chercheurs : les 15 premiers prix remis le 22 mars se répartissent dans ces trois familles. Chacune d’entre elles comprend plusieurs branches. Ainsi en va-t-il des praticiens, subdivisés entre réalisation, participation et études. Inventé pour cette deuxième session, le 16ème prix, également nommé prix spécial, récompense une étude de programmation.

 

Certaines des branches donnent elles-mêmes naissance à des bouquets, comme l’illustrent les deux fleurs du patrimoine, dans la famille réalisation… Preuve que l’art du labyrinthe fait aussi partie de l’expertise paysagère.

 

I ) Prix patriciens

 

PRATICIENS RÉALISATIONS

Places et rues

(1) Le Champ de Mai , Atelier Roberta, Chloé Sanson

Parcs & jardins publics

(2) Le renouvellement urbain d’un quartier sur dalles: retrouver un sol et la pleine terre ; In Situ, Emmanuel Jalbert


Patrimoine

(3) La Butte des Fusillés de la Maltière ; Agence Univers, Eric Chabot Patrimoine

(4) Un « Cercle immense », Saline royale d’Arc-et-Senans ; Agence Mayot & Toussaint, Vincent Mayot

 

Infrastructures et mobilités

(5) Requalification du bourg de Gript ; Scape, Nicolas Cognard


Espaces industriels et commerciaux

(6) Village des marques de Miramas ; Atelier Ladanum, Nikola Watté


Jardins privés

(7) Résidence logements sociaux, Compans-Crimée-Rozier ; Atelier Sylvos, Florence Sylvos
 


PRATICIENS PARTICIPATION


Approche participative

(8) Résidence Locus Solus ; Agence Trouillot & Hermel, Paul Trouillot
 

PRATICIENS ÉTUDES

Grand paysage

(9) Écrire avec les élu.es, un Plan de paysage sur les Côtes de Moselle; Agence Omnibus, Anne-Cécile Jacquot et Laetitia Lasanté

Projets urbains

(10) Étude préopérationnelle écologique et paysagère pour la renaturation des berges de l’Yerres ; Champ libre,Bruno Garnerone


II) Prix recherche en paysage

 

RECHERCHE ACTION


(11) Plus grand que la Seine, acteurs en réseau, paysages en projets ; A.Jacquin, J.Billey, A.Fesquet A.Pernet, ENSP & l’AURH


RECHERCHE PAR LE PROJET


(12) Le projet urbain comme outil de recherche, Pirmil-les-Isles ; Agence d’ici là, Sylvanie Gree


III) Prix diplômes


APPROCHE THEMATIQUE


(13) Là-haut ; ENSAP Bordeaux, Gabriel Camelot


APPROCHE METHODOLOGIQUE

(14) Recomposer le littoral de Montpellier, un territoire en mutation par la montée des eaux ; ENSP Blois, Pauline Crevillers

 

PROJETS GRAND SITE

(15) Vivre l’eau de demain sur le marais Breton Vendéen ; ENSP Blois, Flavie Jallet

 

IV) Etude de programmation, prix spécial

 

(16) AMO pour la requalification de la Pointe de la Fumée ; Moss paysage, Charly Monboisse

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