1. Excès d'offre et endettement : une lame de fond sans frontières

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La péninsule ibérique plombée par l'offre excessive de logements et le surendettement des ménages

Le Portugal, une économie à la traîne

Depuis près de 10 ans, le Portugal traverse une période difficile. Si les mesures d'austérité prises par l'État à l'occasion de son entrée dans la zone euro ont permis de réduire le déficit de - 6 % en 2005 à - 2,6 % en 2007, cette performance risque d'être anéantie par la crise, car le pays souffre d'une faible productivité structurelle (absence de flexibilité du travail, faible niveau de qualification et fiscalité lourde). Les salaires ne cessant de baisser, les ménages recourent très fréquemment au crédit bancaire. Le Portugal n'échappe pas au ralentissement de l'activité économique lié à la baisse de la production et des exportations : selon l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), l'activité devrait se contracter jusqu'au second semestre 2009, avant de se redresser lentement en 2010. En 2009, les experts s'attendent à une récession de l'ordre de - 4 % et à un taux de chômage de 9,6 % en 2009, contre 7,8 % en 2008.

Au plan immobilier, le Portugal connaît, également depuis une décennie, un excès d'offre de logements : 28 % en vingt ans alors que la population n'a progressé que de 4,4 %. 5 millions de logements sont disponibles pour 3,6 millions de ménages (10,5 millions d'habitants). Les mises en chantier ont toutefois fortement baissé après 2002. Entre croissance médiocre, endettement élevé des ménages, renforcé par des taux variables, et une hausse de l'Euribor ces dernières années, le Portugal n'a pas connu de bulle immobilière : la hausse des prix ne dépasse pas 5 % en dix ans. À Lisbonne, le prix moyen d'un logement se situait autour de 220 000 euros en 2008 et au niveau national à 117 000 euros.

Pour pallier les effets de la crise, le gouvernement prévoit d'accorder, en cas de perte d'emploi, un allégement des mensualités de 50 % pendant deux ans. Le remboursement interviendra en cours d'amortissement du prêt. Par ailleurs, un projet de rachat temporaire de logement d'accédants en difficulté, avec paiement d'un loyer et retour à l'accession possible, pourrait être mis en œuvre dans les prochains mois.

L'Espagne marquée par l'asphyxie

Après une décennie de croissance économique très soutenue ( 3 à 4 % par an), la situation économique espagnole s'est fortement dégradée en 2008, tant en termes de croissance, de taux de chômage que d'évolution du marché immobilier. Tous les signaux sont au rouge. Le BTP, locomotive du dynamisme espagnol, connaît une chute d'activité d'autant plus préoccupante que c'est la construction qui a porté la croissance espagnole de ces dernières années. La flambée du chômage, avec 1,8 million de chômeurs supplémentaires en un an, accroît le pessimisme. Il atteint désormais 17,4 % alors que la moyenne européenne se situe autour de 9 % : avec 4 millions de chômeurs, pour une population de 46 millions d'habitants, le pays dépasse l'Allemagne, pourtant deux fois plus peuplée ! À n'en pas douter, l'Espagne figure au rang des pays qui souffrent le plus de la crise financière et économique.

Au plan immobilier, la situation est tout aussi alarmante. L'Espagne cumule un fort taux de propriétaires, une dette résidentielle élevée et un parc locatif insuffisant. Alors que la demande est en baisse depuis la mi-2006, la frénésie de construction s'est poursuivie jusqu'à la mi-2007, provoquant un excès d'offre sans précédent (500 000 logements neufs invendus selon la Fédération bancaire française, avril 2009). Les faillites de promoteurs s'accumulent, dans un pays où la législation fait porter l'intégralité du risque financier sur le promoteur jusqu'à la vente définitive du bien. Dans un tel contexte, et après une amorce de baisse de l'ordre de - 15 % en 2007 et 2008, les prix de l'immobilier ne pouvaient que chuter fortement, surtout en bord de mer où ils avaient véritablement explosé durant la dernière décennie. Le prix moyen au mètre carré est ainsi passé de 1 209 euros/m2 à 1 063 euros/m2 (source : ministère du Logement espagnol). Selon Fitch Ratings, une agence de notation financière internationale, il n'est pas impossible que la chute des prix atteigne - 25 à - 30 % en cumulé. La production de crédits hypothécaire est également en forte baisse :

- 37 % en 2008 selon l'Association hypothécaire espagnole. Jusqu'en 2007, le taux d'effort des Espagnols a beaucoup augmenté sous l'effet de la hausse des prix, de la facilité d'accéder au crédit et surtout en raison de l'augmentation des taux révisables jusqu'à l'automne 2008. 97 % des prêts hypothécaires sont à taux variable et consentis sur des durées longues de 30 à 35 ans. Les Espagnols se trouvent complètement asphyxiés par leur crédit. La situation tend à s'arranger sous l'effet de la baisse des taux, et actuellement seuls les emprunteurs de 2004 et de 2005 paient des mensualités supérieures à leurs mensualités d'origine. D'autres facteurs laissent espérer une amélioration : la flexibilité du marché du travail (30 % de la population active dispose d'un contrat de travail temporaire) pourrait être un atout pour la reprise de l'économie, comme la culture de l'entraide familiale. Néanmoins l'embellie immobilière ne pourra se réaliser qu'avec le retour à un marché sain et à un équilibre entre l'offre et la demande, ce qui devrait prendre un certain temps.

Le gouvernement espagnol a autorisé par la loi, à partir de mars 2009, les emprunteurs au chômage après septembre 2008, à reporter de 36 mois la moitié de leurs échéances mensuelles. Il garantira également les banques du risque lié à l'allongement du crédit via l'Instituto Credito Oficial, et les emprunteurs supporteront les intérêts liés au report. Les banquiers espagnols réclament d'autres mesures pour recycler vers la location les biens invendus ou occupés par des accédants défaillants dans un cadre locatif adapté - qui n'existe pas en Espagne - et à des coûts de mutation acceptables.

Les îles britanniques balayées par la tempête atlantique

Le Royaume-Uni aux premières loges de la tourmente

Contraction de l'investissement dans les secteurs du logement et des entreprises, repli des exportations. le Royaume-Uni subit de plein fouet la crise financière et doit faire face, aujourd'hui, à une sévère récession. Celle-ci a aggravé le chômage qui a augmenté de 1 % en 2008, atteignant désormais 5,5 % et il est prévisible que ce taux passe à 7,4 % en 2009. La croissance du PIB, de 0,7 % en 2008, devrait chuter à - 4,1 % en 2009 et la situation ne devrait pas s'arranger rapidement. L'OCDE prévoit un recul de la production de - 3,7 % en 2009. Le tableau est donc plutôt noir, l'économie britannique étant particulièrement impactée par la crise financière en raison non seulement de ses liens étroits avec l'économie américaine, mais aussi du poids considérable du secteur financier dans l'économie, d'un niveau d'endettement des ménages très élevé (en 2008, l'endettement des ménages s'établissait à 185 % des revenus disponibles), de l'existence d'un marché « subprime » important dans le secteur de l'immobilier (17 % du marché) et de la formation, durant la période 2004-2007, d'une bulle sur le marché de l'habitat.

Le secteur immobilier est lourdement affecté par la dépression. Les prix des actions et de l'immobilier se sont effondrés, contribuant à l'érosion des bilans dans le secteur financier et restreignant l'offre de crédit, d'où une limitation des dépenses des ménages et des entreprises. Les mutations sont faciles et peu onéreuses, tandis que le crédit immobilier s'effectue le plus souvent à taux variable, le taux étant généralement fixé pour les deux premières années. Néanmoins la crise financière a rendu les banques britanniques extrêmement vigilantes et les critères d'octroi du crédit se sont considérablement durcis : un apport est désormais exigé pour acquérir un bien immobilier, notamment pour les primo-accédants. Ces contraintes ne sont pas favorables à une reprise de l'activité. De fait, la construction a connu une chute brutale au cours de l'année 2008, chute qui s'est accompagnée d'une forte correction des prix. La bulle qui s'était formée durant la période 2004-2007 s'est dégonflée à partir d'août 2007 et durant l'année 2008. Sur cette période, les prix des biens ont chuté de plus de - 20 % et cette tendance devrait se poursuivre. Une baisse supplémentaire de - 14 % est attendue pour 2009. À Londres, le prix moyen d'un logement s'établissait à 425 000 euros en 2008, tandis que sur le reste du territoire, il chutait à 257 500 euros.

Malgré un niveau de prix élevé, les agents immobiliers britanniques constatent un rebond de l'activité, liée à la baisse des prix et des taux d'intérêt. Selon RCIS en effet, les acquéreurs retrouvent depuis cinq mois le chemin des officines, mais leur achat reste freiné par des financements hypothécaires peu abondants. Les professionnels n'en demeurent pas moins optimistes et attendent l'augmentation du nombre des transactions, notamment en raison des acquisitions de logements familiaux par des ménages qui détiennent le financement. La situation des primo-accédants est plus problématique. Le Royaume-Uni possède toutefois quelques points forts : la forte flexibilité du marché du travail, la réactivité de l'économie britannique et la transparence du marché immobilier devraient favoriser une reprise de l'économie. Ainsi, en matière de construction, les promoteurs ont opéré des ajustements dès 2007. En dernier lieu, la segmentation des emprunteurs est bonne, la qualité toujours stable sur le « prime », segment sur lequel les emprunteurs continuent de se refinancer et donc à bénéficier de la baisse des taux. Quelques points sont en revanche à surveiller : la dépendance de l'économie britannique au secteur financier, relativement sinistré, les taux d'effort et les prix élevés.

Comme dans les autres pays européens, d'importantes mesures anticrise ont été prises par le gouvernement et la Banque d'Angleterre, notamment pour soutenir les établissements financiers avec la nationalisation de Northern Rock, RBS, HBOS, et pour stimuler l'économie avec une baisse de la TVA, des capitalisations et un programme de garantie des produits toxiques. Les taux d'intérêt ont été ramenés de façon spectaculaire de 5 % en octobre 2008 à 0,5 % en mars 2009, le niveau le plus bas des 300 ans d'existence de la Banque d'Angleterre, selon l'OCDE. Depuis 2007, la livre sterling a perdu 20 % de sa valeur et, si le pays gagne donc en compétitivité, il enregistre tout de même un déclin marqué de la demande extérieure. Le gouvernement britannique a pris des mesures pour alléger les mensualités des personnes au chômage. D'autres ont été annoncées : différé d'une partie des mensualités, reprise de prêt et maintien dans les lieux comme locataire. Mais, une interrogation subsiste sur l'efficacité des mesures prises par le gouvernement et la Banque d'Angleterre pour soutenir la consommation et renforcer la reprise des investissements du secteur privé. De même l'absence de cadre locatif protecteur place les accédants dans l'insécurité lorsqu'ils se retrouvent locataires, le bail short term lease permettant au propriétaire de se débarrasser du locataire à la première opportunité.

Le « tigre irlandais » en panne de rebond

En Irlande, selon ESRI/Permanent tsb (organisme de recherche et banque irlandais), le prix des logements a chuté de - 9 % en 2008 et de - 15 % sur les deux dernières années. Selon les experts, la correction des prix n'est pas terminée, certains indicateurs de l'activité se révélant pour le moins inquiétants. Ainsi, la construction de logements neufs affiche un repli de - 53 % fin 2008 par rapport à son pic de 2006. Le volume de prêts hypothécaires a, pour sa part, reculé de - 48 % sur deux ans. L'effondrement du marché immobilier résidentiel a d'ailleurs entraîné une récession économique profonde. Le PIB a chuté de - 2 % en 2008. L'offre pléthorique de logements précipite l'effondrement des prix. À la fin de la période d'expansion immobilière, le pays produisait un niveau record de logements (16 % du PNB en 2006, contre 3 à 4 % pour la moyenne européenne). Le ralentissement du marché a provoqué l'élévation des stocks d'invendus et les promoteurs hésitent à produire de nouvelles opérations. La construction neuve devrait en conséquence fléchir de façon significative en 2009. Les ménages irlandais sont parmi les plus endettés d'Europe : les crédits hypothécaires ont atteint 135 % du revenu disponible en 2006 et le risque d'impayés est fort. Il est encore augmenté par les conséquences de la negative equity, qui piège des ménages qui, en cas de revente de leur logement, doivent faire face à une dette résiduelle.

Le gouvernement irlandais a rendu obligatoire en février 2009 le code de conduite des arriérés qui interdit aux prêteurs d'engager une procédure avant six mois d'impayés.

L'Europe centrale exposée aux prêts en devises

La Pologne à haut risque

Les prix des logements se sont envolés entre 2005 et 2007, puis 2008 a vu le ralentissement du marché. Toutes les grandes villes sont touchées par la baisse, évaluée à - 7 %. Les logements anciens de mauvaise qualité ont connu les plus fortes baisses. Pour autant, le marché hypothécaire s'est bien maintenu jusqu'au 3e trimestre 2008, période qui a marqué le déclin de l'activité et une raréfaction du crédit hypothécaire, augurant une année 2009 difficile. « L'étendue de l'explosion des crédits immobiliers des dernières années, dont la majorité affiche une quotité de financement relativement élevée, représente un risque considérable pour le marché résidentiel dans le cadre du ralentissement économique », indique le RICS, « d'autant qu'un grand nombre d'emprunt sont également libellés en devises étrangères, ce qui accroît le risque, notamment en raison de la dépréciation de la monnaie nationale, ainsi que de celles des autres pays d'Europe centrale et orientale, et de la désaffection des investisseurs pour le marché des actions et d'autres segments auparavant dynamiques ». Sur le marché immobilier, les stocks de logements neuf sont importants. Malgré le tassement du marché, la construction n'a pas ralenti et les stocks pourraient augmenter avec les programmes en cours qui sont menés à terme. Dans les six plus grandes villes, l'offre a bondi de 56 % au 1er semestre 2008 par rapport à la même période de 2007. Fin octobre 2008, l'offre était de 15 % supérieure à celle de 2007, soit plus de 52 000 logements sur le marché. Cependant, dans la dernière période, la production marque le pas et l'effondrement des ventes devrait précipiter certains promoteurs vers la faillite.

La Hongrie, péril en la demeure

La Hongrie n'a pas connu l'envolée des prix observée dans d'autres pays d'Europe centrale et orientale. Les prix ont augmenté de 76 % entre 1998 et 2001 (surtout à Budapest, et notamment pour les logements neufs) mais l'austérité budgétaire et le ralentissement de la croissance économique a eu raison de la flambée des prix. Au cours des trois dernières années, les prix ont même fléchi de - 4 % par an. En 2008, les prix du neuf à Budapest ont affiché une hausse de 4 % et le nombre de transactions a chuté de - 10 à - 15 %. Avec une inflation relativement élevée l'année dernière, on peut considérer qu'il y a une baisse de 1 % des valeurs. « Les difficultés économiques et la dette publique de la Hongrie, qui ont limité le pouvoir d'achat des consommateurs, constituent les principales causes de l'atonie du marché résidentiel de ces dernières années », souligne le RICS. En 2008, la construction de logements est restée à des niveaux relativement élevés, mais la difficulté d'obtenir un crédit immobilier risque fort de se traduire par un retrait des programmes de construction. Les années passées, le marché du crédit hypothécaire soutenait la demande de logements. L'aggravation de la crise financière mondiale à l'automne 2008 a représenté un péril considérable pour le système financier hongrois. La recapitalisation des banques alliée à l'assistance fournie par le FMI (Fonds monétaire international) et la BCE (Banque centrale européenne), ont stabilisé la situation. Les prêts accordés aux ménages se font plus rares avec le relèvement des taux d'intérêt et des conditions plus strictes d'accès au crédit. En outre, les ménages ont essentiellement emprunté en devises, la part des prêts en devises atteignant 60 % du montant net de l'encours prêtés. Même si les prêts de ce type ont quasiment disparu, ceux qui ont emprunté avec des formules de ce type s'exposent au risque de change et à la menace de frais de remboursement supérieurs à leurs capacités financières.

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