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Terre ou béton ? La réponse n’est pas évidente au premier abord. Sur le chantier du groupe scolaire La Vallée à Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine), une matière brune est comprimée en lits horizontaux par les ouvriers, à la manière du pisé. Et pourtant, c’est bien du béton qui est employé pour la construction de l’enveloppe porteuse de ce bâtiment en R+2 de 5940 m².
« Le maître d’ouvrage s’est montré très volontaire sur les aspects de construction bas carbone et économie circulaire », souligne Nuno Florêncio, architecte en charge du chantier pour l’agence A+ Samuel Delmas. Sa préoccupation était de réutiliser les 100 000 t de bétons issus de la démolition de l’ancien campus de l’Ecole Centrale en 2018. Après avoir été broyés, concassés et triés, les granulats sont réemployés in situ.
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100 % de granulats recyclés
L’enjeu était de trouver une formulation qui minimise l’impact environnemental tout en atteignant la résistance mécanique nécessaire au rôle structurel des voiles et poteaux. L’équipe de maîtrise d’œuvre a donc formulé un béton « sec », « qui emploie 100 % de granulats recyclés, s’accommode de leur calibrage imparfait et s’affranchit des problèmes de rhéologie liés aux bétons fluides », précise Thibault Vialleton, ingénieur du bureau d’étude structure Batiserf. Et d'ajouter : « Ces granulats, mélangés à du ciment, ont fait l'objet de nombreux essais de convenance et de mise au point, afin d'atteindre la résistance à la compression nécessaire à la justification des ouvrages sans Atex, à savoir 8 MPa ».
Damage manuel
Pour construire les façades en béton damé, l’entreprise de gros œuvre Donato recourt à deux grues, qui approvisionnent le malaxeur à axe vertical en granulats recyclés. Le béton ainsi fabriqué sur site est immédiatement mis en œuvre. Il est déversé en fines couches successives dans des coffrages grimpant. Comme pour du pisé, chaque strate est serrée par damage à l’aide d’un fouloir pneumatique pour former des lits horizontaux d’une dizaine de centimètre de haut pour former des murs de 35 cm de large. Ce n’est qu’une fois cette couche durcie que la suivante peut être posée. « Les opérateurs montent 50 cm/jour afin de garantir une bonne prise hydraulique et une montée en résistance suffisante », souligne Alexis Duthoit, dirigeant de la PME. Les 22 ouvriers travaillent alors à plusieurs endroits en simultané. L’une des limites au processus reste que le matériau est gourmand en main d’œuvre. Le damage qui a commencé fin août 2021 devrait s’achever au plus tard à l’été 2022, afin de garantir une livraison du bâtiment scolaire pour la rentrée 2023.
ACV comparative
Le projet s’inscrit dans une démarche HQE et ambitionne une labellisation E3-C1. Dans le cadre du projet Ademe "LoB+HiE", la prochaine étape consistera à mener une Analyse du cycle de vie (ACV) comparative, conduite par le bureau d'étude Amoes. Elle exploitera les données réelles du projet et comparera une paroi, une poutre, un poteau en béton damé avec son équivalent en béton traditionnel. Thibault Vialleton reste prudent : « cette technique présente certes de nombreux atouts, en particulier sur l'utilisation de granulats de béton recyclé localement, qui constituent 100 % des granulats employés pour le béton damé des façades. Mais l'ajout de ciment associé à la forte épaisseur des parois entraine inévitablement des émissions carbone». Ce calcul et le retour d’expérience nécessaire permettront tout de même d’optimiser le processus et d’envisager d’autres chantiers.
Fiche technique
Maîtrise d'ouvrage : Ville de Châtenay-Malabry
Maîtrise d’œuvre : a+ samueldelmas (architecte), Batiserf (BET structure), META (acousticien), AMOES (BET fluides, LTA (économiste)
Entreprises principales : Donato (gros œuvre), LCA (charpentier bois), ERTCM (charpentier métallique), Akta (terre chanvre), Cruard (ossature bois des cloisons)
Bureau de contrôle : BTP consultants
Surface : 5940 m2 et 4000 m2 de cour
Livraison : septembre 2023