« Pour lever les freins au réemploi, nous collaborons entre services », Laëtitia Belaube et Sébastien Rera chez Artelia
En Europe occidentale, seulement 1 % des matériaux de construction sont réemployés. La marge de progression est importante pour les ingénieurs d'Artelia comme l'expliquent Laëtitia Belaube, responsable missions bas carbone et économie circulaire au sein de la branche Transitions et performances environnementales et Sébastien Rera, responsable innovation de l'équipe Planification et organisation.
Propos recueillis par Amélie Luquain
Vous avez pour rôle de massifier l’économie circulaire au sein des projets portés par Artelia. Comment vous y prenez-vous ?
Sébastien Rera : Nous travaillons en effet à la systématisation des réflexes de réemploi et d’économie circulaire entre nos opérations. Le principe consiste à créer les conditions pour que ce soit le plus aisé possible, en coordonnant les référents de projets grâce à une organisation interne d’échange et par la mise en place d’outils spécifiques.
Mais en tant que société d’ingénierie de la construction, nous restons dépendants des collectivités et des maîtres d’ouvrage, car nous ne pouvons porter nos ambitions qu’à travers celles des donneurs d’ordres. Ce sont d’eux dont émane la volonté de booster le réemploi.
Des ambitions d’économie circulaire grandissante
Voyez-vous ces ambitions croître ?
SR : Nos clients déclinent leur ambition environnementale depuis de nombreuses années à travers notamment des démarches de certifications environnementales. Pour autant, nous notons aujourd’hui une nette tendance à questionner les stratégies d’économie circulaire, et particulièrement de réemploi et nous capitalisons sur nos retours d’expériences.
Pouvez-vous nous donner un exemple de collaborations internes réussies ?
SR : L’identification des projets demandeurs est l’un des freins majeurs au développement de la démarche. Pour le lever, nous collaborons entre services. Tout particulièrement avec nos équipes de maîtrise d’œuvre de déconstruction, désamiantage, dépollution et démantèlement. Ils nous fournissent des données d’entrée riche, comme des diagnostics ressources. Nous travaillons avec eux aussi sur la vérification et la caractérisation des gisements, les disponibilités de stockage, les stratégies d’envoi en filière et in fine les liens possibles avec les projets menés en conception.
Laëtitia Belaube : En recoupant ces données avec celles des équipes menant des missions d’AMO Réemploi et de conception, nous avons ainsi permis le transfert de dizaines de cuvettes sanitaires d’un projet en curage à la Défense jusqu’aux nouveaux locaux d’Artelia à Echirolles.
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Le réemploi, une ressource encore trop rare
Des outils spécifiques au réemploi
Vous évoquiez aussi la mise en place d’outils spécifiques. Quels sont-ils ?
LB : Nous travaillons en effet au déploiement de méthodes pour systématiser le réemploi pour chacun de nos métiers. L’idée est de permettre à un porteur de projet de ne plus avoir à se questionner sur les jalons qu’il doit avoir en tête pour que l’opération soit menée à bien, mais de lui fournir des réponses concrètes. Notre système de management est basé sur des outils pour flécher les échanges.
Nous avons donc des outils de planification accessibles à tous les collaborateurs pour recenser et faire communiquer nos projets entre eux. Nous avons également une sélection d’outils opérationnels, issus de nos expertises en AMO réemploi, tels que des matrices d’aide à la décision, des clausiers destinés à la consultation des entreprises, des matrices d’analyse coût-carbone, ainsi que des outils d’animation. Au service des projets, ils visent à orienter leurs performances environnementales. Tous ces outils sont mis à disposition des collaborateurs de chaque métier afin qu’ils puissent s’approprier en autonomie ces nouvelles pratiques. Pour les plus grosses opérations, Artelia a récemment développé une grille d’évaluation, qui s'appuie sur les thèmes de la taxonomie européenne.
Artelia cherche donc à être exemplaire…
SR : Absolument. Nous travaillons notamment en tant qu’AMO avec l’Etablissement Public Territorial (EPT) Plaine Commune, qui regroupe neuf communes en Seine-Saint-Denis et le promoteur WO2 sur le bâtiment Breizh.
LB : L’EPT a mis en place une charte économie circulaire qu’il fait signer aux maîtres d’ouvrage qui construisent ou rénovent un projet sur le territoire. Parmi les critères, 1 % du montant de travaux doit être alloué au réemploi. Ici, c’est la collectivité qui porte la dynamique et un écosystème favorable pour l’ensemble des acteurs qui vont officier sur ce territoire.
En parallèle, les maîtres d’ouvrage nous sollicitent de plus en plus pour réduire leur empreinte carbone dans le cadre de la réglementation thermique et environnementale RE 2020, et atteindre les seuils 2025, 2028, voire même 2031 : nous les accompagnons à travers de nouvelles missions où le réemploi est une stratégie au service de la performance environnementale.
Quelles sont les prochaines étapes pour Artelia dans le domaine de l'économie circulaire et du réemploi ?
SR : En tant qu’ingénierie, nous pouvons difficilement imposer des ambitions à atteindre mais nous pouvons les suggérer En effet, l’économie des ressources est l’un des piliers transversaux de la stratégie d’Artelia, et dans tous nos domaines, que ce soit pour le bâtiment, l’infrastructure ou encore l’aménagement du territoire. Notre objectif est d'infuser cette nouvelle façon de faire à tous les niveaux, de coordonner nos projets avec une approche toujours plus circulaire, et d'innover pour répondre aux défis de l'urgence climatique.
Laëtitia Belaube et Sébastien Rera ont contribué à l’ouvrage collectif "Les 101 mots de l'économie circulaire dans l'immobilier et le bâtiment" à paraître en février 2024.
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