« Face au populisme environnemental rural, le Sénat offre une dernière chance pour atteindre l’objectif du Zéro artificialisation nette ». L’avertissement du sénateur Jean-Baptiste Blanc illustre la recherche d’équilibre qui anime la chambre haute, entre les aspirations des territoires et les impératifs de la transition écologique.
Equilibrisme
A ses côtés, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président de la région Ile-de-France et président de Grand Paris Aménagement, précise l’équation à résoudre : « Quel équilibre trouver, entre les injonctions environnementales et sociales » ?
Invités le 7 février par le Cercle des élus locaux à chercher une issue à la zizanie du Zéro artificialisation nette (ZAN), l’élu régional et le représentant de la nation tombent d’accord : la clé se trouve dans la différenciation.
Encore faut-il se donner le temps d’en fixer les modalités, ce qui justifie la première disposition défendue par la proposition de loi sénatoriale : desserrer d’un an le calendrier de révision de la planification régionale et locale. La logique ascendante prônée par les sénateurs passe par plusieurs exigences : le refus d’un « superscot régional » qui anéantirait 20 ans de planification locale ; un consensus sur la définition des projets d’intérêt national et régional, à sortir de la comptabilité locale du droit à artificialiser ; la garantie du hectare imprescriptible pour toutes les communes.
Nomenclature
Les premiers décrets d’application des dispositions foncières de la loi Climat et résilience ont mis le feu aux poudres : aux yeux des rédacteurs de la proposition de loi sénatoriale, ces textes ont contredit le principe de territorialisation votée par les parlementaires. Satisfait de l’écoute des ministres Christophe Béchu et Dominique Faure, Jean-Baptiste Blanc n’en reste pas moins vigilant, face aux tentations centralisatrices des rédacteurs des nouvelles moutures des décrets.
La nomenclature du ZAN concentre l’attention des élus, après l’étude confiée à ce sujet par le ministre de la Transition écologique à la Fédération nationale des agences d’urbanisme. Les parcs et jardins garderont-ils le statut de sols artificialisés ? A l’inverse, ces derniers ne devraient-ils pas inclure une partie des surfaces agricoles ?
Totem
« Le ZAN est devenu un totem, impossible à renverser. Il faut pouvoir le détricoter sans le dire pour trouver un nouvel équilibre », décrypte Françoise Gatel, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de la Chambre haute.
« Oui, face à la peur de la fin du monde, il est dur de revenir sur un totem », approuve Jean-Philippe Dugoin-Clément, qui qualifie l’Ile-de-France de « région la plus vertueuse de France au regard du ZAN ». L’équilibre cherché par Françoise Gatel, il l’identifie dans les zones d’activité économique : « 35 000 hectares presque entièrement artificialisés, et très sous-utilisés, avec leurs parkings de surface et leurs constructions cubiques sur un seul niveau », détaille le vice-président de la région.
Ecoterrorisme
Jean-Philippe Dugoin-Clément se montre très sceptique, en revanche, sur le potentiel offert par les friches franciliennes : 4600 ha, dont 60 % de surfaces agricoles et rurales, soit deux à trois ans de consommation foncière potentielle. Face au « mur du social » qui se manifeste par le déficit croissant de la production de logements, le président de Grand Paris Aménagement dénonce « l’écoterrorisme » des élus insoumis et écologistes d’Ile-de-France : « Ils ont franchi la frontière entre le ZAN et le ZAB, autrement dit le Zéro artificialisation brute, c’est-à-dire la fossilisation du monde… ».
Après avoir balayé les modalités de la sobriété foncière, les débats du 7 février ont déblayé le terrain financier : faut-il mettre en place un marché du droit à l’artificialisation, sur le modèle de celui du carbone ? Un nouvel impôt ? Un système d’échanges entre territoires excédentaires et déficitaires ? « Ce thème marquera la saison 2 des travaux du Sénat sur l’application du ZAN ; nous nous y sommes déjà préparés, à travers l’étude confiée au conseil des prélèvements obligatoires », annonce Jean-Baptiste Blanc.