La participation du bloc local à la gouvernance du zéro artificialisation nette (ZAN) vient en tête des motifs de la proposition de loi issue du groupe trans-partisan présidé par la vice-présidente du Sénat Valérie Létard (Union centriste, Nord), et enregistrée à la présidence de la chambre le 14 décembre. "Le ZAN, c'est la préoccupation majeure des élus locaux, en ce moment", justifie le rapporteur Jean-Baptiste Blanc.
Purger les projets nationaux
Pour traduire la volonté d’une trajectoire ascendante, la mission conjointe de contrôle propose de transformer la conférence régionale des schémas de cohérence territoriaux (Scot) en une conférence régionale du ZAN. Une fois par an, cette instance associerait les collectivités locales au suivi de la politique de sobriété foncière. Surtout, la conférence participerait à la définition des projets d’intérêt national qui ont vocation à sortir de l’enveloppe artificialisable dont disposent les élus locaux.
Source de débat depuis le début du travail législatif sur le ZAN, la purge des projets d’intérêt national trouve naturellement sa place dans le texte proposé. « Le ministre Christophe Béchu nous a tendus la main sur ce sujet. Le véhicule législatif qu’il a annoncé peut offrir une clé d’entrée pour relancer une discussion dont nous avons posé les bases », commente Valérie Létard.
Vision ascendante
Avec la refonte de la gouvernance du ZAN, les sénateurs réagissent à ce qu’ils considèrent comme un manque d’écoute de l’Etat : « Les décrets d’application ne reflètent pas les textes que nous avons votés sur la territorialisation », s’insurge Jean-Baptiste Blanc. Au-delà des textes, le rapporteur dénonce l'attitude des préfets, qui n'ont pas créé les conditions du dialogue.
La chambre haute oppose sa vision ascendante à un dispositif qui donne aux schémas régionaux d’aménagement (les Sraddet) le pouvoir de contraindre le bloc communal. « Au jeu des Super Scot régionaux, seules les régions et les métropoles gagnent, tandis que les périphéries et les territoires ruraux perdent », insiste Jean-Baptiste Blanc.
Nouveau calendrier
Pour dégager le temps du dialogue, seul un décalage du calendrier peut permettre un tel changement de méthode, selon les rédacteurs de la proposition de loi. « Les discussions engagées depuis les conférences des Scot, le 22 octobre, doivent s’arrêter fin février. Les régions n’en ont ni le temps, ni l’envie. Ce n’est pas acceptable », tempête le rapporteur.
« La temporalité, c’est le nerf de la guerre, pour réussir le ZAN », ajoute Valérie Létard. Cette analyse justifie la demande d’un report d’un an des révisions des documents d'urbanisme réglementaire.
Filets de sécurité
Le déminage des angoisses provoquées par le ZAN dans les territoires ruraux inspire une autre proposition majeure : le droit universel, pour chaque commune, de disposer d’au moins 1 ha. « Ce plancher offre un filet de sécurité aux territoires qui ont le moins consommé de surfaces durant la dernière décennie », plaide Valérie Létard. « Imposer aux plus sobres de réduire de moitié leur consommation, c’est la double peine », renchérit le socialiste Christian Redon-Sarrazy (Haute-Vienne).
Entre le local et le national, les sénateurs n’ont pas oublié les échelles intermédiaires, comme le souligne Valérie Létard : « A chaque étage de la fusée, nous avons placé un verrou de sécurité ». Ce principe inspire la proposition de mutualiser les surfaces occupées par des projets d’intérêt intercommunal, pour préserver la marge de manœuvre communale.
Une saison deux sur les finances du ZAN
Deux outils illustrent la volonté d’opérationnalité qui inspire le texte : un sursis à statuer suspendrait les projets, en attendant la stabilisation de l’arsenal législatif et réglementaire, pour mettre fin à ce que le sénateur Blanc désigne comme une « course au ZAN ». Autre risque à prévenir : la ruée vers les friches. Pour faciliter la constitution de réserves foncières sur des sites à fort potentiel, les sénateurs souhaitent un renforcement du droit de préemption.
Les auteurs de la proposition de loi misent sur une inscription à l’ordre du jour dans la dernière semaine de février. Mais Jean-Baptiste Blanc prévient : « Cette proposition marque la saison 1 des travaux de la mission conjointe sur le ZAN. La saison 2 se consacrera aux moyens financiers et à la fiscalité adaptée à l’objectif ».
Les géomètres-experts applaudissent
« Notre message constant, c’est la contextualisation ». Vice-président du conseil supérieur de l’ordre national de l’ordre des géomètres experts, Xavier Prigent se félicite de l’écoute du sénateur Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la proposition de loi sénatoriale présentée le 14 décembre sur le zéro artificialisation nette. D’accord sur l’objectif de sobriété foncière, le vice-président chargé de l’aménagement du territoire et des projets urbains partage la frustration de nombreux élus : « Ils ont l’impression de subir, et de perdre leur légitimité ». D’où sa plaidoirie pour un « urbanisme de projet », et sa convergence avec l’approche ascendante du ZAN, défendue par les sénateurs.
Comme ces derniers, Xavier Prigent redoute « l’aspiration métropolitaine », qui renforce les mouvements pendulaires. A ce contre-modèle, il oppose celui de la « ville-archipel », qui répond à l’aspiration des Français à une habitation proche de la nature, comme le montre le dernier baromètre de l'observatoire national du cadre de vie, initié par les géomètres-experts . « Depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain, on parle de reconstruire la ville sur la ville. Parlons-aussi refaire le périurbain sur le périurbain, pour donner aux habitants le cadre de vie auquel ils aspirent », défend le vice-président. Xavier Prigent applaudit notamment à la reprise de l’idée d’un coefficient de nature par habitant. Issue d’une analyse des continuités écologiques et de la fonctionnalité des sols, cette mesure servirait de fondement à la création de servitudes de renaturation. « Au lieu de compter les m², il s’agit de pondérer l’artificialité en fonction de la qualité agronomique », soutient le géomètre expert.
Pour sortir d’une approche punitive, Xavier Prigent aimerait ajouter un A comme Amélioration à la séquence ERC - Eviter, Réduire Compenser – fondement du droit de l’environnement. Le représentant des géomètres-experts avoue son « agacement » provoqué par le manque d’écoute du gouvernement : « Nous ne sommes pas conviés au conseil national de la refondation, alors que nos compétences devraient éclairer le groupe de travail sur la réconciliation des Français avec l’acte de construire », regrette Xavier Prigent.