En matière de reconversion de friche industrielle, la rapidité est un atout majeur. Cette conviction a guidé la communauté de communes de Saint-Amarin (Haut-Rhin, 15 communes, 13 000 habitants), propriétaire de la friche textile MIW de Wesserling, rachetée immédiatement après sa liquidation judiciaire en 2003 : 24 ha de terrains et 60 000 m2 de bâtiments. « En six mois, le site aurait été dégradé et, en trois ans, il serait tombé en ruine. Il fallait donc agir vite, quitte à dépenser 2 000 euros par mois pour sa surveillance », explique François Tacquard, président de la communauté de communes. Un an après le rachat, la collectivité a présenté en décembre 2004 à l’ensemble des financeurs potentiels, le projet de reconversion conçu par l’agence Axis Architecture (Troyes), qui compte à son actif plusieurs réhabilitations de friches textiles.
Développement durable.
Pour gagner le pari de la création de 250 emplois, la communauté de communes a fait feu de tout bois : de grands lofts pour les artistes (très demandés), des magasins d’usines, un théâtre de poche, un écomusée textile, des ateliers artisanaux… L’occupation imaginée par le maître d’ouvrage consacre la fin de l’ère mono-industrielle. Elle inscrit la friche dans la continuité de l’action impulsée par le département du Haut-Rhin dans les années 90, qui avait racheté à proximité la manufacture historique (datant de 1762) avec ses dépendances et ses 15 hectares de jardins. « Avec son musée, son parc et son jardin potager entretenu par des chômeurs de longue durée, ce site visité par 50 000 touristes payants en 2004 constitue un élément majeur d’attractivité pour les implantations à venir », s’enthousiasme François Tacquard, qui préside le collectif d’associations gestionnaire du domaine pour le compte du département. L’élu entend faire de Wesserling un symbole des trois dimensions du développement durable : social, économie, environnement.
Sur quatre zones correspondant aux différents types d’activités à implanter, la collectivité a prévu d’engager six opérations selon des critères comptables stricts : 65 % de subventions et 70 % de surfaces occupées. Le montage opérationnel doit permettre le lancement immédiat des chantiers, après le bouclage financier : un permis de construire global précède des déclarations de travaux tenant compte des cloisonnements demandés par chaque utilisateur. Le contexte économique explique la rigueur des critères : la vallée de Saint-Amarin craint la suppression des fonds structurels européens après 2006, alors que l’effondrement du textile l’a frappée plus tardivement que la plupart des autres vallées du massif vosgien, comme en témoignent les 600 emplois industriels perdus entre 2001 et 2003, sur un total initial de 1800.
Débloquer le verrou paysager
L’environnement a servi de fil conducteur pour la conception urbanistique. Axis Architecture et l’Atelier du paysage ont privilégié la ressource locale, renouvelable : le bois signera les interventions contemporaines, rendant d’autant plus lisible l’histoire architecturale du site. Les démolitions favoriseront l’interpénétration visuelle entre la vallée et l’ancien complexe industriel, qui forme actuellement un verrou paysager étanche. La remise en eau du canal usinier transformera l’ambiance, dans le cadre d’un aménagement extérieur volontairement sobre. Cette réécriture s’appuie sur une méthode rodée depuis dix ans, mais jamais à cette échelle : « Jusqu’ici, les plus grandes friches sur lesquelles nous avons travaillé ne dépassaient pas 13 000 m2 de bâtiments, dans le cadre de projets simples », témoigne Laurent Thomassin, dirigeant d’Axis Architecture. La complexité n’empêche pas la rapidité : dès février 2005, moins de deux ans après le départ de l’industriel, la maîtrise d’œuvre a lancé les appels d’offres de la première opération.
