Le tramway est un transport en commun en site propre (TSCP). Il ne fonctionne correctement que séparé du reste de la circulation, sur une « plate-forme » autonome dont l’implantation sur la chaussée se fait selon trois options distinctes : axiale (au milieu), latérale (d’un seul côté) ou bilatérale (de part et d’autre) ; la portion de la chaussée restante est attribuée aux autres utilisateurs : automobilistes, cyclistes, piétons et éventuellement stationnement. Ces premiers choix ont des conséquences sur la qualité de l’espace public : l’architecte Antoine Grumbach, qui travaille actuellement sur le tramway des maréchaux sud à Paris (TMS) justifie ainsi le parti d’installation axiale : « Avec leurs six voies réservées à l’automobile, ces boulevards constituent aujourd’hui une véritable barrière entre les riverains vivant des côtés pairs et impairs, mais également entre Paris et sa banlieue. Le tramway devrait faciliter le franchissement de ces boulevards, en le scindant en trois séquences : deux voies automobiles, deux voies de plate-forme engazonnées qui forment une sorte de parc public, puis de nouveaux deux voies automobiles. »
Urbanisme linéaire. Une ligne de tramway, c’est un projet d’urbanisme linéaire de plusieurs kilomètres qui traverse aussi bien les centres historiques que les périphéries lointaines en passant par des zones non urbanisées.
Lorsque les aménageurs, qui peuvent être multiples (communautés urbaines, groupements de communes) arrivent à s’entendre, l’aménagement conserve une homogénéité qui le rend identifiable en dépit de la diversité des situations traversées. Il doit pour cela délivrer un message clair, un langage reconnaissable dans ses matériaux et son équipement : à Lyon, les concepteurs ont réussi à imposer une identité de mobilier urbain sur toute la ligne.
Identifier le tramway par les rails. La matérialisation des parcours dans le sol doit aussi être cohérente : doit-on donner la priorité à la voiture ou faut-il au contraire marquer le GLO (Gabarit de limite d’ouvrage du tramway) ? Les deux écoles existent : à Lyon, l’architecte Bruno Dumetier de l’agence AABD préfère la première option : « La place du tramway est toujours identifiable par les rails ; dans les situations de croisements automobile-tram ou des ambiguïtés existent, je préfère indiquer à l’automobiliste le trajet qu’il doit suivre. » De nombreux essais de revêtement des sols ont été tentés pour singulariser l’espace de la plate-forme : béton lavé à Lyon, platelage bois à Montpellier, enrobé mélangé à des morceaux de verre à Bordeaux. Ce choix des matériaux se fait aussi en fonction de l’aménagement global de la rue, redessinée de façade à façade à l’occasion des travaux du tramway.
Confort d’usage. Pour convertir les usagers au transport en commun, les tramways ont mis l’accent sur le confort et l’idée de continuité de la rame avec la chaussée : voitures surbaissées, accostage à la station au centimètre, planéité du trajet donnant une sensation de « glissement » sans à-coup, etc. Une fois le voyageur sorti de la rame, l’aménagement urbain prend le relais : les déclivités et les pentes de trottoirs, les marquages podotactiles – étudiés avec un souci extrême du détail et réalisés dans des matériaux calepinés luxueux – assurent la transition jusqu’au trottoir. Les matériaux modulaires ne sont employés qu’en bordure de voirie automobile, là où on envisage des interventions ultérieures sur la signalisation et le mobilier urbain. Ces dispositifs ont plusieurs fonctions. Ils servent aussi à discipliner l’automobiliste à son insu : dans une voie de circulation déjà restreinte, les bordures, les marquages au sol sont perçus comme autant d’obstacles qui l’obligent à rester concentré et à réduire sa vitesse.
Aider l’usager à comprendreavec qui il partage la voie. Ils doivent aider l’usager à comprendre avec qui il partage la voie sans recours à la signalétique. Un dessin au sol réussi réalise l’exploit de faire coexister sans heurt piétons, transports en commun et automobiles.
Dans des sites propres « temporisés » de Bordeaux, où l’étroitesse de la voie ne permettait de tracer ni trottoirs, ni routes, la plate-forme, empruntée par les piétons et en alternance, par les voitures, perd son statut technique pour se transformer, grâce à un aménagement judicieux, en espace praticable par tous.