Faits
M. P… , désireux de réaliser un investissement immobilier dans un but de défiscalisation, entre en relation avec la société Cincinnatus assurance, conseiller en gestion en patrimoine qui lui conseille d'investir dans un programme immobilier « Château d'Abondant », dont le développement est assuré par la société Financière Barbatre qui intervient en qualité de promoteur constructeur.
L'actif est présenté comme éligible au dispositif de défiscalisation portant sur les monuments historiques. Le couple, investisseur dans l'espèce, donne procuration à tout clerc d'une étude de notaire aux fins d'acquérir et d'emprunter pour son compte une somme auprès d'une banque, en vue de financer l'achat d'un lot dans l'ensemble immobilier ainsi que les travaux de réhabilitation. Le promoteur-vendeur et ses filiales chargées de la réalisation des travaux et de l'exploitation de la future résidence hôtelière ont été placés en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire avant la réalisation des travaux de réhabilitation ; soutenant que le lot acquis avait perdu toute sa valeur, M. P… et l'acquéreur ont assigné la société Cincinnatus ainsi que la SCP notariale en responsabilité et indemnisation. La cour d'appel de Versailles a retenu la responsable de la société Cincinnatus et de la SCP notariale et les a condamnés in solidum à l'acquéreur la somme de 320 449 euros.
Question
La responsabilité de l'étude notariale et celle de la société de gestion doivent-elles être retenues ?
Décision
Pour ce qui concerne la société Cincinnatus, la Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel de Versailles considérant qu'après avoir constaté que la présentation de l'opération conseillée se conclut ainsi : « votre montage sera totalement sécurisé » et que la société Cincinnatus n'a émis aucune réserve sur l'existence d'un éventuel aléa. L'arrêt retient que la présentation ne comporte aucune explication sur l'opération de restauration immobilière, qu'il n'existe aucune mention relative aux obligations [fiscales] de l'investisseur, telle que celle tenant à la réalisation des travaux, aléa qui conditionnait pourtant la défiscalisation recherchée, et que ne figure aucune indication sur les risques encourus en cas de retard dans le démarrage des travaux ou d'inexécution de ceux-ci, alors qu'une date de fin de chantier est expressément indiquée. Pour la Cour de cassation, ces risques n'étaient pas de la « connaissance de tous » et cette information était due aux acquéreurs, même s'il pouvait être admis que la société Cincinnatus n'avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du promoteur-constructeur ; la Cour de cassation retient que la cour d'appel a ainsi caractérisé les manquements de la société Cincinnatus à son obligation de conseil et d'information à l'égard des acquéreurs sur l'aléa essentiel de l'opération de défiscalisation.
Pour ce qui concerne le notaire, la Cour de cassation, sur le fondement de l' (devenu ) casse l'arrêt de la cour d'appel considérant que le notaire, qui n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, n'était pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier.
Commentaire
La société de gestion en sa qualité d'intermédiaire est tenue à une obligation de conseil et d'information à l'égard de l'acquéreur. La Cour de cassation limite l'obligation de la société de gestion à l'aléa essentiel de l'opération de défiscalisation, en l'espèce les travaux qui conditionnent la défiscalisation (but recherché de l'opération). Pour ce qui concerne le notaire, la Cour de cassation, sans remettre en cause l'obligation de conseil et de mise en garde du notaire, écarte sa responsabilité considérant que la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération ne sont pas de nature à devoir être vérifiée par un notaire. Cette décision s'entend compte tenu du fait qu'un notaire ne ressort pas de ces domaines de compétence. Un auteur rappelle justement que dans l'hypothèse où le notaire avait connaissance d'informations sur ces domaines il devrait en informer ses clients au titre de son obligation de conseil et de mise en garde.