Faire converger les intérêts pour réussir la transformation des quartiers pavillonnaires

À la tête d'une commune où plus de 70 % du territoire est constitué de quartiers pavillonnaires et dépourvue de foncier disponible, Julien Chambon, maire de Houilles, vice-président de la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine chargé de l'habitat et conseiller départemental des Yvelines, porte une vision novatrice pour le logement en zone pavillonnaire : la densification douce et maîtrisée. Il s'engage activement pour repenser les politiques d'urbanisme et d'habitat. Entretien.

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Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en matière d'urbanisme et de logement ?

Julien Chambon : Nous faisons face au défi une banlieue attractive, tout en maîtrisant le développement urbain dans un contexte où le territoire communal est déjà bâti. L'un de nos enjeux est la préservation de l'identité urbaine et de maîtrise des coûts de transformation de la ville.

Ce débat, nous l'avons régulièrement avec les habitants. Il est clair que la ville d'Houilles ne doit pas perdre son identité urbaine liée aux pavillons, et en même temps, elle doit être capable de s'adresser encore à tous les Français. Donc ne pas perdre ses classes moyennes et ses classes populaires.

Le défiments abordables en région parisienne alors que la tension est très très forte et que cela pèse de plus en plus sur le budget des ménages, sans devoir se retrouver avec que du remembrement, de la destruction de pavillon et de la densification industrielle.

Pourquoi est-il important de préserver le pavillonnaire ?

J. C. : C'est une forme d'habitat qui est plébiscitée par les habitants. C'est d'ailleurs l'un des critères de choix de la ville. L'urbanisme pavillonnaire donne le sentiment d'être dans une ville qui respire, sereine et calme, tout en étant assez près des pôles urbains. C'est la maison à la ville. La maison est désirée car elle est facilement transformable.

Elle peut être agrandie, étendue. Chacun peut y faire des travaux soi-même ou faire vivre le tissu d'artisans et de TPE locales. Il y a une plasticité de la maison qui ne demande pas toujours autant d'ingénierie que sur un immeuble.

Le format maison permet une adaptation qui répond aux renouvellements des générations des Ovillois.

La capacité à se transformer du tissu urbain en banlieue est intéressante. Elle donne un ensemble qui trouve petit à petit sa cohérence. Mais cela se fait avec le temps au regard de la diversité des projets. Cette diversité devient une richesse, elle constitue l'identité et le patrimoine de la ville.

En quoi les quartiers pavillonnaires sont-ils un enjeu aujourd'hui ?

J. C. : Un quartier pavillonnaire, quand les habitants vieillissent, c'est un quartier qui se vide. Il y a moins d'enfants, moins de vie. Il y a donc à la fois un enjeu de peuplement et d'anticipation de l'avenir des habitants. Si on ne fait rien, seules les familles très aisées pourront s'y installer, compte tenu de la hausse des prix de l'immobilier.

Parallèlement, des zones pavillonnaires peuvent se dégrader, avec des maisons en très mauvais état. Cette situation peut perdurer des années avant que des travaux ne soient entrepris. En tant que maire de la commune, je ne veux pas que les zones pavillonnaires deviennent des quartiers de contraste. C'est-à-dire qu'il y ait des zones avec des biens très dégradés, paupérisés, en proie aux marchands de sommeil, et à l'inverse des biens de grande qualité, très bien entretenus mais in fine inaccessibles pour la majorité de nos concitoyens. Au final, une ville archipélisée entre des quartiers très modestes d'un côté et des quartiers très riches de l'autre, sans cohésion et sans cohérence.

Aussi, ne rien faire, c'est se retrouver dans l'obligation de construire du logement de manière industrielle pour rattraper le retard de production, retrouver de la mixité, au risque de bouleverser nos paysages, de perdre notre patrimoine et l'esprit de notre ville. L'objectif est de distribuer l'effort, en maîtrisant les transformations à l'œuvre et en s'appuyant sur le potentiel de régénération du pavillonnaire.

Vous avez écrit plusieurs tribunes sur le potentiel du pavillonnaire et sa densification douce, pourriez-vous développer ?

J. C. : Il faut partir du besoin de la population. À qui s'adresse-t-on et à qui donne-t-on des perspectives ? D'un côté, il y a des jeunes qui démarrent dans la vie et qui rencontrent de plus en plus de difficultés pour se loger. Faute de foncier facilement et rapidement mobilisable, la solution pour leur proposer spontanément un logement social ou un logement abordable n'existe pas toujours.

Dans les Yvelines, le foncier est tellement cher que vous vous confrontez à l'équilibre économique des opérations obligeant à des densités très fortes, souvent non désirées.

À l'inverse, nous avons un tissu pavillonnaire foisonnant, plus de 70 % du territoire de la ville de Houilles, qui est largement sous-occupé. En moyenne, nous avons assez peu de gens par pavillon et on a, en plus, des propriétaires assez vieillissants. Quand je parle de densification douce, je m'adresse à la classe populaire et à la classe moyenne.

Imaginons, demain, une personne qui a 65-70 ans, qui veut rester vivre chez elle, qui n'a plus ses enfants, qui a une grande maison qui représente une charge financière importante. Elle doit pouvoir avoir l'opportunité de recréer un habitat dans sa maison, en extension ou en surélévation, pour loger un étudiant, un jeune couple qui démarre dans la vie, une femme seule, etc. Si en plus de rénover le pavillon, elle se crée un petit revenu, cela pérennise, sécurise la situation en donnant de la valeur à son patrimoine.

Ainsi, pour un investissement moindre au mètre carré que la construction neuve d'un immeuble, nous trouvons une solution de logement abordable, sans perturber le paysage urbain. Nous arrivons à répondre à des besoins sociaux qui sont les plus criants en Île-de-France tout en prenant en compte les difficultés des petits propriétaires de maisons dont les pavillons sont obsolètes. Enfin, l'avantage pour la ville, c'est que ce n'est pas une transformation brutale qui vient perturber des équilibres. C'est une convergence des intérêts.

En outre, quand vous avez du logement qui est distribué au gré des opportunités, vous évitez une sur-concentration des opérations, notamment de logements sociaux, dont nous connaissons les stigmates.

Maintenant, le système n'est pas complètement fait pour ça. Il faut aligner les intérêts, la réglementation, la capacité à faire. Sécuriser un peu les choses.

Qu'avez-vous commencé à engager concrètement à travers la révision de votre PLU ?

J. C. : Nous avons eu la volonté de préserver le mode d'habitat et la forme urbaine pavillonnaire. Nous avons donc sorti énormément de zones pavillonnaires des zones de forte densification. À l'inverse, nous avons redonné un peu plus de droits aux propriétaires de maison, afin qu'ils puissent adapter et faire évoluer leur propriété.

Nous avons également assoupli la règle sur le stationnement, en passant de 2 places à 1 place, ce qui fait que demain vous êtes capable d'avoir des mètres carrés non plus consacrés à la voiture, mais à une extension par exemple. De plus, l'obligation d'intégrer le stationnement dans le volume de la construction a été supprimée. Avant, vous aviez 25 m2 consacrés à la voiture dans votre logement, et souvent les garages étaient transformés en chambre.

Nous avons également travaillé sur des règles pour faciliter les surélévations et les constructions en dents creuses.

À mon sens, il s'agit d'une question de dosage. Lorsque vous mettez trop d'interdictions, les gens détournent les règles. Des constructions non déclarées, telles que des chambres qui se cachent derrière des portes de garages se font. Nous avons fait le choix de redonner plus de liberté dans le pavillonnaire pour pouvoir adapter les maisons aux modes de vie.

Certains reprochent à la densification douce de mener à une dégradation du cadre de vie et à la disparition des jardins. Que répondez-vous à cela ?

J. C. : Il faut rassurer en disant que la ville a quand même les moyens de maîtriser ces évolutions. Le stationnement, l'accès aux services… S'il y a seulement plus d'habitants, il n'y a pas d'avantages. Il faut qu'il y ait aussi un projet.

À ce titre, les jardins sont essentiels à la qualité des quartiers pavillonnaires. Nous avons fait le choix, à travers la révision du PLU de Houilles, de ne plus construire au-delà de 25 m de la rue. L'objectif est de préserver de la végétation et les jardins des maisons, qui les uns collés aux autres, forment des petites poches de respiration, de végétation, et constituent des cœurs d'îlots très préservés.

L'objectif est notamment de limiter les divisions de parcelles en drapeau (ndlr : parcelle située en second rang avec une bande d'accès donnant sur la voie), qui est un phénomène qui existe effectivement depuis longtemps à Houilles, et qui a pour effet de détériorer les qualités paysagères et de multiplier les entrées de garage sur la voie.

En quoi la puissance publique a-t-elle un rôle à jouer dans la densification douce ?

J. C. : Ce phénomène de densification que je décris a déjà lieu aujourd'hui. Mais il est sous les radars et on se prive en tant que puissance publique d'une maîtrise d'un minimum de qualité de l'habitat.

Il faut se donner les moyens de mieux accompagner ces transformations. Nous pouvons créer les conditions pour que l'ensemble de ces petits projets contribuent à un véritable projet de ville. Il faut pour cela arriver à aligner les intérêts du propriétaire actuel, des futurs habitants et locataires et celui de la commune.

Comment arriver à aligner les intérêts du propriétaire, du futur habitant et de la commune ?

J. C. : Nous devons retrouver des marges de manœuvre pour réussir à accompagner les projets et l'arrivée de nouveaux habitants dans des zones qui ne sont pas forcément faites pour.

C'est notamment l'objectif d'un nouveau dispositif que nous allons mener avec Grand Paris Aménagement (GPA). Il permet de proposer un service d'accompagnement individualisé auprès des habitants qui le souhaitent.

Créer du logement pour autrui nécessite de respecter des normes, de connaître le bon montage financier et juridique, les aides mobilisables… Ce qui est souvent difficile d'accès pour des non-professionnels. Il est donc nécessaire de proposer un véritable accompagnement pour concourir à la qualité des opérations, à leur intégration, mais également à l'intérêt du propriétaire pour que les choses soient faites dans les règles de l'art, de manière qualitative et pérenne.

Il y a également un enjeu fort à travailler aussi sur les communs. Si nous arrivons à avoir une approche plus collective de certains équipements, les habitants actuels seront plus enclins à accepter l'arrivée de nouveaux habitants.

Comment pouvons-nous créer un peu de stationnement mutualisé à l'échelle du quartier, ou un petit square dans lequel les habitants se rencontrent ? L'une des principales demandes des habitants, c'est d'avoir une boulangerie dans le quartier. Le petit commerce, c'est vraiment l'endroit qui fait le lien, qui crée la convivialité d'une ville.

Grâce à un meilleur accompagnement de la densification des pavillons, une partie des ressources peut être affectée à ce type de démarche. Par exemple en préemptant un petit garage qui vivote pour le transformer en boulangerie, et lui redonner une deuxième vie. Ce sont des choses à l'échelle des quartiers pavillonnaires qui ont du sens.

Vous parlez de commun, avez-vous également une vision concernant l'espace public ?

J. C. : La première des demandes au cours des réunions de quartier porte sur le stationnement et la circulation. La question est alors : comment arrive-ton à apaiser l'espace public pour pouvoir lui donner d'autres usages et d'autres pratiques ?

Même si la circulation n'est pas intense dans les quartiers pavillonnaires, elle peut être dangereuse. Faute de trottoirs assez larges, des personnes âgées ou des gens avec des poussettes marchent sur la route, ce qui les met en danger par exemple.

Nous devons travailler sur ce sujet pour que les enfants aillent à l'école à pied. Pour que les lycéens aillent au lycée en vélo. Pour que les gens aillent faire leur marché en vélo. Apaiser la circulation est la clef pour que se passer de sa voiture soit vraiment un plaisir et une sécurité.

Dans vos tribunes, vous évoquez la possibilité également de produire du logement social différemment, notamment à travers le levier du Loc'Avantages. Pourriez-vous nous en dire plus ?

J. C. : Comment conventionner du social autrement qu'à travers des opérations immobilières classiques ? Je veux tester d'autres leviers, tels que le Loc'Avantages (ndlr : dispositif permettant à des particuliers d'investir dans du logement abordable moyennant des avantages fiscaux). Ce n'est certainement pas le seul, l'unique et le miraculeux.

Mais si un quart de notre production de logement social peut être réalisée dans la production de logements en pavillonnaire, c'est déjà ça de pris ! Je ne crée pas des ghettos de riches, mais une ville avec une vraie mixité sociale. Comme c'était le cas de la ville de Houilles, où il y a toujours eu des grandes maisons cossues, des petites maisons modestes, des maisons de classes moyennes.

Comment vos administrés perçoivent cette démarche ?

J. C. : C'est un dispositif qui fait le pari de l'initiative des personnes elles-mêmes. Non pas pour vendre, faire une plus-value, mais bien pour réinvestir, redonner de la valeur, de la qualité, en somme donner une nouvelle vie à leur bien.

Le but étant de répondre aussi aux personnes qui ont du mal à rester dans leur maison, pour des raisons de vie, de ressources. Leur dire qu'ils ne sont pas condamnés à vendre pour partir. Leur dire « vous pouvez aussi créer de la valeur avec votre bien au service de l'intérêt général ».

Mais ce dispositif ne se fera pas sans les propriétaires eux-mêmes, qui restent propriétaires, et qui potentiellement deviennent cohabitants. Ils ont ainsi un intérêt à rester dans la commune qu'ils aiment.

J'en fais le pari !

À quoi ressemblera un quartier pavillonnaire demain à Houilles ?

J. C. : C'est un quartier qui aura su se régénérer et transmettre le flambeau générationnel. Un quartier qui aura su garder son histoire et son identité. Et c'est un quartier qui aura su garder une place pour chacun, sans que l'on vive entre personnes de façon uniforme.

Un quartier qui laissera une grande part à la végétation, avec des cœurs d'îlots préservés et valorisés. Où l'on circulera à pied et à vélo facilement dans l'espace public, où l'on retrouvera des services et petits commerces à proximité.

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