Evénement

Urbanisme Comment se défendre contre l'engorgement ?

- Parce qu'il utilise beaucoup d'espace et peut paralyser les centres-villes, le stationnement est une des priorités des municipalités et des promoteurs. -Les plans de déplacement urbain, obligatoires pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants, doivent en tenir compte, et donnent une nouvelle dimension à cet élément de l'aménagement urbain.

Les acteurs du stationnement - les promoteurs, les aménageurs et surtout les villes qui ont en charge les politiques du stationnement - sont confrontés à un véritable casse-tête. Comment gérer le stationnement de façon que le centre-ville conserve son attractivité tout en évitant qu'il soit envahi par les véhicules ?

La difficulté se pose surtout dans les centres anciens. Le foncier y est rare et cher, les rues souvent étroites, et les politiques de rénovation ont pour objet de ne pas laisser tout l'espace aux voitures, mais au contraire de le rendre aux piétons. Ces orientations ne sont guère compatibles avec une offre large de stationnement.

« Les difficultés du stationnement apparaissent souvent, lors des enquêtes, comme un des motifs les plus importants d'insatisfaction de la part des usagers, et on peut penser que ces difficultés participent à une baisse d'attractivité des centres au profit de destinations plus périphériques », observe Jean-Pierre Orfeuil, de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets).

Les municipalités sont donc à la recherche d'un équilibre. Afin de garder les habitants des centres, mais aussi de ne pas défavoriser le commerce, la solution la plus fréquente est l'institution du stationnement payant.

Cette possibilité est offerte par le Code général des collectivités territoriales. L'article L 2213-2 (issu du Code des communes, article L 131-4-2) permet aux maires de réglementer le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, d'instituer des emplacements réservés et d'assujettir le stationnement au paiement de droits (L 2213-6).

Tarification : l'alternative

Selon une enquête réalisée, en 1996, par le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanis- me et les constructions publiques (Certu), sur 130 villes, la majorité d'entre elles instaurent des tarifs favorisant les visiteurs et les résidents (voir encadré sur les catégories d'usagers).

Deux sortes de tarifications sont généralement en vigueur.

Une tarification de courte durée qui accélère la rotation des véhicules et favorise les visiteurs. Besançon a ainsi récemment joué sur les taux de rotation en limitant fortement l'offre de stationnement de longue durée. Cela a permis de satisfaire le même nombre d'usagers par jour (soit 25 000), tout en récupérant 700 places de stationnement pour aménager l'espace public.

Une tarification de longue durée qui favorise les résidents. La plupart des villes situées dans des agglomérations offrent des tarifications spécifiques pour les résidents, le plus souvent calculées à la journée et s'échelonnant de 5 à 27 francs. Certaines villes offrent des abonnements mensuels qui vont de 100 à 250 francs.

Il est nécessaire de rendre lisibles les zones payantes ou gratuites, et de bien signaliser les parkings. C'est ce que fait Rennes avec ses zones de différentes couleurs, rouge, orange ou vert, selon la pro-ximité du centre. A Nantes, des panneaux lumineux situés sur les axes en centre-ville indiquent clairement le parking le plus proche avec le nombre de places disponibles.

Mieux assurer la surveillance

Qui dit stationnement payant dit aussi surveillance. Celle-ci est de la compétence des collectivités locales. La police municipale peut donc dresser des contraventions. Les sanctions s'appuient sur l'article L 2213-6 du Code général des collectivités territoriales et sur l'article R 26-5 du Code pénal. En ce qui concerne l'application des arrêtés instituant le stationnement payant, le Conseil d'Etat (22 février 1974, sieur Idée) et la Cour de cassation ont rappelé que ceux-ci constituent des règlements de police dont la violation est sanctionnée par l'article R 26-5 du Code pénal. Si les sanctions sont décidées localement, le prix des procès-verbaux - actuellement de 75 francs (230 francs en cas de stationnement illicite) - est, quant à lui, fixé par l'Etat. Mais la surveillance est une tâche délicate. « Nous avons du mal à faire comprendre aux habitants l'importance du respect des règles », déplore Christian Le Petit, directeur des infrastructures à la mairie de Rennes.

Selon le Certu, en 1995, chaque agent avait sous sa coupe en moyenne 205 places de stationnement, contre 164 en 1985. Ils ont de plus en plus de tâches annexes, et certains consacrent moins de 20 % de leur temps à la surveillance. De plus, quand, dans une ville, la police municipale et la police nationale se partagent le travail, c'est cette dernière qui a la responsabilité de contrôler le stationnement illicite. « Or l'insuffisance des effectifs fait que ce contrôle est généralement délaissé au profit d'autres tâches jugées plus valorisantes », se plaint-on à l'association Parkopolis, qui rassemble les professionnels du stationnement en France.

La surveillance ne doit pas se répéter jour après jour selon les mêmes parcours. Il faut, d'autre part, éviter de se polariser sur le stationnement interdit, au détriment du stationnement payant. En effet, si le stationnement payant n'est pas respecté, le parc disponible est vite saturé et les automobilistes sont contraints de se rabattre sur les places de stationnement illicite.

Certains juristes proposent, enfin, une dépénalisation des infractions pour désengorger les tribunaux et donner aux communes le pouvoir de fixer et de recouvrer entièrement les amendes. D'autres craignent que les collectivités n'en abusent. En outre, selon Parkopolis, il faudrait augmenter le prix du PV, les 75 francs actuels n'étant plus dissuasifs. Les ressources issues des PV pourraient être réaffectées à la surveillance. Ces changements font actuellement l'objet de réflexions au ministère de l'Intérieur.

Une contrainte d'intégration urbaine

Autre problème lié au stationnement : son intégration dans l'espace urbain. Le stationnement occupe une place non négligeable qu'il faut rationaliser au mieux. Les collectivités locales, avec l'aide des promoteurs, tentent de trouver des solutions innovantes pour une meilleure intégration.

Les aires de stationnement en surface constituent un mode de fonctionnement classique et peu onéreux. Leur création peut, toutefois, entraîner des effets néfastes, notamment sur le paysage urbain.

Le stationnement en silo implique, quant à lui, la construction d'un bâtiment. Il permet d'intégrer les aires de stationnement dans les perspectives urbaines et d'éviter la stérilisation de vastes zones bétonnées. Cela implique néanmoins une réflexion architecturale.

La commune peut donc mener des réflexions paysagères sur l'insertion du stationnement et l'inclure dans son plan d'occupation des sols (POS).

L'article 12 du POS permet aux communes de réglementer le stationnement et celles-ci sont libres de fixer le nombre de places exigé en fonction de la surface construite. En l'absence de document d'urbanisme, c'est l'article R 111-4 du Code de l'urbanisme qui s'applique. Ce texte dit simplement que le permis de construire peut être subordonné à la création de places de stationnement. Cette règle très souple permet aux communes de décider au cas par cas de la quantité de places de parking à réaliser. Rien n'empêche un maire de modifier ses ratios en fonction de la desserte en transports en commun. Il peut aussi bien fixer un nombre minimal qu'un nombre maximal de places de stationnement par logement ou par bureau. Les promoteurs devront ensuite réaliser un projet qui respecte ces règles.

« En tout cas, c'en est fini des océans de parkings avec du goudron partout, nous essayons de ne faire que des parkings paysagers », explique Jean-Claude Boutholeau, directeur des services techniques de la mairie de Saint-Jean-de-Monts. En face de l'hôtel de ville, la mairie a d'ailleurs choisi d'engazonner ses parcs de stationnement.

Enfin, les parkings souterrains, qui permettent de dissimuler les surfaces affectées au stationnement, notamment en milieu urbain dense, semblent le moyen le plus rationnel d'aménagement de l'espace urbain. Les plus grandes agglomérations (Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Montpellier) en sont déjà dotées. La construction de parcs souterrains s'est fortement accrue ces dernières années et, d'après le Certu, la moitié des parcs de stationnement en service ont été construits depuis 1986.

Evaluer la pertinence de l'investissement

Reste que ce sont des infras-tructures coûteuses. « La construction d'une place de stationnement souterrain coûte entre 80 000 et 360 000 francs, selon qu'on se trouve dans une ville de taille modeste ou dans une grande agglomération », explique Bernard Latronico, président de Parkopolis.

La rentabilité des parkings souterrains est ainsi difficile à atteindre pour les opérateurs publics comme pour les concessionnaires privés. Ce problème est encore plus épineux pour les bailleurs sociaux : « Les pouvoirs publics ne font pas assez la distinction entre le logement social et le logement privé qui, lui, est plus en mesure d'absorber les coûts du stationnement souterrain. En ce qui nous concerne, chaque place de parking enterrée nous revient à au moins 20 000 francs, car nous ne pouvons pas répercuter sur les locataires le prix réel du stationnement », regrette Gérard Guyot, directeur-général adjoint de l'Opac du Puy-de-Dôme et du Massif Central. C'est pourquoi, avant toute décision de création d'un parc, le Certu recommande d'en évaluer la pertinence et de vérifier que l'on ne peut pas résoudre les problèmes autrement : tarification, meilleure gestion du stationnement sur voirie.

Elaborer des plans de déplacement urbain

Quelles que soient les solutions mises en oeuvre, « le stationnement ne peut être dissocié du problème de la circulation automobile et des autres modes de déplacement urbain », rappelle Olivier Piron, secrétaire permanent du Plan urbanisme construction et architecture (Puca) au ministère de l'Equipement. Pour bien concevoir le stationnement, il faut en effet prévoir les flux et savoir les contrôler, et tenir compte de l'offre des transports en commun. Des parkings de dissuasion, comme à Nantes, à Rennes ou à Strasbourg, permettent de limiter le nombre de voitures en centre-ville, et donc les places de parking.

L'élaboration de plans de déplacement urbain est l'occasion de prendre en compte tous ces paramètres. La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (voir le cahier Textes officiels du « Moniteur » du 10 janvier 1997, page 213) rend obligatoire l'élaboration de plans de déplacement urbain (PDU) dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. De plus, l'article 14 de cette loi prévoit que les PDU doivent intégrer l'organisation du stationnement sur le domaine public, sur voirie et en souterrain. Il doit notamment stipuler la classification des voies selon la catégorie d'usagers admise au stationnement, et les conditions de tarification selon les différentes catégories de véhicules et d'utilisateurs, en privilégiant les véhicules peu polluants. Pour l'instant, les PDU n'ont pas de valeur juridique très contraignante. Leur force réside dans la négociation et l'approbation du plan par le maître d'ouvrage (l'autorité organisatrice en matière de transports), et son acceptation par les différents partenaires signifie que ceux-ci approuvent la pertinence du programme retenu. Les agglomérations commencent à élaborer des PDU ; certains sont déjà approuvés comme à Lyon, par exemple (voir encadré sur Villeurbanne).

« Avec la loi sur l'air, le stationnement prend une nouvelle dimension, et ce qui était parfois considéré comme la partie la moins noble de l'aménagement est devenu un élément à part entière du développement urbain », explique Olivier Piron. Dans une optique globale de réduction de la pollution, le stationnement peut être un levier important. Selon l'Inrets, un des principaux moyens de dissuader les usagers d'utiliser leur véhicule est de limiter fortement les places de stationnement en centre-ville. Lorsque l'usager ne peut plus espérer se garer, il choisit un autre mode de transport (la condition est, bien sûr, de lui en proposer d'autres, et c'est précisément le but des PDU). La prochaine grande loi antipollution sera-t-elle une loi sur le stationnement en centre-ville ?

POUR EN SAVOIR PLUS...

- « Enquête 1996 », Jacques Legaignoux, mars 1998, Certu. Tél. : 04 72 74 58 00.

- « Le Stationnement : outil de maîtrise des déplacements », Martine Kis, le Courrier des maires, 10 octobre 1997, page 23.

- « La Voiture à sa juste place, le livre blanc du stationnement en France », Parkopolis, mars 1997. Tél. : 01 34 62 54 79.

- « Les Plans de déplacements urbains », le Moniteur du 1er novembre 1996.

- « Le Code général des collectivités territoriales », Editions du Moniteur, octobre 1996, sous la direction de Jean-Bernard Auby. Tél. : 01 40 13 30 30.

L'ESSENTIEL

»Les communes doivent préserver l'attractivité des centres-villes tout en évitant qu'ils ne soient envahis par les véhicules.

»Des tarifs différenciés de stationnement permettent de favoriser les résidents ou les visiteurs.

»La surveillance ne doit pas être figée et le prix des procès- verbaux pourrait être augmenté.

» Des réflexions paysagères peuvent être engagées dans le cadre du POS.

» Les plans de déplacements urbains sont obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

PHOTOS :

Priorité aux piétons ou aux voitures ? C'est le dilemme auquel sont confrontées la plupart des municipalités.

Les parkings engazonnés : un bon compromis entre les exigences du stationnement et celles d'un respect du paysage urbain.

Dans les zones commerciales des centres-villes, résidents et migrants doivent se partager un espace de stationnement réduit.

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