Les premiers projets de centrales photovoltaïques au sol commencent à voir le jour et, avec eux, les premières difficultés et interrogations. En effet, ces projets impliquent parfois la couverture de plusieurs hectares de parcelles agricoles par des panneaux solaires montés sur des châssis. L’incidence de ces équipements est évidente en termes d’occupation des sols, mais aussi d’un point de vue environnemental. Or, à ce jour, aucune disposition législative ou réglementaire n’a encore précisé le régime juridique des centrales photovoltaïques. Il est difficile, dès lors, d’affirmer avec certitude à quelle procédure est soumis un projet de ce type au regard du droit de l’urbanisme et de l’environnement. Face au silence des textes, les administrations ont tendance à vouloir raisonner par comparaison avec les éoliennes et à alourdir les procédures selon le principe « qui peut le plus, peut le moins ». Mais l’on ne saurait accepter qu’investisseurs et promoteurs voient la survie de leurs projets dépendre des aléas de la jurisprudence.
Une centrale photovoltaïque sans autorisation d’urbanisme
A quelle formalité est soumise la réalisation d’une centrale photovoltaïque ? La réponse à cette question s’avère bien délicate. Selon une interprétation littérale des textes, un tel projet n’est soumis à aucune formalité mais, d’un point de vue pragmatique, il convient de privilégier la demande de permis ou, à tout le moins, une déclaration préalable.
Article R. 421-2 du Code de l’urbanisme
Le décret du 5 janvier 2007 a profondément réformé le régime juridique des autorisations d’urbanisme en précisant notamment leur champ d’application. Mais il n’a pas entendu régir « dans le détail » l’ensemble des ouvrages ou travaux soumis à autorisation, à simple déclaration ou bien dispensés de toutes formalités. Le Code de l’urbanisme ne prévoit pas spécifiquement l’implantation de panneaux solaires, contrairement aux éoliennes. En conséquence, ce sont les règles générales qui trouvent à s’appliquer.
Le principe posé par l’article R. 421-1 du Code de l’urbanisme est celui de l’exigence, pour toute construction nouvelle, d’un permis de construire, l’exception relevant de la déclaration préalable et de la dispense de formalité. Or, l’article R. 421-2 dispense de toute formalité, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’elles sont implantées dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé, « les constructions nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à 12 mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface de plancher ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute (SHOB) inférieure ou égale à deux mètres carrés ». Excepté certains ouvrages (poste de livraison), une centrale photovoltaïque ne crée pas de SHOB et les panneaux sont habituellement inférieurs à 12 mètres de haut. La combinaison des articles R. 421-1 et 2 conduit donc à considérer que la création d’une centrale d’énergie solaire photovoltaïque est dispensée de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme, sous la double condition rappelée ci-dessus.
Position ministérielle
On objectera que le fondement même de cette disposition est tiré de « la très faible importance » de la construction. Cette qualification peine à s’appliquer à une centrale photovoltaïque qui peut atteindre plusieurs milliers de mètres carrés. Au demeurant, il n’est pas exclu non plus que l’on puisse assimiler les structures de maintien des panneaux solaires aux châssis dont la construction est expressément prévue par le Code de l’urbanisme, à l’article R. 421-9 (soumis à déclaration préalable si leur hauteur au-dessus du sol est comprise entre 1,80 m et 4 m, et dont la surface au sol n’excède pas deux mille mètres carrés sur une même unité foncière). A notre sens, l’absence de toute formalité au titre du droit de l’urbanisme est inacceptable. Et, dans l’attente éventuelle qu’un permis de construire soit expressément exigé par un texte (permis qui pourrait être délivré par le préfet), on ne saurait conseiller à un promoteur de se dispenser d’une autorisation préalable, d’autant plus que les ouvrages annexes nécessiteront souvent un tel permis (poste de livraison de plus de 20 m2 ou lignes électriques dont la tension est supérieure à 63 000 volts).
Reste qu’il s’agit « pour le moment », de la position du ministre de l’Écologie : « L’installation de panneaux solaires n’est soumise à aucune formalité au titre du Code de l’urbanisme en vigueur depuis le 1er octobre 2007, à l’exception d’une déclaration préalable pour une implantation dans les sites classés ou dans les secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité » (rép. min. JO Sénat, 31 janvier 2008, p. 195).
Le respect du document d’urbanisme en vigueur
Avec ou sans autorisation, il n’en demeure pas moins qu’une centrale solaire photovoltaïque doit respecter la règle locale d’urbanisme régissant l’utilisation du sol. Or là encore, le système actuel est source d’incertitudes, car il n’est pas évident de savoir dans quelle zone du plan local d’urbanisme (PLU) implanter ce type de construction.
Règlement de zone
Dans les communes couvertes par un PLU, il faudra se référer au règlement de chaque zone pour vérifier si un projet de construction de centrale solaire est possible. A moins de considérer ces installations comme de « l’urbanisation », ce que d’ailleurs certains tribunaux n’ont pas hésité à faire pour les éoliennes, il ne peut s’agir que des zones naturelles (N) ou agricoles (A). Or, les zones N regroupant, par exemple, les secteurs à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, semblent a priori moins propices à accueillir ces projets, en l’état actuel de la rédaction du Code de l’urbanisme. C’est donc vers les zones A que l’on a tendance à se tourner dans la mesure où celles-ci permettent, aux termes de l’article R.123-7 : « Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ».
Notion d’« équipement collectif »
La notion d’équipement d’intérêt collectif n’est pas définie par le Code de l’urbanisme. C’est au regard de leur intérêt pour la population qu’il convient de se référer, et leur participation à l’intérêt général constitue un fil conducteur important. Une définition intéressante de cette notion a été donnée par M. Aguila, dans ses conclusions sous un arrêt de 2005 : « Un équipement collectif est une installation assurant un service d’intérêt général destiné à répondre à un besoin collectif de la population » (CE 23 novembre 2005, « Ville de Nice », n° 262105). A notre sens, la mission d’intérêt général de ces projets est manifeste, d’une part, au regard du nombre important de textes insistant sur l’obligation de recourir à ce mode de production de l’électricité et, d’autre part, dans la mesure où l’énergie produite par ces panneaux solaires est revendue à EDF et ne fait pas l’objet d’une autoconsommation.
Pour sa part, le ministère indique que : « Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ne seront autorisées à s’implanter en zone agricole que pour autant qu’elles ne compromettent pas le caractère agricole de la zone » (rép. min. n° 20020 : JO Sénat Q, 19 janvier 2005, p. 174).
Les zones agricoles ne sont juridiquement pas adaptées à ces projets
Cette réponse ministérielle, qui n’avait pas été rendue précisément pour les centrales photovoltaïques, conduit à une double interrogation : une centrale photovoltaïque a-t-elle réellement sa place en zone agricole ? Peut-on mettre au même niveau une centrale éolienne et une centrale solaire ? Car, si l’on admet qu’une ferme éolienne ne remet pas en cause la vocation agricole d’une zone, on reste dubitatif quand il s’agit de milliers de mètres carrés de panneaux solaires.
Loi de finances 2008
Une lecture fiscale de ce type de projet milite pourtant en faveur d’une installation en secteur agricole. C’est à tout le moins ce que l’on conclut de la lecture de la dernière loi de finances (LF 2008, art. 28) et notamment du nouvel article 75-A du Code général des impôts qui ouvre la possibilité aux exploitants soumis à un régime réel d’imposition, de rattacher au bénéfice agricole les « produits des activités de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne » réalisés sur l’exploitation. Ces dispositions devraient encourager la production d’énergie renouvelable tout en améliorant le revenu des exploitants agricoles.
Un zonage réservé aux énergies renouvelables ?
Pourtant, à notre sens, un projet de centrale photovoltaïque est incompatible avec la vocation des zones agricoles. D’ailleurs, habituellement, le juge administratif apprécie très strictement le caractère « nécessaire à l’activité agricole » d’un projet, au point d’annuler des projets de simples gîtes ruraux dans ces zones.
Aussi, à moins de revenir sur la notion même d’activité agricole telle qu’appréhendée par le Code de l’urbanisme, la sécurisation juridique du projet conduit à préconiser une adaptation du document d’urbanisme afin d’obtenir l’inscription d’une rubrique, dans le règlement de la zone considérée, relative aux énergies renouvelables. A cette occasion, dans le cadre de l’enquête publique, un débat pourra avoir lieu sur l’opportunité et les inconvénients de l’installation de centrales photovoltaïques sur le territoire communal. La commune s’affirmerait alors, en toute transparence, comme un véritable acteur de la promotion des énergies renouvelables. En dehors de cette hypothèse, il faut d’ailleurs rappeler que, n’étant pas mentionnées par l’article R. 123-1 du Code de l’environnement, les centrales photovoltaïques échappent aujourd’hui à la procédure d’enquête publique.
On peut également imaginer, à côté des zones urbaines (U), des zones à urbaniser (AU), des zones naturelles (N) ou agricoles (A) des PLU, la création par la loi d’un nouveau zonage réservé aux énergies renouvelables. Ce serait sans nul doute un signe fort et tangible qui réglerait, en partie, la délicate question des nouvelles affectations des sols induites par le développement de ce type d’énergie.
Un projet sans étude d’impact Travaux inférieurs à 1 900 000 euros
Actuellement, si le coût total des travaux n’atteint pas 1 900 000 euros, il résulte de l’article R. 122-8 du Code de l’environnement, qu’un projet de centrale photovoltaïque est exempté d’étude d’impact. Une telle lacune n’est pas satisfaisante au regard des exigences posées par le Code. Mais si, au final, il n’y a pas d’autorisation, à qui et à quoi servirait cette étude ? Si l’on considère qu’aucune autorisation au titre du droit de l’urbanisme n’est nécessaire, on doit s’interroger sur le moment et sur la façon de rattacher cette étude d’impact à une décision finale pour laquelle l’étude aurait été rendue nécessaire. En effet, celle-ci demeure un document d’aide à la décision, dont le rôle est d’éclairer l’Administration sur les impacts prévisibles de la future construction.
Nomenclature « Eau »
A l’évidence, la réglementation ne pourra qu’évoluer sur ce point. Il faudrait, par exemple, prévoir, à l’instar des éoliennes, l’exigence d’une étude d’impact au-delà d’une certaine superficie de terrain recouverte par des panneaux solaires. Il faut toutefois nuancer ce propos. En effet, le projet de centrale photovoltaïque doit satisfaire aux prescriptions d’autres législations et en particulier, aux articles L.214-1 et suivants du Code de l’environnement relatifs aux autorisations au titre de la « loi sur l’eau ». La nomenclature « Eau » ne présente pourtant pas de rubrique spécifique aux centrales photovoltaïques. Toutefois, les effets de ce type de projet, en termes d’imperméabilisation du sol, renvoient à la rubrique 2.1.5.0 qui soumet à autorisation les rejets d’eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol, les projets dont la surface totale est supérieure à 20 hectares (procédure de déclaration en deçà). L’étude d’impact sera alors produite dans le cadre de cette procédure. A cet égard, il faudra justifier de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) concerné. Ce document de planification dans le domaine de l’eau vise la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques. L’article L. 211-1 al. 1er du Code de l’environnement précise que cette gestion doit prendre en compte les adaptations nécessaires au changement climatique, de sorte que ce rapport de compatibilité ne devrait pas trop poser de difficultés.
