Les planètes de l'investissement public local paraissent s'aligner, sous l'effet conjoint du cycle électoral, du rattrapage post-Covid et de France Relance. La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) partage le pronostic : « Je ne vois pas de blocage financier sur la voie d'un bon redémarrage », confirme Sylvain Siméon, auteur de la note conjoncturelle sur les « perspectives pour les finances locales en 2022 ».
Un jeune acteur stimule les acheteurs territoriaux : l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), née en janvier 2020 (lire ci-dessous), coordonne les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Emblèmes de l'approche ascendante vantée par l'Etat et demandée par les collectivités, ces projets de territoire calés sur les mandats municipaux bénéficient d'un coup de fouet : une circulaire diffusée le 4 janvier par le Premier ministre met la pression sur les maires et les préfets, pour boucler leur signature à la fin de ce mois.
Les dépenses engagées en 2022 pourront bénéficier des 14 % d'augmentation des crédits de paiement affectés aux dotations de soutien à l'investissement local et à l'équipement des territoires ruraux (DSIL et DETR), qui totalisent 1,72 Md €. Dans le Grand Est, le conseil régional et la plupart des départements joignent leurs efforts à ceux de l'Etat et du bloc communal pour métamorphoser les 94 CRTE en pactes territoriaux de relance et de transition écologique (PTRTE). « A tous ses dispositifs de droit commun dédiés au soutien des projets locaux, la région ajoute un fonds d'accompagnement doté de 20 M€ par an sur six ans : 50 % iront à la cohésion et l'aménagement, 50 % au développement économique », précise Marie-Gabrielle Chevillon, vice-présidente déléguée à la cohésion des territoires et à la contractualisation.
L'ingénierie régionale facilitera l'accès aux crédits du pacte vert pour l'Europe qui, comme sur le reste du territoire national, cumulent leurs effets avec la conjoncture fiscale. La forte reprise des droits de mutation encourage l'abondement départemental des projets communaux et intercommunaux, à l'issue d'une année 2021 marquée par la hausse de plus de 3 % de la valeur des bases des taxes foncières.
Zones d'ombre. Toutefois, ces éclaircies n'éclipsent pas les zones d'ombre, y compris autour des CRTE. « En interne, ils présentent la vertu indiscutable d'aider à la formulation des projets de territoire. Mais nous n'avons pas pour autant basculé dans une véritable pluriannualité de l'engagement budgétaire », tempère Franck Claeys, délégué adjoint de France Urbaine, qui fédère grandes villes et agglomérations. Même son de cloche du côté d'Intercommunalités de France qui, en dépit de l'accord de partenariat signé ce mois-ci avec le ministère de la Transition écologique, dresse un bilan d'étape mi-figue mi-raisin des CRTE car les réflexes de verticalité et de cloisonnement ont la peau dure. « Les appels à projets et à manifestation d'intérêt continuent. Et plus on le dit, plus il y en a », s'insurge Virginie Carolo-Lutrot, présidente déléguée.
Emanation de l'Etat et des collectivités, l'Observatoire de la gestion des finances locales s'interroge sur la robustesse de la reprise. « Elle vient en partie du renchérissement des fournitures du BTP », prévient son secrétaire général Thomas Rougier, qui craint la répétition du scénario de 2008. Alors que ledébut des mandats municipauxavait coïncidé avec la crise financière mondiale, le plan de relance avait protégé l'année 2009 de la baisse attendue des investissements locaux, mais la chute s'était finalement produite en 2010.
Contrecoups de la crise. Douze ans plus tard, les collectivités se préparent à encaisser plusieurs contrecoups de la crise sanitaire de 2020. Très hétérogènes mais globalement en baisse, les rentrées fiscales de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), calculée sur l'exercice 2020, vont accuser une chute de 10 à 28 % chez cinq membres de France Urbaine (1). L'insuffisance des compensations des pertes de recettes des autorités organisatrices de la mobilité liées à la baisse de fréquentation des transports en commun se répercutera sur le calendrier des projets, comme la FNTP le constate déjà pour le métro de Toulouse (Haute-Garonne) et le téléphérique de Grenoble (Isère). Enfin, les collectivités redoutent l'effort que leur demandera l'Etat, après l'élection présidentielle, pour contribuer à réduire le déficit public gonflé par la crise sanitaire.