L'Oise compte, à proximité de Beauvais, de Creil et de Compiègne, nombre de bourgs ruraux qui attirent les classes moyennes, au risque d'une extension incontrôlée. Le dernier recensement a mis en évidence leur accroissement démographique rapide, souvent au détriment de la ville voisine. Cette rapide montée en puissance fragilise en outre les équilibres économiques et sociaux, à la merci du brusque départ d'une entreprise importante.
« Connaissant le dynamisme de ces communes, nous avons lancé une réflexion sur leurs périphéries qui met clairement en évidence l'appauvrissement de l'espace urbain. Elle a poussé les maires à repenser leur développement dans une vision d'ensemble et à long terme », rappelle Dominique Versini, directeur de la Semoise (groupe SCET) qui conduit ces transformations de centres bourgs dans le département.
La mésaventure survenue à Bresles - traumatisée par le départ d'une sucrerie qui occupait dix hectares à l'entrée du bourg - a servi de détonateur pour les autres communes, où la situation est cependant moins dramatique. « Les maires ont pris conscience que les entreprises sont devenues à la fois plus volatiles et plus exigeantes sur la qualité de leur environnement. Elles veulent travailler dans un cadre agréable, et les mairies admettent qu'une partie de la taxe professionnelle doit contribuer à cette amélioration. Par ailleurs, pour leurs concitoyens, elles veulent accentuer l'identité et la convivialité de leur commune ».
Poser les bases d'un projet urbain dans la durée
La méthode pluridisciplinaire adoptée par la Semoise a jusqu'ici fonctionné sur une demi-douzaine de cas. L'ensemble des bourgs intéressés est d'abord réuni avec, autour de la table, les élus, un paysagiste, un architecte, la direction départementale de l'équipement et la DDA, un spécialiste de la sécurité, un juriste et, pour accrocher le projet au développement local, un chargé de mission du conseil régional. « Cela permet d'identifier les exigences de qualité et de poser les bases du projet urbain dans la durée. »
Puis démarre l'étude propre à chaque commune, sur six à douze mois. Elle implique des réunions publiques auxquelles participent tous les partenaires du projet : élus, administration, techniciens... Mené par la Semoise, le comité de pilotage cherche un consensus, hors de toutes questions de pouvoir : « Nous sommes là pour motiver les uns et les autres. Quand toutes les parties sont rassemblées, elles sont obligées d'avancer. Mais il ne faut pas compter les heures, car le temps nécessaire à la définition d'un projet est élastique à l'infini ! »
Il revient ensuite au maire de présenter plusieurs scénarios d'aménagement, en tenant compte des questions techniques et de l'évolution des relations sociales sur le terrain. L'essentiel est que les élus déterminent l'équipement pivot souhaité par les habitants, puis le futur coeur de ville se recompose autour de lui.
Une fois le projet défini et arrêté en conseil municipal, la Semoise accompagne la commune pour monter le tour de table, négocier avec les administrations, réviser le plan d'occupation des sols, monter les programmes de zones d'aménagements concertés... Après une estimation du chantier (décomposée par lots pour que les élus le visualisent bien) et l'évaluation des conséquences sur le budget communal, un échéancier est établi en fonction des ressources. La commune peut ensuite entamer les acquisitions foncières. « Dès que l'on touche au centre, on découvre la nécessité de fluidifier la circulation sur l'ensemble du territoire, puis de densifier le coeur de ville en services et en habitations pour éviter que la commune ne s'étire, ce qui est coûteux en fonctionnement et facteur de ségrégation ». Les deux projets (voir pages précédentes) de Verneuil-en-Halatte près de Creil, et de Choisy-au-Bac près de Compiègne, sont les plus avancés. Ces bourgs « de caractère » sont restés très ruraux. Ayant grossi de façon assez anarchique, ils subissent une circulation trop dense et manquent de services.
D'autres communes de même taille sont en train d'évoluer rapidement : Trie-Château, un long filament traversé par la nationale et dont le centre est occupé par une zone industrielle ancienne, se repense avant qu'une déviation ne renouvelle les habitudes de circulation et d'achat. A Pontpoint, un autre bourg industriel qui s'allonge sur 4 kilomètres en bordure de l'Oise, il fallait donner de l'épaisseur. L'équipement fédérateur est un centre médicalisé de quarante lits. C'est lui qui offre les bases financières pour monter l'opération, il permet également d'ouvrir un fleuriste et une pâtisserie. On va déplacer la mairie à côté... Mais le plus souvent, l'équipement réclamé en priorité par les nouveaux habitants est une médiathèque, c'est le cas à Choisy-au-Bac. A Verneuil-en- Halatte, il est question d'ouvrir un centre aéré.
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Verneuil-en-Halatte : proche de Creil, ce bourg encore rural attire une nouvelle population de citadins, mais veut maîtriser son développement.