Une disposition du Code des marchés publics relative au délai de "standstill" censurée

Le Conseil d’Etat, dans une décision du 1er juin 2011, énonce que l’article 80-I-2-a) du Code des marchés publics qui dispense l’acheteur public du respect du délai de suspension avant la conclusion d’un contrat est contraire au droit européen.

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Décision du Conseil d'Etat

Que dit exactement la disposition critiquée ? L’article 80 du Code des marchés publics (cliquez ici) impose, pour les marchés passés selon une procédure formalisée, le respect d’un délai d’au moins seize jours (onze en cas de télétransmission) entre la notification aux entreprises évincées du rejet de leurs candidatures et la conclusion du marché. Mais le point I-2-a) de l’article 80 permet d’échapper à ce délai « lorsque le marché est attribué au seul candidat ayant présenté une offre répondant aux exigences indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation ».

C’est de cette disposition que s’est prévalu l’Office public de l’habitat d’Amiens pour justifier avoir signé, sept jours seulement après la date de la lettre de notification aux candidats évincés, trois contrats avec l’entreprise Otis portant sur les trois lots d’un marché de prestations de dépannage et d’entretien d’ascenseurs. La société Koné, candidate écartée, a attaqué la procédure de passation de ces contrats devant le juge des référés. Son offre avait été rejetée comme irrégulière au motif qu’elle ne portait que sur les lots 2 et 3, alors que le règlement de consultation imposait aux candidats de répondre aux trois lots géographiques à peine de rejet de leur offre.

Pas d’obligation de répondre à tous les lots

L’affaire est remontée jusqu’au Conseil d’Etat, qui annule les contrats correspondants aux lots 2 et 3, ce qu’avait refusé de faire le juge des référés. La motivation tient en deux points très importants :

- Un, le Conseil d’Etat énonce très clairement que lorsque le pouvoir adjudicateur « décide de passer le marché en lots séparés sur le fondement de l’article 10 du Code des marchés publics (cliquez ici), il ne peut, dans les documents de la consultation, contraindre les candidats à présenter une offre pour chacun des lots du marché ». Ainsi l’OPH d’Amiens, en imposant la réponse obligatoire aux trois lots, est contrevenue aux dispositions de l’article 10 du Code ; et, en refusant d’examiner les offres de Koné au titre des lots 2 et 3, il a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

- Deux, les Sages du Palais Royal jugent que la dispense du respect du délai de standstill prévue par l’article 80-I-2-a) est incompatible avec les dispositions de la directive du 21 décembre 1989 (directive « recours » - cliquez ici). En effet, la directive énumère limitativement les cas de dérogations possibles au délai de suspension avant la signature des contrats. Parmi ces cas est prévu celui où « le seul soumissionnaire concerné au sens de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la présente directive est celui auquel  le marché est attribué et en l’absence de candidats concernés » ; les candidats étant réputés concernés « si le pouvoir adjudicateur n’a pas communiqué les informations relatives au rejet de leur candidature avant que la décision d’attribution du marché soit notifiée aux soumissionnaires concernés. » Pour le Conseil d’Etat, cette dérogation prévue par la directive européenne n’englobe pas celle octroyée par l’article 80-I-2-a) du Code français.

Pour préserver la continuité des prestations de dépannage et d’entretien des ascenseurs du parc de l’OPH, compte tenu du délai nécessaire pour attribuer un nouveau marché, le Conseil d’Etat ne prononce l’annulation des contrats des deux lots litigieux qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois après sa décision.

Pour retrouver l'arrêt du Conseil d’Etat, 1er juin 2011, n°346405, cliquez ici

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