Adopté par le Conseil des ministres du 7 octobre, après avoir fait l'objet de plusieurs versions successives durant l'été, le projet de loi sur le Grand Paris a pour objet, aux termes de son article 1, « de susciter, par la création d'un réseau de transport public de voyageurs (.), un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales, qui bénéficiera à l'ensemble du territoire ».
La création d'un métro automatique de grande capacité en rocade constitue le cœur du projet de loi. D'une longueur de 130 km, il comporterait une quarantaine de gares, pour un coût de 20,5 milliards d'euros, selon Christian Blanc, secrétaire d'Etat au Développement de la région capitale. Son tracé sera approuvé par décret en Conseil d'Etat après consultation du public mais dans un cadre dérogatoire au droit commun : le débat sera organisé par le préfet de région et non par la Commission nationale du débat public. Celle-ci regrette cette disposition : « Les règles du droit commun sont suffisamment souples pour être adaptées à l'urgence tout en étant garantes de la bonne organisation du débat », estime-t-elle.
Par ailleurs se pose la question de l'articulation de ce réseau de métro automatique avec le plan de mobilisation pour les transports porté par le conseil régional d'Ile-de-France. « Le tracé Arc Express pour lequel un débat public va être instruit constituera-t-il un maillon du métro prévu par le projet de loi ? », s'interroge Jean-Claude Boucherat, président du conseil économique et social régional.
Pour réaliser ce métro, le projet de loi crée un établissement public industriel et commercial : la Société du Grand Paris (SGP). Il sera majoritairement contrôlé par l'Etat et les collectivités locales (la région et tous les départements d'Ile-de-France) y siégeront de droit. Une fois les infrastructures de transport réalisées, la SGP en confiera la gestion technique à la RATP dans la limite des compétences reconnues à RFF.
Pendant dix-huit mois à compter de l'approbation du schéma d'ensemble des infrastructures, des contrats de développement territorial (CDT) pourront être signés entre l'Etat, représenté par le préfet de région, et les communes ou les intercommunalités. « Ces contrats sont destinés à accompagner le développement des territoires desservis par le réseau de métro automatique », précise-t-on au secrétariat d'Etat. « Par rapport aux versions précédentes, les collectivités locales et l'Etat dans sa diversité retrouvent une place un peu plus raisonnable dans le dispositif, commente Vincent Fouchier, directeur général adjoint de l'IAU (Institut d'aménagement et d'urbanisme) d'Ile-de-France. Le rôle du préfet est clarifié sur la concertation et il pilotera l'élaboration des CDT, en association avec la Société du Grand Paris. »
Droit de préemption
Le CDT définira des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière de développement économique, d'aménagement urbain, de logement et de déplacements. Il pourra prévoir des zones d'aménagement différé (ZAD) où l'Etat pourra exercer son droit de préemption en le déléguant au cas par cas à la SGP, un droit de préemption subsidiaire étant créé au profit des communes. « Aujourd'hui, l'Etat peut créer des ZAD dès lors qu'il dispose d'un projet. Il demande l'avis des collectivités locales mais n'est pas tenu de le suivre. Dans le cadre de la nouvelle loi, il n'y aura plus de décision unilatérale mais codécision », ajoute-t-on au secrétariat d'Etat. Dans les zones où elle disposera d'un droit de préemption, la Société du Grand Paris pourra conduire des opérations d'aménagement, avec les mêmes compétences qu'un établissement public d'aménagement. Les opérations d'aménagement et les projets d'infrastructures conclus dans le cadre de ces contrats de développement territoriaux auront valeur de PIG (projet d'intérêt général) et s'imposeront aux plans locaux d'urbanisme (PLU), aux schémas de cohérence territoriale (Scot) et même au schéma directeur d'Ile-de-France (Sdrif). « La somme de tous ces contrats risque de remettre en cause la cohérence d'ensemble définie par le schéma directeur », note Vincent Fouchier.
Décentralisation
Ce projet de loi a suscité un tollé chez de nombreux élus, principalement de gauche. « Ce projet est illégitime car il s'oppose aux lois de décentralisation. Il est inefficace car il ne prend pas en compte les mutations actuelles en matière d'économie et de société. Enfin, il ne répond pas aux défis environnementaux », résume Mireille Ferri, vice-présidente du conseil régional. Certains s'étonnent, comme Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris chargé de Paris Métropole, que le texte « s'abstrait des réflexions des architectes de la consultation internationale ». Le 8 octobre, le conseil régional a donc voté le rejet du texte et décidé de saisir le Conseil d'Etat pour non-transmission par le gouvernement du projet de schéma directeur. Adopté en septembre 2008, le document d'urbanisme n'a toujours pas été approuvé, le protocole d'accord qui devait permettre de sortir de la situation de blocage entre l'Etat et la région ayant échoué. Bertrand Delanoë a réitéré à François Fillon sa proposition « d'une gouvernance partagée sur ce chantier décisif ».
Christian Blanc considère que son texte n'empiète pas sur les compétences des collectivités : « Les élus n'ont aucun risque de ce point de vue. Cela étant, il faut que chacun soit dans son rôle. C'est une région capitale, c'est une région monde, qui nécessite que l'Etat prenne ses responsabilités. » Le projet de loi, qui devrait être suivi d'autres textes, pourrait être examiné par l'Assemblée nationale en novembre. Nathalie Moutarde -