Les émissions de gaz à effet de serre ignorent les frontières. Aussi n’y a-t-il pas d’obstacle à ce que la quête d’un ciment émettant peu de carbone mobilise conjointement les universités de Lorraine, de Luxembourg, de Liège (Belgique) et de Trèves (Allemagne). Ces établissements et leurs 14 partenaires industriels se sont engagés en juillet 2020 pour deux ans dans le projet de recherche CO2 Redres, mené dans le cadre du programme européen Interreg.

« Notre territoire transfrontalier – Wallonie, Luxembourg, Grand Est, Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat – a été marqué par la sidérurgie et la présence de plusieurs centrales thermiques au charbon. Les coproduits de ces activités que sont respectivement les laitiers de hauts-fourneaux et les cendres volantes sont déjà largement utilisés dans les ciments, en substitut du clinker. Or, l’amenuisement de ces deux ressources nous incite à trouver d'autres alternatives », explique André Lecomte, professeur au sein de l'équipe matériaux pour le génie civil de l'Institut Jean-Lamour (IJL), une unité mixte CNRS-université de Lorraine.
Par rapport aux ciments 100 % clinker, ceux intégrant des argiles pourraient abaisser de 35 à 50 % le bilan carbone
Les argiles cuites ou calcinées sont au cœur des attentions. L'évolution des normes observée ces dernières années et notamment celle de la norme française ciment () attendue en novembre prochain, permet d'accroître leur utilisation. D'où l'intérêt de mieux connaître les argiles que les partenaires de CO2 Redres souhaitent obtenir à partir de boues de lavage de carrières. Romain Trauchessec, enseignant-chercheur, coordinateur du projet à l'IJL, détaille : « L'université de Trèves a d'ores et déjà caractérisé une quarantaine de boues de lavage. Celle de Luxembourg travaille pour sa part sur le procédé de calcination, tandis qu'à l'IJL, nous nous penchons sur les propriétés hydrauliques des argiles cuites. Enfin, l'université de Liège surveille leur bilan environnemental. »

Vicat investit dans la calcination. Les espoirs sont grands. Les ciments intégrant des argiles cuites pourraient abaisser de 35 à 50 % le bilan carbone par rapport à un ciment formé à 100 % de clinker (CEM I), soit un gain de 300 à 425 kg de CO2 par tonne de ciment. « Un ciment pourra être composé pour moitié d’argile calcinée, mais il n’aura pas les mêmes performances qu’un CEM I. Aussi faudra-t-il adapter les usages de ces nouveaux bétons », avertit André Lecomte.
Le cimentier Vicat, partenaire du projet, planifie d’ores et déjà la mise en service en 2023 d’une unité de calcination dans sa cimenterie de Xeuilley (Meurthe-et-Moselle). Laury BarnesDavin, directrice scientifique du groupe, explique que Vicat souhaite étudier en amont avec CO2 Redres « toutes les possibilités de valorisation des argiles issues de [son] réseau de 15 carrières dans le Grand Est ».