Jurisprudence

Un maître d’ouvrage condamné pour sa lenteur retardant la réalisation des travaux

Le comportement de l’entreprise, des sujétions imprévues bouleversant l’économie du contrat… peuvent venir perturber l’exécution d’un marché. Mais les difficultés peuvent aussi résulter de la lenteur de l’administration. C’est ce qu’illustre le Conseil d’Etat, par une décision dans la lignée de sa célèbre jurisprudence « Haute-Normandie ».

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La lenteur de l’administration peut rendre difficile l'exécution d'un marché public
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2013/06/05N°352917
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2017/11/09N°396892

Une administration condamnée pour sa lenteur. Et pas par n’importe qui, puisque c’est le Conseil d’Etat lui-même qui le confirme dans une décision rendue le 9 novembre. Dans cette affaire, un maître d’ouvrage a eu recours à une maîtrise d’ouvrage déléguée, pour la construction d’un bâtiment. Les travaux ont été réceptionnés avec retard. Mais considérant que ces retards n’étaient pas de leurs fautes, plusieurs entreprises ont saisi le tribunal administratif de la Martinique. Ce dernier a notamment condamné le maître d’ouvrage à verser diverses sommes à l’entreprise titulaire de certains lots et mandataire des groupements attributaires des autres lots.

La cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux avait, d’une part, confirmé la condamnation du maître d’ouvrage à verser à l’entreprise la somme de 210 731 €, correspondant à l’indemnisation de l’allongement du délai d’exécution du marché de deux mois (et au montant de la révision des prix) et, d’autre part, condamné le maître d’ouvrage délégué à garantir le maître d’ouvrage de la moitié des condamnations mises à sa charge.

Devant le Conseil d’Etat, plusieurs pourvois ont ainsi été formés respectivement par le maître d’ouvrage délégué à titre principal, et en réaction par le maître d’ouvrage et l’entreprise.

Pour trancher cette affaire, le Conseil d’Etat reprend son considérant de principe exposé dans son arrêt « Société Tonin » du 12 novembre 2015, qui venait lui-même compléter la jurisprudence dite « Haute-Normandie » (CE, 5 juin 2013, n°352917). Mouvement jurisprudentiel qui a mis fin au guichet unique de responsabilité du maître d’ouvrage en cas de mauvais déroulement d’un chantier.

Cette formule désormais célèbre énonce que : « Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics […]. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat reconnaît « qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le maître d’ouvrage ne contestait pas sérieusement l'existence de délais importants mis par la maîtrise d'œuvre pour valider l'ensemble des modifications du marché, ni la connaissance qu'il avait des difficultés résultant d'un circuit de validation des solutions techniques excessivement long ». Le Conseil d’Etat admet ainsi que la lenteur de l’administration peut porter préjudice dans l’exécution d’un marché public et constitue une faute sanctionnable.

Finalement la Haute Juridiction administrative décide de réduire de moitié la condamnation du maître d’ouvrage (évaluant le retard dû à son fait à un mois). Elle réduit également de moitié la somme servant d’assiette au calcul de la condamnation du maître d’ouvrage délégué à garantir le maître d’ouvrage, soit 105 365,5 euros.

CE, 9 novembre 2017, n°396892

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