Au sortir de la gare du RER Nanterre-Université, apparaît La Contemporaine, une institution centenaire créée à l'origine pour abriter les documents sur la Première Guerre mondiale réunis par des collectionneurs privés. Devenu depuis un centre documentaire dédié aux XXe et XXIe siècles, le nouveau bâtiment signé de l'architecte Bruno Gaudin comprend une bibliothèque, un pôle d'archives, des espaces muséographiques et de formation. Reflet de cette mixité programmatique, son volume découpé et multi-orienté dégage un aimable parvis et vient dessiner l'angle de la rue. Implanté à l'entrée du campus universitaire, il traduit la mutation d'un morceau de ville qui a émergé soixante ans plus tôt sur un ancien terrain d'aviation militaire, en plein boom de l'urbanisme fonctionnaliste.


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Dans ce paysage de parallélépipèdes en béton, l'emploi de la brique artisanale pour envelopper le bâtiment est symbolique d'une page qui se tourne. Selon l'argile choisie et le temps de cuisson, les briques présentent de nombreuses nuances ; leur surface est rugueuse, les assises irrégulières et les joints épais. A l'intérieur, le béton à l'état brut domine. Utilisé pour les murs, les plafonds et la structure, il apporte à La Contemporaine la quiétude d'un monastère. « Une bibliothèque est une institution qui doit avoir une force, une présence ; tout n'est pas dans tout », souligne Bruno Gaudin, faisant allusion aux learning centers. Ces nouvelles bibliothèques du XXIe siècle, nées avec la révolution numérique, ont bouleversé les usages de ce type d'équipements, les ont ouverts à d'autres fonctionnalités liées à la vie urbaine et ont désacralisé le rapport aux connaissances en diversifiant les supports et en favorisant la transdisciplinarité. Avec pour traduction architecturale des espaces flexibles dont les limites sont effacées. A côté des rayonnages, ils offrent ainsi des zones de détente, de rencontre, de jeu, de sieste…
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Double identité. La spécificité de La Contemporaine est d'introduire un programme de type learning center à l'intérieur d'un modèle de bibliothèque à l'ancienne, les trois entités - bibliothèque, centre de formation, musée - étant abritées dans des volumes bien distincts articulés par le hall. Cet espace spectaculaire, enjambé d'arches en béton, baigné d'une lumière zénithale et percé de petites ouvertures occultées par des moucharabiehs, est le point de départ d'une promenade architecturale corbuséenne selon le vœu de l'architecte. A commencer par la bibliothèque, située au rez-de-chaussée, une longue nef rythmée elle aussi d'arches en béton, dont les bas-côtés ménagent des espaces de travail en retrait. Au centre, les tables en bois sombre, équipées de lampes en acier prépatiné, créent une ambiance évoquant le site Richelieu de la Bibliothèque nationale (dont Bruno Gaudin a précédemment réhabilité les espaces d'accueil du public). Au bout de la nef, trois meubles-fichiers historiques témoignent de la vie anténumérique de La Contemporaine, lorsque chaque ouvrage avait sa fiche bristol à petits carreaux. La sérigraphie intégrée au vitrage triple épaisseur met à distance l'environnement urbain et laisse passer une lumière homogène qui crée une atmosphère vaporeuse.
En étage, la ville refait son apparition par les grandes ouvertures vitrées des salles de formation où les lycéens et les étudiants s'initient aux méthodes d'analyse des sources. Puis sa présence s'estompe à nouveau dans la grande salle d'exposition, par un dispositif d'alcôves en béton aménagées le long de la façade vitrée. Les collections étant constituées principalement de documents, l'espace y est habité par une succession de longues tables blanches équipées d'écrans, telles les paillasses d'un laboratoire.

