Passée de 37,6 % à 66,5 % entre 2012 et 2022, la part des énergies renouvelables et de récupération témoigne de la mutation en cours dans la production des réseaux de chaleur français. La Fédération de services Environnement (Fedene) anticipe la poursuite de cette trajectoire qui conduirait à un taux de 75 % en 2030.
30 Mds€ d’ici 2030
La performance impressionne d’autant plus qu’elle se produit dans un contexte de croissance trépidante de la production totale, annoncée le 7 novembre par la directrice générale de l’énergie et du climat à l’occasion de la présentation de l’étude annuelle de la Fedene et de l'association de collectivités Amorce : « De 30 TWh en 2022, la production des réseaux de chaleur doit atteindre 68 TWh en 2030 », espère Diane Simiu.
L’atteinte de cet objectif supposerait 30 Mds€ d’investissements, ce qui inspire un doute, compte tenu du retard dans l’exécution de l’actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028. Néanmoins, plusieurs voyants verts sans précédent entretiennent l’optimisme des exploitants des 946 réseaux de chaleurs recensés en 2022.
Dans l’existant comme dans le neuf
Pour l’existant, « le nombre de raccordements a connu une multiplication par trois à quatre, voire cinq, depuis la guerre en Ukraine », annonce Yann Rolland, président de Fedene Chaleur et froid. Le décret du 26 avril 2022, qui établit une cartographie des quartiers desservis, conjugue ses effets avec les aides financières de Maprimerénov. Un retournement d’images s’est produit : « Souvent, la pression pour les raccordements émane des locataires », constate Yann Rolland.
L’optimisation de l’existant s’ajoute à l’effervescence sur le neuf, en particulier dans les agglomérations de moins de 50 000 habitants visées par « une ville un réseau » : aux manettes de ce programme, l’Agence de la transition écologique (Ademe) recense 270 dossiers. Face à la surchauffe enregistrée par son fonds chaleur, le même établissement public a réorienté son budget en octobre, pour le porter à 595 M€ en 2023, au lieu d’une prévision initiale de 520. Le projet de loi de finances pour 2024 porterait la manne à 820 M€.
Contrepoids au tout électrique
« Avec 5 % de la chaleur distribuée, on part de loin », reconnaît Yann Rolland, rappelant le poids de l’électricité et du gaz de ville qui singularise la France, dans le paysage européen. Cette proportion pourrait selon lui passer à 15 à 20 %, sous l’effet combiné de l’amélioration de l’efficacité énergétique et des nouvelles infrastructures.
La position stratégique de ces derniers résulte en partie de leur capacité à desserrer la pression croissante qui s'exerce sur l’électricité, dans la trajectoire de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie en cours d’élaboration : les réseaux de Fedene Chaleur et Froid ne consomment pas d’électrons.
Appétit d’innovation
Avec une part de marché qui, au lieu de 25 %, passerait dans une fourchette de 30 à 40 %, la biomasse se taille la part du lion, dans les prévisions de l’organisation. Une grande incertitude plane toutefois sur cette filière : « Il y a un sujet de bouclage, dans l’évaluation de sa contribution à la transition énergétique », reconnaît Diane Simiu.
Les exploitants identifient un autre important gisement de croissance dans la chaleur fatale, ce qui suppose de franchir un mur d’assurabilité, compte tenu des doutes qui planent sur la pérennité des industries. La géothermie profonde et le solaire thermique figurent également parmi les sources d’avenir repérées par des professionnels friands d’innovations : « Des nouvelles solutions continueront à émerger », pronostique Yann Rolland.
Espoir venu du froid
Du point de vue des usages, ce dernier espère un boom du froid, qui ne compte aujourd’hui qu’une quarantaine d’applications, sur près de 1000 réseaux. Il en va selon de la cohérence des politiques de transition : « Stoppons les solutions individuelles qui consistent à réchauffer son voisinage, alors que nous apportons des réponses vertueuses à un besoin en pleine croissance », plaide le président.
Sur sa voie royale, la Fedene Chaleur et froid situe dans le facteur humain son frein principal : l’atteinte des objectifs de la France suppose un doublement des 60 000 salariés actuels.