Atrium climatique, façades différenciées en fonction des points cardinaux, capteurs solaires… Les fondamentaux du confort thermique sont presque tous réunis. A Chambéry (Savoie), les architectes Michel Rémon et Frédéric Nicolas érigeaient en 2013 pour l'Institut national de l'énergie solaire (Ines) un bâtiment consacré à l'innovation et la recherche, à la formation et à l'évaluation dans le domaine du solaire. Baptisé Hélios, l'édifice de 7 500 m² devait, au regard de sa destination, répondre à des exigences énergétiques considérables : des consommations annuelles inférieures à 27 kWh/m².an et l'utilisation de l'énergie solaire pour couvrir a minima 40 % de ses besoins.
D'où la décision du CEA Tech, direction de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), exploitant des lieux, de l'instrumenter entièrement en 2016 afin d'étudier son comportement. Sept ans après sa construction, le bâtiment continue à être étudié. « Ces mesures, que nous menons en continu et sur le long terme, alimentent les données et les projets de recherche afin d'innover en permanence », soutient Etienne Wurtz, directeur de la recherche, chef du service bâtiment et systèmes thermiques au département de l'énergie solaire du CEA.

Au total, près de 200 capteurs ont été installés sur l'édifice. « Une centaine pour les équipements de production et de distribution d'eau chaude et de chauffage, une trentaine sur quatre bureaux, autant sur les éléments de l'enveloppe, le reste réparti sur les systèmes de ventilation et la station météorologique, détaille Eric François, ingénieur chercheur au CEA. L'instrumentation comprend des capteurs de températures de l'air et des fluides caloporteurs, l'hygrométrie, la pression, les vitesses d'air, les débits, la pluviométrie, mais aussi de nombreux comptages d'énergie calorifique ou électrique, des fins de course (positions des ouvertures ou des vannes) ainsi que des retours de marche des équipements motorisés. » Etienne Wurtz complète : « A partir des schémas synoptiques des systèmes thermiques innovants instrumentés, nous faisons des modélisations que nous comparons avec les modèles de systèmes conventionnels et des cas idéals. » Les scientifiques peuvent alors étudier les interactions complexes entre l'enveloppe et les équipements énergétiques, comme la ventilation naturelle ou la stratification de la température, le tout en temps réel et en milieu occupé.
Identification d'écueils. C'est aussi de cette manière qu'ils ont pu analyser la performance thermique résultante et identifier d'éventuels écueils. « Selon les simulations thermiques dynamiques, une brise d'air frais devait s'engouffrer sous l'aile érigée en toiture pour rafraîchir l'atrium. Malheureusement, le vent est un élément capricieux qui ne se comporte pas toujours comme prévu par la théorie », explique le directeur de la recherche. Quant aux 280 m² de panneaux solaires thermiques en toiture, ils n'assurent que 10 % des besoins, trois fois moins que ce qui était attendu. Autre complication, les protections solaires orientables sont défectueuses, et la climatisation des laboratoires par Dessicant Cooling, une technologie alimentée par les mêmes capteurs solaires thermiques, n'a jamais fonctionné. Quant à la consommation annuelle - qui se limite pourtant à 72 kW/m².an -, elle est trois fois supérieure à celles envisagée initialement.
Pour Etienne Wurtz, « le projet reste une réussite où il fait bon vivre, mais il ne faut pas confondre fonctionnement, démonstration et innovation. Certaines solutions technologiques n'ont pas apporté les performances escomptées, certes, mais c'est là l'intérêt du retour d'expérience. » Innover, c'est aussi identifier les écueils pour mieux faire demain.