Travailler l'Histoire pour la prolonger

Tailleur de pierre -

En façonnant la matière brute, Cyrille Fourage redonne vie avec fidélité aux châteaux, églises et autres monuments historiques.

 

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Cyrille Fourage (à g.) et Geoffrey Pronnier, tailleurs de pierre chez TMH, participent actuellement à la restauration des tours de la cathédrale de Bayonne.

Malgré ses trente ans dans la taille de pierre, la passion de Cyrille Fourage reste intacte. « J'ai déjà changé 24 marches d'un escalier du XIe siècle », s'enthousiasme-t-il. Il a sillonné la France et manipulé tout type de pierre : « C'est comme le fromage, chaque région a sa spécialité. » Le grès et le calcaire de Chauvigny restent ses préférées, « une bonne dureté qui permet de faire des choses fines ». Le granit l'émeut moins, « physiquement, c'est très dur ».

TMH

  • Activité : restauration de monuments historiques et du patrimoine ancien depuis 1951.
  • CA 2021 : 7 M€.
  • Effectif global : 75 salariés.

Chez TMH - l'entreprise de Villenave-d'Ornon (Gironde) dans laquelle il travaille depuis trois ans - , Cyrille Fourage fait l'appareillage avant de se saisir du taillant et des ciseaux. Il scrute le bâtiment, repère les pierres à changer, les mesure et note leurs spécificités. Il réalise ensuite le dessin qui sera fourni à l'atelier où les pierres seront débitées et taillées. Une fois sur le chantier, les maçons les posent, en laissant des réservations pour les sculpteurs. Qui ne sont pas des tailleurs de pierre… Confusion qu'il a faite à ses débuts, comme souvent les candidats au métier.

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Reproduire l'existant. « Si j'ai bien fait mon travail, les pierres neuves remplacent parfaitement les anciennes », explique le professionnel. Une ambition qui nécessite de conserver l'aspect de taille en reproduisant les marques observées sur les pierres initiales, vieillissement ou marques d'outils qui diffèrent selon les époques. Sur la cathédrale de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), chantier actuellement mené par TMH, deux périodes se distinguent. « Au XVIe siècle, il y a eu une première campagne de restauration où le grès a été remplacé par une pierre calcaire avec des coups d'outils spécifiques. Une deuxième a eu lieu au XIXe siècle avec l'utilisation d'une pierre layée [NDLR : à l'aspect strié] », détaille-t-il.

« Nous n'avons pas à être créatifs, surtout dans le monument historique, nous devons reproduire ce qui a déjà été fait [NDLR : selon la Charte de Venise], quitte à se mettre parfois dans la peau de ceux qui nous ont précédés lorsque la pierre est trop abîmée », précise Cyrille Fourage. A l'occasion, il lui arrive de pouvoir suivre ses prédécesseurs à la trace. « J'ai retrouvé des marques de tâcheron laissées pour se faire payer son travail. Dans le Gers, j'ai observé sur deux chantiers d'églises du XIIe siècle la même marque à 50 km de distance… » Le patrimoine est une facette spécifique du secteur de la construction où « la qualité du travail, pour la restauration d'une cathédrale ou d'une église, primera toujours. Le délai ne compte pas autant que dans le BTP », estime Alain Iviglia, gérant de TMH.

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Tailler au pied du chantier. Avant son arrivée à TMH, Cyrille Fourage a longtemps travaillé en atelier où il réalisait la taille et le débit. Il a ensuite découvert le chantier qui mêle maçonnerie et taille pour débarrasser les pierres de leur « gras ». « Tailler le caillou à l'air libre sur place, c'est l'idéal. » Ce qui n'est pas le cas à la cathédrale de Bayonne, compte tenu du bruit et de la poussière générés…

La diversité qu'offre ce métier plaît à Cyrille. « J'ai même découvert le métier de maçon. J'ai apprécié de poser des pierres. On voit le travail fini. » Un plaisir quotidien, que ce touche-à-tout continue d'éprouver à trois ans de la retraite. Et qu'il essaie de partager. « J'ai travaillé avec un jeune qui a taillé un appui du XVIe pour la cathédrale de Bayonne. Je lui ai envoyé une photo de la pierre posée. Il était ravi. C'est ce qui manque dans un atelier. J'y ai passé dix ans sans savoir où les pierres partaient. » Le sentiment de participer à quelque chose de grand prend formeau pied de l'édifice.

Si son métier requiert rigueur, minutie, résistance physique et goût pour le dessin et la géométrie, il nécessite également une bonne dose de curiosité. « On apprend la géologie, l'histoire, l'histoire de l'art, l'extraction de la pierre… » Un savoir-faire et une passion qu'il aurait aimé transmettre à davantage de jeunes avant de partir.

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