Dans son rapport sur « La situation des transports en 1996 », le Conseil national des transports (CNT) constate « avec inquiétude, la stagnation globale des transports publics, tant dans les transports urbains de province et d'Ile-de-France, que dans les transports routiers interurbains et les services ferroviaires régionaux ».
Ce phénomène (voir tableau), déjà pointé l'an dernier par l'Union des transports publics (UTP), prolonge une tendance perceptible sur plusieurs années. Cette désaffection du public se produit, « en dépit de l'accroissement de l'offre et des efforts de qualité et d'accessibilité des transports », notent les rapporteurs.
Un bémol cependant : les lignes en site propre, surtout les plus récentes (Saint-Denis/Bobigny, Toulouse, etc), et les réseaux qui ont mis l'accent « sur la qualité sous toutes ses formes », obtiennent de bien meilleurs résultats que les autres.
Une évolution de coût à l'avantage de l'automobile
Bien sûr, les causes de cette désaffection des Français pour les transports publics n'échappent pas au contexte social et économique : la montée du chômage, la délocalisation des emplois en périphérie des agglomérations, le développement de la voiture, le mitage urbain... et il est vrai que de nombreux conflits sociaux ont marqué l'année 1996. Mais des explications plus endogènes existent.
En effet, la stagnation de la fréquentation des réseaux, en 1996, s'est produite alors même que le trafic opéré en voiture particulière (1) ne progressait que de 1,5 %, un des taux les plus faibles des dernières années. Le CNT relève qu'alors que le coût d'usage (en francs constants) des transports collectifs a progressé de 21 % entre 1975 et 1990, tandis que, dans le même temps, celui de la voiture baissait de 2 % pour l'achat d'un véhicule et de 4 % pour l'essence (source Insee).
A Paris, alors que le métro totalisait, voici quelque 25 ans, les deux tiers du trafic de la RATP, sa part est passée à 50 % ces dernières années (-6,7 % en 1996), alors même que le trafic global de la RATP progressait, dans le même temps, de 27,3 %. Certes, la capitale s'est vidée de ses emplois industriels au profit de la banlieue. Mais le trafic RER, opéré par la RATP, a tout de même chuté de 3,6 %.
Les problèmes d'insécurité et de fraude - soit un coût de 650 millions de francs, c'est-à-dire l'équivalent de 500 autobus neufs pour la RATP et 300 millions à la SNCF - dans le métro expliquent en grande partie ces pertes de trafic, alors que la fréquentation des bus est à la hausse, d'où la relance du réseau de surface avec le plan « Bus 2000 ». Ainsi, « le métro est un lieu clos où les voyageurs sont sollicités par des quêteurs, en moyenne 3,2 fois en 30 minutes (contre une fois en 1990) », souligne le rapport.
Enfin, les auteurs n'hésitent pas à mettre le doigt sur la tarification : « On peut s'interroger sur les limites des hausses tarifaires en Ile-de-France, souvent supérieures au coût de l'inflation et à la progression du coût de la voiture. Arrive-t-on au point où certaines hausses tarifaires rapportent moins que ne coûte la fuite de la clientèle ? », s'interrogent les spécialistes du CNT, chiffres de fréquentation à la main (+ 5,1 % par exemple pour le réseau SNCF banlieue, mais -4 % après correction de l'effet de la grève de décembre 1995). Conséquence : une chute des abonnements entre 1994 et 1996 (-5,5 %, soit 100 000 clients perdus pour la carte orange, notamment dans les zones 1 à 3).
(1) Le parc français est de 25,2 millions de véhicules, la voiture représentant 84 % du total des déplacements l'an dernier.
TABLEAU
Alors que le trafic effectué en voiture reste orienté à la hausse, les trafics en transports collectifs stagnent, voire régressent. Des mesures radicales devraient être prises pour inverser cette tendance.
TABLEAU :DES DISPARITES MODALES (Evolution globale des trafics intérieurs, en voyageurs-km SELON LES Catégories de transport DE1993 A1996)
