La gestion et l’utilisation des données fait actuellement l’objet de plusieurs textes d’encadrement aussi bien au niveau européen – un règlement sur la protection des données devrait arriver dans quelques semaines – que français (loi de transition énergétique, loi sur le numérique). Avec l’arrivée des compteurs communicants aussi bien dans le gaz (Gazpar) que dans l’électricité (Linky), le législateur doit établir des règles pour protéger le consommateur mais aussi permettre l’utilisation des données pour favoriser la transition énergétique. Dans le secteur de l’électricité, l’Union française de l’électricité (UFE) a décidé de mettre le sujet sur la table avec la publication d’un rapport « Données énergétiques : nouvel eldorado économique ? » (cf. encadré) et l’organisation d’un colloque le 12 avril dernier.
« L’énergie est un nouveau terrain de jeu pour le big data, a estimé Yann Bonnet, secrétaire général du Conseil National du Numérique (CNNum) en ouverture de la conférence. L’essor du numérique représente une opportunité mais aussi des risques. Le compteur Linky est un projet important pour faire rentrer ERDF dans le big data. »
Un enjeu bien perçu par le gestionnaire du réseau de distribution qui a déjà ouvert un portail open data avec 16 jeux de données disponibles. « Nous passons de la gestion d’infrastructures à la gestion d’un système, afin de créer sur les territoires les conditions du succès de la COP21 et de la transition énergétique », a souligné Philippe Monloubou, président du directoire d’ERDF. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a fait de même.
L’article 179 de la loi de transition énergétique confie comme mission aux gestionnaires de réseau de mettre à disposition des personnes publiques et en particulier des collectivités territoriales des données de consommation et de production issues des systèmes de comptage. Les projets de décret et d’arrêté relatifs à cette mise à disposition de données relatives au transport, à la consommation et production d’électricité, de gaz naturel et de biogaz, de produits pétroliers, de chaleur et de froid sont en cours de consultation depuis cette semaine.
Mise à disposition des données d’un logement : l’accord de l’habitant est requis
Mais les collectivités ne sont pas les seules à s’intéresser aux données, les fournisseurs d’énergie souhaitent également profiter de la mise à disposition de ces données pour proposer de nouvelles offres. Mais voilà, un écueil se dresse sur leur chemin d’après Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Energie : la mise à disposition des données d’un logement nécessitera l’accord du consommateur. « Si ERDF n’a pas le consentement des consommateurs alors nous n’aurons pas accès aux courbes de charges, a vivement regretté Fabien Choné. Pourtant, cette information nous permettrait d’optimiser nos offres. »
Il préconise le retrait de cette mesure « dans l’intérêt collectif ». Un avis loin d’être partagé par d’autres participants à la conférence.
« On ne peut pas faire le bonheur des gens malgré eux à partir du moment où la courbe de charges est considérée comme une donnée personnelle, a réagi Yann Padova, commissaire à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et ancien secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Nous ne pouvons pas collecter les données à l’insu des personnes. »
Justement, Virginie Schwarz, directrice de l’Énergie à la DGEC, a notamment indiqué comme point de vigilance du gouvernement le fait d’assurer aux consommateurs que leurs données seront bien protégées. Une nécessité selon Françoise Thiebault, secrétaire générale des Associations familiales laïques de Paris qui représentent les consommateurs.
« La question de la transparence des données va permettre de faire adhérer ou non les consommateurs à ce qui se passe, a-t-elle considéré. Ayons l’honnêteté de dire qu’on n’agit pas seulement pour le bien du consommateur, mais qu’il s’agit aussi d’un marché. Le marché des services liés aux compteurs communicants est un marché émergent et les fournisseurs sont tous concurrents. Il faut que le consommateur y gagne lui aussi. »
Cet article est extrait d'Enerpresse