« Si les choses restent en l’état, je ne vois pas comment nous allons y arriver. Aujourd’hui, il n’y a ni plan d’ensemble ni moyens », déplore Bruno Cavagné au moment d’évoquer la transition écologique des infrastructures et, plus généralement, l’objectif de décarbonation fixé par la SNBC.
Pour le président de la fédération nationale des travaux publics les données du problème sont pourtant claires. Elles ont été posées par un rapport du cabinet de conseil Carbone 4 : transformer les ouvrages liés à la mobilité, et dont l’usage contribue à hauteur de 50% à l’empreinte carbone de la France (3,5% pour leur seule construction), suppose d’investir annuellement entre 16,2 milliards et 29,9 milliards d’euros.
Décarbonation : le gouvernement encore loin du compte
Ces deux montants constituent d’un côté le choix d’un modèle de sobriété, fait d’une réduction de nos usages, de nos consommations d’énergie… et, de l’autre, un modèle de croissance décarboné fondé sur l’innovation.
Or, où que l’on décide de placer le curseur entre ces deux scénarios, l’enjeu immédiat reste pour la FNTP de dégager dès maintenant les moyens de financement et de les sanctuariser. Un objectif que l’exécutif n’a toujours pas atteint selon Bruno Cavagné : « Le gouvernement parle beaucoup de sobriété et de court terme, mais peine à se projeter à plus longue échéance ». Et lorsqu’il s’y essaie, le compte n’y est toujours pas. Le fonds vert ? « Avec 1,5 milliard d’euros annoncés nous sommes bien loin des investissements nécessaires », renchérit Bruno Cavagné avant d’être rejoint par le directeur général de la fédération Julien Guez : « En réalité, il y a très peu d’argent frais dans ce fonds qui tient davantage du redéploiement budgétaire ».
Des véhicules de financement adaptés au temps de la transition
Pour l’organisation professionnelle, le lancement, la conduite et la mise en cohérence de la transition écologique passera par des véhicules de financements qui la prémunissent des arbitrages annuelsnationaux.
Aux côtés d’un recours au modèle concessif et donc de l’usage de capitaux privés en complément des moyens publics, la fédération plaide principalement pour le développement de sociétés de projets régionales, dotées des recettes sécurisées. « Pensez-vous que le Grand Paris aurait pu être mené s’il avait fallu en rediscuter constamment ? Si l’avenir de tels projets est soumis au PLF, ça devient vite l’enfer ! », résume Bruno Cavagné.
D’où la demande de la fédération que « le projet de loi Energie-Climat en cours de préparation permette une ambitieuse planification des investissements pour l’ensemble des infrastructures, avec la reconnaissance d’outils de financement qui ont montré leur efficacité, tels que les sociétés de projet, à l’instar de la Société du Grand Paris, de celle du Canal Seine Nord Europe et bientôt du GPSO. »
Dotation et inflation : le danger immédiat
Cette vision de long terme appelée de ses vœux par la FNTP n’empêche pas cette dernière de pointer les dangers immédiats qui pèsent sur le secteur des travaux publics comme un projet de loi de finances pour 2023 qui n’intégrerait pas suffisamment les conséquences de l’inflation pour les collectivités. Elle demande que le gouvernement s’engage « a minima à indexer les dotations sur l’inflation pour les années à venir, afin de redonner de la visibilité aux élus sur leurs recettes », rappelant que la baisse de 10 Mds d’euros des dotations globales de fonctionnement entre 2013 et 2016 avait conduit à un repli de l’investissement local d’environ 20% équivalent à celui de l’activité dans les TP.