Pour être indemnisables au titre de la théorie des sujétions imprévues, les difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution du marché doivent avoir un caractère exceptionnel et imprévisible au stade de la conclusion du contrat. De plus, la cause de ces complications doit être extérieure aux parties, c’est-à-dire ne pas être du fait de l’un des cocontractants. La réunion de ces conditions doit impérativement être vérifiée par le juge, rappelle le Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 février.
En l’espèce, l'établissement public Voies navigables de France (VNF) avait confié à un groupement d’entreprises un marché ayant pour objet la construction d'une digue fluvio-maritime. Contractuellement, ces travaux devaient partiellement être réalisés par récupération de matériaux constituant des ouvrages existants et à démolir. Or la composition réelle des digues à démanteler différait des spécifications techniques détaillées dans le dossier de consultation.
Le Conseil d’Etat a partiellement annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel (CAA). Motif : elle avait accordé une indemnisation pour sujétions imprévues au titre du surcoût de démolition des digues existantes sans rechercher si les conditions susmentionnées étaient réunies, se bornant à constater que le groupement d’entreprises avait « dû faire face à des contraintes d’exécution imprévues ».
S’agissant en revanche de l’indemnisation des surcoûts liés aux difficultés d'extraction des matériaux, la CAA s’est fondée sur la faute commise par le maître d'ouvrage en délivrant, dans le dossier de la consultation, des informations erronées ou incomplètes - et non sur l'existence de sujétions imprévues. Elle n’avait donc pas à vérifier si les difficultés d’extraction étaient imprévisibles et extérieures aux parties, et n’a donc pas commis d’erreur de droit sur ce point, énonce le Conseil d’Etat.
En effet, la personne publique ayant fourni des éléments techniques erronés ou manifestement incomplets se verra sanctionnée. Cette faute ne pourra être imputable à l’entrepreneur et aura des conséquences financières pour le pouvoir adjudicateur.
Pour consulter l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 février 2013, n°357016, cliquez ici