Les projets de redécouverte de rivières sont-ils nombreux ?
Pour notre bureau d'études qui travaille sur la restauration des milieux aquatiques depuis près de trente ans, je ne dirais pas qu'ils sont nombreux. Sur quelque 350 à 400 appels d'offres par an qui entrent dans notre champ de compétences, seulement deux à quatre doivent porter sur des remises à ciel ouvert.
Mais la demande est devenue régulière. Quand, au siècle passé, l'ingénierie entendait maîtriser les milieux naturels, et notamment les cours d'eau, nous commençons enfin à travailler avec et pour la nature.
Pourquoi un tel changement de vision ?
Nous avons pris conscience des limites de cette organisation de « tuyaux ». Pour nombre d'aménagements hydrauliques, le gabarit, qui avait été dimensionné à un temps T, n'était plus valable à T + 1. L'urbanisation et l'imperméabilisation des sols qu'elle a entraînée ont démultiplié les quantités d'eau de pluie collectées, accéléré le transit des eaux d'orages et enfin nourri les pics de crue. Cette logique est donc devenue inopérante, surtout à l'heure où la trajectoire climatique flatte les événements exceptionnels.
Par ailleurs, la majorité de ces ouvrages, réalisée entre les années 1945 et 1975, a vieilli, voire s'est dégradée.
Ainsi, à Romans-sur-Isère (Drôme), des fissures et des affaissements ont été détectés sur les parois du cadre en béton où coule la Savasse.
Le risque d'effondrement de l'ouvrage était réel. Plutôt que de le restaurer, la municipalité a décidé de redécouvrir la rivière. Les deux options présentaient des coûts peut-être équivalents, mais les remises à l'état naturel des cours d'eau sont particulièrement soutenues, notamment par les agences de l'eau. Ces aides financières qui accompagnent une législation volontariste, ajoutées à une meilleure connaissance du fonctionnement morpho-écologique des cours d'eau, nous invitent à avoir de l'ambition.
Les chantiers, aussi, sont devenus plus ambitieux…
Les opérations ont changé d'échelle : dans les années 1990, elles portaient sur des rivières et des ruisseaux de débits mesurés.
Désormais, nous travaillons sur des cours d'eau de puissance plus importante, et sur des emprises plus vastes.
Ces projets nécessitent des interventions de terrassement de plus grande ampleur. Le monde des travaux publics peut ainsi se positionner sur des projets vertueux et rentables.