Le montant total de la taxe professionnelle (TP), un des quatre impôts directs locaux perçus par les collectivités territoriales en France, équivaut selon le ministère de l'Economie à 30 milliards d'euros. Un impôt qui représente près de 50 % des ressources des départements et des régions et près de 80 % des recettes des agglomérations et de l'intercommunalité. Autant dire que l'annonce de sa suppression, même partielle, par Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée du 5 février dernier a fait l'effet d'une petite bombe.
Premiers à réagir évidemment, les élus locaux, dont les associations ont réclamé *, dès le vendredi suivant l’annonce présidentielle, l'ouverture immédiate de négociations en vue d'une réforme globale de la fiscalité locale et l’attribution d'une ressource de substitution qui respecte leur autonomie fiscale, et qui maintienne un lien fiscal entre entreprises et territoires et une cohérence d'ensemble des réformes territoriale et fiscale. Au plan national certains voient carrément dans cette suppression une mesure "anti-relance". "Tous les élus que nous avons vus ce week-end nous ont dit qu'ils n'allaient pas engager les travaux prévus car ils n'ont pas de sécurité", s’est alarmé le vice-président du groupe PS à l'Assemblée Nationale, François Brottes. "On va bloquer des chantiers alors qu'il est nécessaire de relancer travaux et infrastructures."
Les entreprises de BTP dans l’expectative
Une inquiétude que ne partage pas Patrick Bernasconi. Interrogé mercredi matin sur BFM, le président de la FNTP se dit persuadé que "2009 et 2010 vont fonctionner avec l'ancien système. Et donc il n'y a pas de raison de s'arrêter dans l'investissement. Les projets sont là." Mais à plus long terme, les entreprises de travaux publics se retrouvent face à un dilemme : payer moins d'impôts à ceux qui avec cet argent sont censés les employer... "Les collectivités locales ont un vrai lien avec l'économie : s'occuper des chefs d'entreprises et à faire en sorte qu'ils aient les moyens d'exercer leur métier", réaffirme Patrick Bernasconi. Et de renvoyer la balle dans le camp du gouvernement. "Mais il faut que les collectivités locales gardent les clés de l'investissement ! Demain si vous voulez prendre en compte les problèmes de mobilité les problèmes d'environnement ce sont les collectivités locales qui vont porter ces grands enjeux d'économie d'énergie et de mobilité. Faisons attention à ces deux écueils et revoyons une vraie fiscalité des collectivités locales."
De manière générale, les entreprises de BTP ne savent pas s’ils doivent totalement se réjouir de la suppression d’une taxe pourtant importante.
Pour Patrick Liébus, premier vice-président de la Capeb, c’est évidemment « un grand oui » mais, tempère-t-il "à condition que la suppression soit globale". En effet la suppression partielle portant uniquement sur les seuls outils de production concernerait selon lui "uniquement les grosses entreprises et aurait un impact relatif sur nos PME de l’artisanat et du bâtiment. Pour l’instant, je reste observateur, dans l’attente d’explication !", conclut-il.
Pour relancer l'industrie, le gouvernement fait le calcul suivant : à l'heure actuelle avec la TP 24,8 milliards pèsent sur les entreprises, et le reste sur l'Etat. La suppression de la taxe sur la totalité des investissements productifs annoncée par Nicolas Sarkozy correspond à un allégement d'environ 11,4 milliards de la charge des entreprises, soit 8 milliards une fois pris en compte l'impôt sur les sociétés. Les entreprises devront cependant toujours s'acquitter des taxes assises sur des valeurs foncières. "Cette suppression de la base investissement c’est une bonne chose. Et on applaudit cette idée. Mais on parle de la compenser. Avec quoi ?", s’interroge Didier Ridoret, président de la FFB. "En tout état de cause si il devait y avoir une nouvelle taxe, nous demandons évidemment un plancher. Attention à ne pas nous retrouver à payer demain la même chose mais sous une forme différente !"
Matignon a d’ores et déjà annoncé que les modalités de cette compensation seront arrêtées après la remise des propositions du comité Balladur sur la simplification territoriale. Nicolas Sarkozy lui ne s'est pas trop avancé lors de son intervention. "Je vais engager un ensemble de discussions avec des associations d'élus locaux. Il y a des possibilités autour de la taxe carbone notamment. Nous verrons" a-t-il dit.
Vos réactions, vos points de vue, écrivez nous : mailto:courrier@groupemoniteur.fr