Taxe d'habitation : le gouvernement rétropédale encore

Deux jours après avoir évoqué un maintien de la taxe d'habitation pour les 20% de foyers les plus aisés, le gouvernement a cette fois assuré le 8 janvier vouloir aller "au bout" de sa réforme en supprimant complètement cet impôt. De quoi alimenter le flou sur sa stratégie fiscale.

Bruno Le Maire, sur le plateau du Grand Rendez-vous Europe 1-CNews-Les Echos.
Sur le plateau du Grand Rendez-vous Europe 1-CNews-Les Echos, Bruno Le Maire avait laissé entendre que l'exécutif pourrait maintenir la taxe d'habitation pour les 20% de foyers les plus aisés. Propos qu'il a démentis deux jours plus tard.

Les 20% des Français les plus aisés paieront-ils encore la taxe d'habitation sur leur résidence principale à la fin du quinquennat ? Ou seront-ils exemptés de cet impôt, comme les 80% de ménages les moins aisés ? Difficile de suivre le gouvernement sur cette question, tant les déclarations de ses membres se contredisent d'un jour à l'autre.

En effet, lors d'un colloque à Bercy consacré à l'économie verte, le 8 janvier, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a tenté de "clarifier" sa position exprimée deux jours plus tôt. Il a estimé que ses propos lors du "Grand Rendez-vous" Europe1 - CNews - Les Echos avaient été "mal compris".

"J'ai redit dimanche qu'il fallait aller au bout de la suppression de la taxe d'habitation", a déclaré le ministre, évoquant un impôt "injuste". "Cela n'interdit pas que ce sujet fasse partie du débat que nous aurons sur la fiscalité. Nous n'allons pas décider à l'avance de son issue", a ajouté sur Twitter le locataire de Bercy.

Question soumise au grand débat national

Le 6 janvier, le ministre avait laissé entendre que l'exécutif pourrait revoir sa copie concernant la taxe d'habitation. Et choisir finalement de la maintenir pour les résidences principales des 20% de foyers les plus aisés si la demande était formulée lors du grand débat national. "Si nous répondons non à chaque demande des Français, que nous ne sommes pas capables d'écouter la demande de justice, nous ne réussirons pas le grand débat, qui doit s'ouvrir dans les prochaines semaines", avait-il expliqué.

Cette position avait été appuyée dès le lendemain par plusieurs membres du gouvernement. "Certains ont de gros revenus et de grosses habitations. Peut-être qu'on pourrait imaginer qu'il ne serait pas juste de les exclure", avait ainsi convenu le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin. La possibilité de maintenir la taxe d'habitation pour les Français les plus aisés "est sur la table", avait encore indiqué le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, rappelant que la promesse initiale de la majorité était de "la supprimer pour 80% des ménages".

Casse-tête

Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait en effet promis de supprimer la taxe d'habitation pour 80% des ménages, à raison de trois tranches successives entre 2018 et 2020, pourun coût total de près de 10 Mds€. Mais pour éviter de voir sa réforme retoquée par le Conseil constitutionnel, attaché au principe d'"égalité devant l'impôt", le chef de l'Etat avait finalement annoncé l'extension de cette mesure à l'ensemble des Français, pour un coût supplémentaire de 7Mds€. "Si la taxe d'habitation n'est pas un bon impôt pour 80% des Français, il y a peu de chances qu'elle le soit pour les 20% restants", avait-il justifié, en annonçant une refonte de la fiscalité locale pour compenser le manque à gagner pour les collectivités locales.

Mais le mouvement des gilets jaunes, en relançant le débat sur la politique fiscale du gouvernement, jugée trop favorable aux plus aisés, est venu perturber la stratégie de Bercy. Le gouvernement se trouve depuis confronté à un véritable casse-tête. "A l'origine, la suppression de la taxe d'habitation était ciblée sur les classes moyennes. Mais avec l'extension de la réforme, les principaux bénéficiaires seront les Français les plus aisés", rappelle Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.

Problème budgétaire

Autre problème: la contrainte budgétaire née des annonces faites face au mouvement des gilets jaunes. A commencer par l'abandon de la hausse de la taxe carbone, censée rapporter 4Mds€ en 2019 et 10 Mds€ par an en fin de quinquennat. "Il y a un vrai problème budgétaire, qui va obliger le gouvernement à trouver des solutions" pour respecter ses objectifs de déficit public, rappelle l'économiste. Et cela d'autant plus "que la croissance est plus faible qu'attendu", ajoute-t-il.

Mais revenir sur les promesses du chef de l'Etat vis-à-vis des 20% de Français les plus aisés est délicat. D'autant que ces derniers, fortement mis à contribution par la politique fiscale de l'exécutif depuis 2008 juge l'OFCE, constituent "en partie l'électorat" de la majorité, souligne le chercheur.

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