«Même s'il n'existe que peu de chiffres exploitables, ce marché est en pleine progression ! » Hella Joudi, directrice marketing de Salmson, croit en l'avenir des gestionnaires d'eaux de pluie. Et la plupart des industriels du secteur partagent son enthousiasme, même s'il est parfois tempéré : « La crise est arrivée au moment même où le mouvement se lançait, regrette Jean-François Goulet, Dg de Wilo France. Mais la demande existe ». Du coup, les fabricants sont très actifs, d'autant que le segment est à plus forte valeur ajoutée que la simple récupération d'eaux pluviales pour l'arrosage du jardin. De plus, comme le note le dirigeant de Wilo, « l'offre se structure autour d'acteurs déjà présents et quasiment aucune proposition low cost n'est sur le marché ». La communication sur les gestionnaires et leurs avantages devrait donc s'intensifier. « Il nous faut développer un discours commercial et pas seulement technique, souligne Hella Joudi. Dans les bâtiments collectifs, la notion de réduction des charges liées à la consommation d'eau est un argument fort pour le client. Pour les particuliers, l'un des avantages principaux reste le crédit d'impôt de 25 % sur l'équipement. » Un effort d'autant plus nécessaire que les industriels croient peu à l'impact de ce crédit d'impôt sur leur créneau. « Même si ce mécanisme a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2012, nous nous attendons à un effet très limité », confirme Christophe Colette, directeur commercial de Plast'Eau. Les industriels s'investissent en revanche énormément sur la future norme ; la sécurité des installations étant l'un des enjeux majeurs. « De nombreuses personnes sont encore réticentes à recourir à l'eau de pluie pour les usages internes au bâtiment, note Hella Joudi. La norme va aider à clarifier le cadre professionnel. »
Depuis un an, le groupe de travail de l'Afnor qu'anime Arnaud Gaudrier s'emploie à fixer un maximum de détails sur la récupération, le stockage et l'utilisation des eaux de pluie. Les points clés pour les usages intérieurs se concentrent notamment sur la disconnexion entre réseaux d'eaux potable et de pluie, le type de tuyauterie, les procédés de prétraitement pour le lavage du linge, sur les pompes, etc. Pour cette norme, le grand défi sera de faciliter et fiabiliser le travail des installateurs.
Simplifier l'installation
« Notre priorité est de simplifier la pose des gestionnaires en proposant de systèmes " plug and play " », souligne Quentin D'Hérouël, chef produits chez Salmson. Aussi la marque a-t-elle développé Récupéo : un gestionnaire « tout en un » avec pompe auto-amorçante, coffret de commande, automatisme de démarrage, système de disconnexion entre le réseau d'eau de pluie et celui d'eau potable, et réservoir tampon. « L'artisan a tout sous la main. Il n'a pas besoin de " composer " son installation, précise Quentin D'Hérouël. Nous répondons ainsi à la préoccupation grandissante des entreprises voulant gagner du temps et être plus efficaces. D'ailleurs, la notice de ce gestionnaire est extrêmement visuelle. L'artisan voit en un coup d'œil les " règles d'or " de son installation. » Cette démarche vers l'installateur est suivie par quasiment tous les constructeurs. Chez Plast'Eau, c'est le bureau d'études qui calcule les paramètres de chaque installation. « Nous avons développé en interne un logiciel qui réalise toutes les préconisations », précise Christophe Colette. Quant à Wilo, le groupe a adapté son offre - conçue à l'origine pour le marché allemand - avec « une gamme plus courte et simple ». Surtout, l'entreprise accompagne au maximum les installateurs pour la vente et la mise en œuvre des produits. « Nous proposons par exemple une assistance technique lors de la mise en route du gestionnaire », précise le Dg de Wilo. De plus, l'industriel va développer un réseau de clients dénommé Xpert Wilo. Avec un programme de formations qui débutera courant 2010 au siège de l'entreprise à Bois d'Arcy (78). Car la récupération et la gestion des eaux de pluie bousculent les frontières entre les différents métiers et obligent les poseurs à être experts dans de nombreux domaines : couverture, terrassement, électromécanique, plomberie, etc. Les fabricants doivent donc s'adresser à toutes ces professions. Ainsi les industriels du cuvelage - plutôt en contact avec les terrassiers et paysagistes, - sont-ils particulièrement à l'affût de gestionnaires simples à poser. Bonna Sabla Nive, par exemple, propose des solutions de kits, « parfaitement compatibles » avec ses cuves. « À partir de deux données de base - l'éloignement de la cuve (jusqu'à 12,5 m) et la hauteur maximale de dénivelé à ne pas dépasser pour la pression -, le kit regroupe tous les éléments nécessaires à l'installation, » note Luc Lary, le chef produits.
Des systèmes intégrés
Ce mouvement convergent entre les fabricants de pompes et de cuves est d'ailleurs l'une des principales tendances. « Le marché tend à se diviser en deux parties, selon Jean-François Goulet. Celle des négociants et artisans auxquels nous vendons une offre Wilo standard ; celle qui émerge et voit l'intégration de nos produits par des vendeurs de cuves, comme Sotralenz ou Kipopluie. » Une offre couplée qui cible notamment les grands projets immobiliers. « Le mouvement d'intégration " cuve gestionnaire " est un élément fort du marché en ce moment, confirme Julien Lefèvre, chef de marché chez Salmson. En développant des cuves de 3 000 à 10 000 l, nous pouvons répondre seuls au lot d'eau froide, voire - avec les autres produits de Salmson - prendre en main toute la gestion de l'eau froide et chaude. » D'autant que peu de fabricants voient, dans le marché du résidentiel individuel, l'avenir du secteur. « Nous nous orientons vers le collectif et le tertiaire », confirme Christophe Colette. Sur le salon Interclima, début février, Salmson lancera deux nouveaux gestionnaires pour le petit collectif et le secteur industriel. « Sur ces segments, les produits doivent être adaptés car les besoins sont plus importants avec des débits plus élevés», décrypte Quentin D'Hérouël (Salmson). Ces gestionnaires vont fonctionner sur deux pompes et offrir des solutions plus flexibles qu'en résidentiel individuel, mais toujours sur le principe d'une installation plug and play. «Je ne crois pas trop à la bonne volonté individuelle pour vraiment faire décoller ce marché, conclut Luc Lary. Ce sont le tertiaire et le collectif et, parfois, le privé - sous la pression des réglementations, et notamment celles des collectivités locales - qui dynamiseront le créneau de la récupération et de la gestion des eaux de pluie.» Déjà, en Seine-Maritime, près d'une quarantaine de communes ont mis en place des PLU imposant la récupération des eaux de pluie sur toutes les parcelles privées.
Paru dans Négoce du 18/01/2010