L’autopromotion arrive en France par Strasbourg. Les 19 et 21 novembre, les premières « rencontres nationales de l’habitat participatif » donneront une visibilité à cette nouvelle manière de produire des logements collectifs, sans l’intermédiaire d’une maîtrise d’ouvrage professionnelle. Sur un terreau local où la volonté politique rencontre un mouvement social en phase d’expansion, ces rencontres clôtureront la semaine du « forum des écoquartiers », orchestré par la ville de Strasbourg pour stimuler l’appropriation collective des enjeux de l’écologie urbaine.
Essaimage en cours
Les rencontres nationales et le forum coïncident avec l’inauguration du premier immeuble français d’autopromotion, construit dans le quartier de Neudorf à l’initiative de 11 foyers réunis dans le collectif Eco-Logis (voir pages précédentes l’interview de son porte-parole Bruno Parasote). L’essaimage de cette première réalisation commence : avec le soutien du CAUE du Bas-Rhin, l’association Eco-quartiers a suscité plusieurs autres groupes candidats à une aventure similaire. Sur le plan politique, la ville de Strasbourg a pris le relais en lançant en novembre 2009 une consultation sans précédent dans les annales françaises de l’urbanisme : sous le titre « 10 terrains pour 10 immeubles durables », elle a mis en concurrence des groupes associant des architectes et des citoyens, dans des projets dominés par la fonction logement, mais intégrant également des activités. « Nous essuyons les plâtres », reconnaît volontiers Alain Jund, adjoint au maire chargé de l’urbanisme. Les 17 équipes candidates se sont concentrées sur les cinq terrains les mieux desservis et les moins contraints, sur le plan technique et réglementaire. « Sans doute avons nous surestimé le potentiel de la double fonction logement et activité, ce qui a freiné les candidatures », ajoute Stéphanie Strasser, chef de projet au service de la planification urbaine. Les critères de sélection ont également soulevé des débats : « Lorsque l’articulation entre le tissu existant et le projet renforçait les exigences architecturales, ce critère professionnel l’a finalement emporté sur l’esprit citoyen des propositions », reconnaît Stéphanie Strasser. Cette analyse éclaire le projet de la SCI Gros Poisson, qui donne à l’architecte strasbourgeois Dominique Coulon l’occasion de déménager son agence dans le quartier ancien de la Krutenau, sous l’œil attentif de l’architecte des bâtiments de France (voir photo).
Gîte urbain et logement très social
En cours de montage avec le bailleur très social et collecteur d’épargne solidaire Habitat & Humanisme, deux projets font mentir le cliché associant autopromotion et classes moyennes : « Je n’aurais pas voulu entrer dans l’autopromotion avec l’étiquette de Bobo », argumente l’architecte Patrick Texier. Dans un site péri-urbain, son projet fédère six foyers auxquels s’ajoutent deux logements dédiés au bailleur. Les habitants se proposent d’autogérer un « gîte urbain » dans l’immeuble qui se distinguera par son isolation thermique à base de paille.
« Dans un délai très court, plusieurs dizaines de personnes ont investi du temps pour définir un projet entre eux, et avec les architectes ». Le bilan technique dressé par Stéphanie Strasser répond à la volonté de développer la « citoyenneté urbaine », chère à Alain Jund. Pour se forger une doctrine juridique et une approche rationnelle de l’accompagnement public de l’autopromotion, la communauté urbaine, soutenue par la caisse des dépôts et consignations, a lancé cet automne une consultation dont les conclusions s’appuieront sur un état des lieux national et européen. Parallèlement, la collectivité poursuit une politique de réservation systématique de terrains dédiés à l’autopromotion, dans toutes ses opérations d’aménagement. Ces expériences pourront nourrir le cahier des charges d’une nouvelle consultation, envisagée pour 2011.