Plusieurs gros projets en cours mettent la capitale alsacienne en phase avec l’objectif fixé par le plan climat territorial adopté en 2009 par la communauté urbaine de Strasbourg (Cus): à l’horizon 2020, réduire de 30 % les besoins énergétiques, diminuer dans la même proportion les émissions de gaz à effet de serre, et amener la part des énergies renouvelables à 30 % de la consommation. « Ces politiques produisent leurs effets sur le long terme, mais la mise en service d’équipements lourds provoque des effets de seuil immédiats », commente Serge Foresti, directeur de l’environnement à la Cus.
Méthane et épuration : première française
L’un de ces effets de seuils proviendra, le 14 novembre, de l’extension du réseau de chaleur du sud de l’agglomération de Strasbourg, et de sa connexion à l’usine d’incinération des ordures ménagères. L’investissement de 22 millions d’euros résulte de la délégation de service public attribuée en 2010, pour 20 ans, à l’entreprise Senerval, filiale de Séché Environnement. La nouvelle canalisation de 11 km desservira les 17 000 habitants du quartier du Neuhof, en fin de rénovation urbaine. Sa mise en service s’inscrit dans un objectif de 60 % d’énergies renouvelables pour les réseaux de chaleur de l’agglomération, contre moins de 10 % aujourd’hui. Un autre effet de seuil proviendra du résultat de la délégation de service public que la Cus arbitrera avant la fin de l’année au quartier du Wacken : le cahier des charges fixe à 87 % la part renouvelable dans l’énergie distribuée par le réseau qui desservira notamment le parc des expositions, le palais de la musique et des congrès, le quartier d’affaires international et un lycée.
Outre la combustion des déchets, le biométhane fait partie des sources en voie d’exploitation, tant à l’usine d’incinération des ordures ménagères qu’à la station d’épuration. Dans le premier cas, le chantier de 5 à 6 millions d’euros démarrera au premier semestre 2014. Toujours dans le cadre de la DSP de Senerval, il connectera au réseau le méthane issu des 30 000 tonnes qui composent la fraction fermentescible des déchets de l’agglomération. Le second projet associe la société d’économie mixte Réseau GDS et la Lyonnaise des eaux, titulaire d’une délégation de service public de huit ans attribuée en 2010 pour l’exploitation de la station d’épuration de La Wantzenau, au nord de l’agglomération. « Il s’agira d’une première française, en ce qui concerne l’exploitation du biométhane issu d’une station d’épuration », précise Serge Foresti. Le projet de 15 millions d’euros, dont 20 % apportés par le programme Life de l’Union européenne, aboutira aux premières injections de biogaz dès la fin 2014.
Chaleur transfrontalière à l’étude
Le biogaz et les ordures ménagères s’ajoutent au gisement géothermique que deux industriels - Fonroche Géothermie et ES (groupe EDF) - prévoient d’exploiter à Strasbourg (voir http://www.lemoniteur.fr/197-eau-energie/article/actualite/21923584-le-bas-rhin-terre-promise-de-la-geothermie-profonde). Une quatrième source pourrait provenir de la chaleur fatale produite, sur la rive droite du Rhin, par le sidérurgiste Badische Stahlwerke : la Cus délibérera, avant la fin novembre, sur une subvention à la ville de Kehl pour l’étude d’un réseau connecté à cette source. « Alors que les 40 000 habitants de Kehl se répartissent dans un territoire dispersé, Strasbourg présente une grande densité, juste en face des Badische Stahlwerke, et il n’y a pas de raison d’interdire aux réseaux de chaleur de traverser le Rhin », argumente Jacques Bigot, président (PS) de la Cus.
Aux grands projets d’infrastructures, s’ajoute un nouvel outil financier de lutte contre la précarité énergétique, créé conjointement par deux sociétés d’économie mixte contrôlées par la ville et la communauté urbaine : le distributeur de gaz Réseau GdS et l’aménageur constructeur Sers ont donné naissance à Ener D 2. « Des négociations en cours avec la Caisse des dépôts et consignations portent sur le financement d’investissements générateurs d’économies d’énergie », indique Jacques Bigot, également président de la Sers. Aux termes d’un accord conclu avec la Fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim), Ener D 2 subventionne les études d’économie d’énergie engagées par les syndics.
Cap sur l’agglomération positive
La collectivité a déjà montré l’exemple de la sobriété énergétique tant dans son patrimoine que dans son fonctionnement : « Depuis 2009, les bâtiments communautaires ont diminué leur consommation de 3 % », note l’écologiste Andrée Buchmann, vice-présidente de la Cus chargée du plan climat territorial. L’élue cite également les économies générées par le plan piscine, le plan de déplacement des 7500 agents communautaires, les 8600 logements sociaux rénovés au cours des quatre dernières années dans l’agglomération… « Grâce à des formations transversales, l’ensemble des services communautaires prend en compte les objectifs de sobriété énergétique », se félicite Andrée Buchmann.
Prolongement politique logique de l’engagement communautaire, l’idée d’une autorité locale organisatrice de l’énergie fait son chemin : « Nous y sommes prêt », confirme l’élue écologiste. « L’énergie connaît une transition comparable à celle qu’ont engagé les déplacements urbains il y a 25 ans », poursuit le président de la Cus. Conscient de fixer un cap qu’il n’atteindra pas dans son fauteuil de président, Jacques Bigot ne s’interdit pas une vision futuriste : « Devenir un jour une agglomération à énergie positive ».