Sobriété foncière (5/5) : Terres en villes suit la piste nourricière

Accélérée par la crise du Covid, l’aspiration à une alimentation saine et locale redonne de la valeur aux terres nourricières proches des agglomérations. Composée de binômes qui associent 28 d’entre elles aux chambres d’agriculture de leur territoire, l’association Terres en Villes souffle sur cette braise susceptible de renforcer la résistance à l’étalement urbain.

Réservé aux abonnés
Psader
Les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) ont permis au Grand Lyon et aux intercommunalités voisines de mobiliser des aides régionales et européennes.

Le retour des terres agricoles des périphéries d’agglomération à une vocation nourricière et locale peut servir de levier à la lutte contre l’artificialisation des sols. Cette idée sous-tend la publication imminente d’une étude, sous le titre suivant : « Politiques alimentaires territoriales : quels rôles pour les outils de planification ? Etat des lieux dans 11 agglomérations du réseau Terres en villes ».

Planification alimentaire : 11 agglomérations au scanner

En 2018, le lancement de ce travail a marqué un tournant pour l’association née en 2000 à l’initiative de six agglomérations et autant de chambres d’agriculture de leur département : « Nous avons choisi de mettre en avant l’alimentation, et non plus l’agriculture », souligne Lisa Gerbal, chargée de mission de Terres en Villes, aujourd’hui forte de 28 binômes agricoles et intercommunaux.

A ses côtés, la fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et la fédération nationale des schémas de cohérence territoriale partagent l’expertise de leur réseau. « L’expérience des agences d’urbanisme dans la médiation locale s’applique facilement à l’accompagnement des plans alimentaires territoriaux », remarque Lisa Gerbal.

Impulsion règlementaire

Après les premières études lancées par Terres en Villes dans les années 2000 sur l’agriculture dans la planification territoriale, deux lois ont contribué à placer l’alimentation au centre de ses réflexions urbaines : avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en 2014, puis Alimentation – dite EGalim – en 2018.

Le renforcement de la marge de manœuvre des maîtres d’ouvrage des Scot a convergé avec l’impulsion législative, après l’ordonnance du 17 juin 2020 qui les autorise à déterminer les priorités de leur projet d’aménagement stratégique (Pas) successeur des anciens projets d’aménagement et de développement durable. 

Boom des projets alimentaires territoriaux

En stimulant le boom des projets alimentaires territoriaux (PAT), ces textes ont mis en évidence le handicap dont souffrent les agglomérations qui les portent : « Rares, datées et imprécises, les données pédologiques leur permettent difficilement de protéger leurs terres agricoles pour leur valeur nourricière », observe Lisa Gerbal.

Les territoires étudiés ont toutefois testé des outils de protection robustes : à Nantes, des diagnostics conjoints de la chambre d’agriculture et de l’agence d’urbanisme ont rendu possible la protection de 80 000 hectares de terres agricoles dans le Scot, puis le renforcement de cette disposition dans le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI).

Record lyonnais

La région lyonnaise détient un record : à l’échelle nationale, les 730 km2 de ses périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) couvrent 15 % des surfaces protégées par ce dispositif. « Seul un rétrozonage décidé par l’Etat, et donc quasi impossible, peut remettre en cause une telle protection », commente Lisa Gerbal.

Les PAEN ont permis à la métropole lyonnaise, associée à deux intercommunalités de son flanc Est, de mobiliser les fonds structurels européens, via la région Auvergne Rhône-Alpes, au titre du projet stratégique et de développement rural (Psader), notamment pour financer une légumerie, installer ou maintenir des maraîchers, protéger des zones humides…

L’audace de Lorient

Pour bloquer l’expansion débridée des zones commerciales périphériques au profit des terres nourricières, Lorient offre un exemple probant : l’agglomération a utilisé le document d’aménagement artisanal et commercial (Daac) pour empêcher toute nouvelle construction de surfaces de vente, tant que le taux de vacance dans la ville centre reste supérieur à 9%.

« Mais l’utilisation de cet outil reste politiquement délicat, comme en témoigne le litige en cours », tempère Lisa Gerbal.

Défrichage nantais

Comment mettre les moyens de protection réglementaires au service des projets agri-urbains ? Sur cette question appelée à devenir centrale dans l’aménagement périurbain, Nantes a pris une longueur d’avance, dans le quartier maraîcher Doulon Goharts, en cours d’aménagement autour de quatre corps de ferme réhabilités par Nantes Métropole Aménagement, sous la maîtrise d’œuvre de l’agence de paysage Bruel Delmar : après un montage favorable à la production alimentaire, la cohabitation entre agriculture et ville suppose une intelligence de l’aménagement qui ménage leur place aux tracteurs.

La montée en puissance de la biodiversité, dans les politiques publiques, laisse prévoir une autre évolution, encore taboue : les zonages du futur distingueront-ils les parcelles agricoles selon leurs externalités écosystémiques positives ou négatives ?

Défi culturel

« Aujourd’hui, seules les haies donnent une place à l’agriculture dans les trames vertes et bleues. Mais rien n’interdit d’imaginer que des espaces agro-écologiques puissent aussi y figurer, et à l’inverse que des surfaces de monoculture apparaissent comme des points noirs », analyse Lisa Gerbal. Rien, ou presque : franchir une telle étape demandera sans doute une révolution culturelle dans le monde agricole.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires