Sobriété foncière (4/5) : « Construire au cœur des métropoles favorise la ville du quart d’heure », Pascal Boulanger, président de la FPI

Elu en mai dernier à la présidence de la fédération des promoteurs immobiliers, Pascal Boulanger déplore la réticence croissante des maires à réaliser le potentiel de constructions prévu dans leur plan local d’urbanisme. Sollicités par les pouvoirs publics mais peu entendus, les promoteurs misent sur la création d’un think-tank, en 2022, pour ranimer leur flamme, grâce à la beauté des réalisations.

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Pascal Boulanger
Pascal Boulanger

Quels commentaires vous inspire l’objectif Zéro artificialisation nette ?

Sur le principe, notre réaction est positive. Les promoteurs ne contestent pas la nécessité de protéger l’environnement et la planète. Mais au stade de la mise en œuvre, un premier obstacle surgit : comment calculer l’artificialisation ? Dans le contexte de multiplication des recours contre tous les projets, chacun y va de son interprétation.

Jamais nous n’avions observé autant de refus de permis de construire, alors que la France présente une densité urbaine deux fois moins importante que la Belgique ou le Royaume-Uni, et que les plans locaux d’urbanisme, de plus en plus restrictifs, ne sont utilisés qu’aux deux tiers de leurs capacités.

Face à la pression démographique, nous souscrivons à l’idée de la « ville du quart d’heure », mais nous constatons que les grandes agglomérations restent soumises à la tentation de l’étalement.

Le fonds Friches n’amorce-t-il pas un renversement de cette tendance ?

Cette politique s’adresse prioritairement aux collectivités et aux aménageurs publics. Outre le plafonnement de cette aide pour les opérateurs privés dans le respect des limites posées par le droit européen sur les aides d’État (200 000 euros, soit un montant très faible au regard des seuls coûts de dépollution), les promoteurs sont très peu présents dans les opérations accompagnées par le fonds Friches, principalement fléché vers les opérations déficitaires.

Le neuf coûte en moyenne 30 % de moins que les rénovations lourdes. Quand il a le choix, le promoteur préfère toujours partir d’une feuille blanche, plutôt que de défaire et de refaire. Dans ses bilans prévisionnels, l’impact de la dépollution et des fondations spéciales sur les prix de vente l’amène régulièrement à renoncer.

La densité constitue souvent le point de blocage, quand un doublement des surfaces de planchers permettrait d’amortir le foncier, mais se heurte au plan local d’urbanisme.

Comment les élus réagissent-ils à vos arguments ?

Je ne les stigmatise pas. S’ils ne respectaient pas leurs engagements, leurs électeurs sauraient le leur rappeler. Lors de ma campagne pour la présidence de la FPI entre janvier et avril derniers, mes confrères ne m’ont parlé que de cela : les maires ne veulent plus rien signer.

À nous de leur donner envie, avec de très belles réalisations qu’ils s’approprieront, et à travers les trois arguments clés en faveur de la promotion immobilière : un métier nécessaire pour répondre aux besoins d’habitat ; utile à l’économie à raison d’une moyenne de deux emplois non délocalisables par logement sur 15 mois (durée moyenne d’un chantier) ; indispensable aux innovations techniques, architecturales et environnementales.

Mais cela ne suffira pas à vaincre les réticences à l’acte de construire, alors même que les promoteurs sont présents à toutes les étapes du parcours résidentiel en produisant par exemple 56 % des logements sociaux français, mais aussi des logements locatifs intermédiaires.

Il faut souligner que ce refus provient en majorité de populations bien logées et rarement sur le fondement de motifs d’intérêt général, ce qui justifie à nos yeux la proposition de la commission Rebsamen, de l’instauration d’un bonus-malus au regard du respect – ou non – par les collectivités des objectifs de production de logements sur un territoire donné.

Cela pose aussi la question de la concertation citoyenne, sur laquelle nous pouvons progresser tous ensemble, élus et maîtres d’ouvrage privés.

Le programme Action cœur de villes ne vous a-t-il pas ouvert de nouvelles perspectives dans les agglomérations moyennes ?

Assez peu à ce stade mais nous n’excluons naturellement aucun territoire dès lors qu’un marché peut s’y développer avec un modèle économique rentable. Notre cœur de marché continue à se concentrer dans les zones dites tendues, classées ABis, A ou B1.

L’équilibre de nos opérations repose sur une répartition paritaire entre la clientèle des accédants et celle des investisseurs. Les petites opérations des villes moyennes, plus spécifiquement tournées vers la réhabilitation ou la rénovation, ne sont pas directement dans notre cœur de métier et nécessiteraient que l’on revoie notamment la fiscalité afférente à ces opérations, pour que les professionnels trouvent un équilibre économique pour ces projets complexes.

La demande continue à se concentrer au cœur des métropoles, le plus près possible de la station de métro. J’y vois un facteur favorable à la mixité fonctionnelle, la densité urbaine et à la sobriété foncière, mais aussi à la réduction de la dépendance à l’automobile.

Comment espérez-vous mieux faire entendre vos points de vue ?

Notre écosystème doit parler d’une seule voix afin de porter quelques enjeux fondamentaux et partagés autour de l’acte de construire. Ensemble, nous serons plus forts. Je veux sans cesse rappeler notre impact social, sociétal et économique sur les territoires, de même que la performance environnementale de nos programmes immobiliers, la plus exigeante en Europe.

Pour partager nos valeurs avec ceux de nos concitoyens qui restent à convaincre sur la nécessité d’intensifier les villes, je souhaite lancer en 2022 un think-tank qui réunirait des personnalités extérieures à l’acte de construire, afin de sortir de l’impasse actuelle : si nous sommes régulièrement consultés par les pouvoirs publics, notre discours se heurte toutefois au processus démocratique.

Les électeurs ont régulièrement donné mandat à leurs maires pour ne plus construire. Or ces derniers sont les détenteurs d’une grande partie de la solution puisqu’il leur appartient de délivrer les autorisations d’urbanisme, matière première du maître d’ouvrage !

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